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@sirtm - Tumblr

"La vie est ailleurs, je crois qu'elle l'a toujours été. Je me lève le matin avec une fatigue que je pense d'abord insurmontable, et puis : les perles d'eau chaude sous la douche, les vitamines C dans le jus d'orange, la brioche et la caféine que je remue lentement dans une petite tasse à café ; tous ces éléments extérieurs participent à mon réveil, sans eux, je serais encore étalé dans mon lit. Je ne le cache pas : je n'aime pas ces premières heures. Je ne les aime pas car je ressens d'une manière trop lourde cette mécanique qui me conduit à la vie. C'est dans un film de Godard, je crois, qu'un protagoniste répond toujours par la négative quand de bon matin on lui demande si « ça va ? ». Ça ne peut pas aller avant 10 heures, dit-il. Après, il faut croire que la pulsion de vie reprend le dessus. On n'est plus tellement anesthésié par le poids de son corps. On sent un rouage plus fort nous entraîner, et on se laisse porter, comme la masse, car c'est trop tard pour retourner se coucher : on est déjà levé, habillé, en mouvement. On avance et on perçoit comme un léger flottement dans les transports. Il nous étonne d'abord, et puis, étrangement, il nous rassure ; c'est que l'absence dans le regard des gens, leurs soupirs et leur anxiété : on la partage, on la reflète. Dans cette multitude de visages que l'on croise, il en est qui nous ressemblent. Beaucoup ignorent la force qu'ils ont pour réitérer chaque matin le fait de se lever, d'aller au travail, à l'école, tout en laissant de côté leurs problèmes. Ils pensent faillir un jour, et pourtant, ils sont toujours là, désespérément là. Certains, parmi eux, empoignent anxieusement leur téléphone, ils attendent peut-être le message libérateur d'un proche, d'un amour qui leur souhaitera de passer une très bonne journée... Et, quand le message de l'être aimé ne vient pas, il les initie au doux néant...

Si je n'aime pas ces premières heures pour les efforts qu'elles me demandent, je dois avouer que je les apprécie pour ce qu'elles me montrent des êtres et de leur solitude, dans ces rares moments où le naturel afflue à la surface des corps."