61Depuis plusieurs jours, l'idée de retourner en Syrie a émergé dans mon esprit. Je suis venue ici en espérant y trouver une famille, que j'ai trouvé. Je suis tombée amoureuse, je me suis mariée, j'ai même porté un enfant, j'avais un emploi qui me plaisait. La vie me souriait enfin. Pour la première fois, je croyais en l'avenir. Je n'avais plus peur de ce que la vie me réservait. Parce que je n'étais plus seule. Mais tout cela est révolu. Aujourd'hui je suis seule. Je souffre et je n'en peux plus.
Je sais que c'est une idée profondément égoïste. Certains n'ont pas eu la chance de faire le voyage. D'autres l'ont fait, mais ils n'ont pas survécu. Je sais que je dois m'estimer chanceuse de pas vivre au milieu des décombres et des ruines. De plus risquer ma vie à chaque instant du jour et de la nuit. Mais je n'y arrive pas. Mes souffrances sont plus fortes que la lueur d'espoir. Je n'arrive plus a y croire. Si je retourne là-bas, je serai seule et malheureuse. Mais je serai chez moi.
Dans une semaine, je reverrai Ibrahim. Je dois prendre une décision. Donner une nouvelle chance à mon mariage ou tout arrêter maintenant. Je pensais être certaine de mon choix. Divorcer était la meilleure solution. Mais je nage dans l'inconnu. Je pensais qu'après avoir trouvé du travail, mes ruminations prendraient moins de place mais je vais toujours aussi mal.
Hizya me sort de mes pensées. C'est une fille très douce et joviale. Elle voit bien que je suis souvent dans la lune mais elle ne me dit rien. Je fais bien mon travail et même si ce n'est pas passionnant, j'aime ce que je fais. Je n'ai pas beaucoup parlé de moi. J'ai dit que j'étais en France depuis quelques années seulement. Je n'ai pas parlé de ma vie familiale et elle n'a pas insisté. Une cinquième vendeuse a complété notre équipe. Elle s'appelle Hawa. Très discrète mais aussi très gentille. J'aime bien lorsque nous travaillons le même jour. Je ne suis pas obligée de faire la conversation. Elle aussi doit avoir ses problèmes....
Ce soit là avant de rentrer à la maison, j'ai décidé de prendre mon courage à deux mains et d'aller voir mon oncle et ma tante. Ma conversation avec Amine m'a fait beaucoup de mal et j'ai honte d'avoir totalement coupé les liens avec eux. J'ai peur qu'ils me rejettent et je pense que je ne pourrais pas supporter pas le supporter s'ils me rejetaient. Assise dans ma voiture, je ne parviens pas à en sortir. J'ai envie de faire demi tour, mais je ne peux pas. Je dois leur demander pardon. Ils ne méritent pas la souffrance et la peine que j'ai causé. Lorsque je sonne à la porte, je suis tentée de dévaler les marches en courant mais c'est trop tard.
Sofia ouvre la porte et semble surprise de me voir. Mais elle ne dit rien, elle se contente d'un sourire poli. J'ai l'impression de ne pas être revenue ici depuis une éternité.
« - Sofia ? Tu as ouvert ?
- Oui maman. Viens. »
Ma tante apparaît enfin. Nous restons silencieuses et immobiles pendant quelques secondes avant qu'elle me sert dans ses bras. Sofia se joint à nous et nous restons ainsi pendant de longues minutes.
[...]
C'est comme si je n'étais jamais partie. Nous avons passé la soirée à discuter. Kaina et mon oncle sont rentrés. J'ai préparé le repas avec ma tante comme avant. Nous n'avons pas reparlé de ce qu'il s'est passé. Peut-être qu'on le fera à un autre moment. Mais pas maintenant.
« - Et ce nouveau travail, ce n'est pas trop fatiguant ?
- Si, mais j'aime beaucoup. Mes collègues sont gentils et ça payent les factures.
- Tant mieux alors. C'est bien que tu travail. Tu as eu tes papiers ?
- Oui, il y a plusieurs mois.
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Azhar - La syrienne et le voyou. { CORRECTION }
RomanceAzhar 20 ans, vit en Syrie avec sa mère Amira. Le régime de Bachar El Assad , la guerre, la famine et l'apogée de L'Etat Islamique poussent notre jeune héroïne à défier la mort. Elle quitte sa terre natale pour rejoindre ce que l'on appelle en Syrie...