Prologue - Bons Baisers de Volterra

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Une voix, venue des tréfonds des ténèbres, priait. Son porteur était habillé d'une longue cape bordeaux, accentuant sa pâleur crayeuse et la noirceur de sa chevelure. Il se trouvait face à un autel où étaient gravé des mythes ancestraux à même la pierre, véritable fresque d'une histoire passée. Des signes oubliés teintaient le sol de sang humain, appel secret et maléfique à un rituel interdit. Autour de celui-ci, des silhouettes s'étaient agenouillées pour prier avec lui, véritables ombres dont n'émanaient qu'un léger marmonnement qui semblait se répercuter dans tout l'espace.



« Mère protectrice et Mère destructrice. Entends nos paroles. Accueille aujourd'hui un présent de tes enfants. Accepte cette nouvelle âme humaine, cette naufragée de l'humanité... Offre-lui l'éternité, épargne-lui la Mort et permets-lui de rejoindre notre grande famille. »


   Un jeune homme déposa sur l'autel le corps d'une jeune femme. Dans sa nudité, elle semblait être la réincarnation de la Vierge endormie : ses cheveux flamboyants entouraient son léger visage encore marquée par l'enfance tandis que son frêle corps dévoilait des formes féminines sensuelles, véritable appel à la tentation.
   Mais ce qui semblait hors de propos sur cette jeune enfant, c'était l'imposante cicatrice qui zébrait son bassin, masse hideuse de la violence humaine, animale. Ainsi dévêtue, elle contrastait avec la pesante obscurité qui l'entourait, telle une aura prête à la dévorer, à se repaître de son innocence lorsqu'elle sera appelée.


« Mère protectrice et Mère destructrice. Entends l'appel de ton Fils, entends l'appel de ton éternel serviteur. Aujourd'hui, je me fais chevalier et je me plie à ta volonté. Accepte mon nouvel enfant Cléa, juge-la de par tes mille épreuves. Accepte ma nouvelle Fille en ton sein. »


    L'homme s'approcha alors de la jeune demoiselle. Il se mit à embrasser chacune des parties de son corps, faisant glisser ses froides lèvres sur la chair nouvelle tel un serpent ondulant sur son territoire. Il resta longtemps à embrasser la marque de la souffrance sur cette âme puis, après s'être saisi d'une bassine à l'intriguant liquide sanguin, il y trempa ses doigts avant de les laisser caresser tendrement les lèvres rouges de l'endormie. Il se mit ensuite à couper ses longs cheveux roux, au rythme des lamentations des muettes chantres, tel un orchestre macabre dirigé par le Diable :


« Mère protectrice et Mère destructrice. Entends les plaintes de tes enfants. Embrasse notre sœur pour l'éternité, sauve-la de la souffrance humaine. Apaise son âme de la peur de la Mort. Ramène-la auprès de ses sauveurs, auprès de nous. »


    Une fois la chevelure langoureuse détachée de l'enfant purifiée, l'homme se mit à prier dans une langue inconnue, ancienne, secrète et obscure, témoin muet des rites les plus sombres des hommes. Il semblait alors possédé et la foule d'ombres se joignait à lui dans un état proche de la démence, de la folie fervente.
    Puis le corps sur l'autel émit un soupir. La prière s'atténua pour finalement s'arrêter. L'homme se mit alors face à ses serviteurs, au dessus de l'autel, de la jeune ingénue. Ses yeux d'un rouge laiteux semblaient luire d'une folie maîtrisée, d'un plaisir malsain qui n'attendait que d'être nourri, d'être étanché. Il leva alors ses bras vers le ciel, ultime sollicitation d'une divinité supérieure.


« Mère protectrice et Mère destructrice. Aujourd'hui, ma famille accueille une nouvelle enfant, une nouvelle Fille. Permets moi de lui offrir ton immortalité, ta force et ta soif ! Permets-moi de lui ravir son innocence en échange d'une vie éternelle. Permets-moi de faire de Volterra le nouvel abri de ma Fille et de la faire semblable à ses Sœurs ! Permets-moi de la présenter à ses Frères et de lui donner le compagnon désigné ! »

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