Prologue - L'Éveil

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Tu es seule, et le monde tourne autour de toi. Saisie de frissons, tu te recroquevilles sur toi-même. Tu sens les ombres s'emparer de toi mais tu es incapable de crier. Tu n'es même pas capable de parler comme avant. Les mots se bloquent dans ta gorge, refusant de sortir, t'empêchant de communiquer, tu te sens faible et démunie. La communication est impossible, l'espoir, évanoui. Tu ne vois que le noir, les ténèbres et une peur terrible te ronge, sûrement la peur de mourir avant d'avoir pu dire au revoir aux gens que tu aimes. 

Comment cela a-t-il pu se produire ? Pourquoi as-tu suivi ton ami, que tu pensais connaître sur le bout des doigts ? Tu l'ignores. Tu te rappelles toujours de son visage rempli de haine s'illuminant au clair de lunes, de l'ombre des branches crochues sur ses vêtements, de son sourire prêt à accomplir un terrible méfait. Il avait fui, laissant son couteau sur les lieux du crime, te laissant giser là, quelque part dans les bois, là où t'avait entraîné en prétextant qu'il avait quelque chose d'important à te montrer. Et tu l'avais suivie, guidée par l'amour que tu lui portes, cet amour naïf que tu croyais éternel, le sourire aux lèvres.

Et pourtant, tout cela est réel. Le monde dans lequel tu flottes inconsciemment, ton œil droit qui te brûle, comme rongé d'un feu de l'esprit, ta rage, et ta haine envers le monde entier, d'avoir fini si bêtement. Partout, aux quatre coins de ta mémoire surgissent des souvenirs, de ton chien Barker qui aboyait joyeusement, de ta mère, avec ce sourire si sincère qui était dessiné sur son visage angélique, de ton père, et son regard chaleureux, et ton petit frère, si innocent, si joueur...Ces souvenirs te brisent le cœur une fois de plus.


C'est la fin.


Tu entends vaguement le bruit des agitations. Les gens qui, de leurs pieds, martèlent le sol, leur voix grave ou aigüe, parfois les cris de personnes déroutées ou venant de perdre un proche. Tu sens que tu respires. Tu inspires une immense goulée d'air, heureuse d'être en vie. En vie ? Tu ouvres les yeux. Près de toi, ta famille, à ton chevet. Tout le monde est là ; Tom, ton petit frère, ta mère, ton père. Tu sens leur chaleur et leurs sourires émus t'étonnent. Tu recules en arrière. Une peur terrible te saisit, en voyant le visage de ton agresseur soudain apparaître et disparaître en une fraction de secondes. Ce regard flamboyant qu'il avait. Tu ramènes tes jambes et les entoure de tes bras, terrifiée. Ce n'est pas le monde que tu connais. Tu ouvres la bouche afin d'émettre un son, une parole, mais impossible ; plus rien pour communiquer, la frayeur de revoir cette tête méprisante te hante.

A ce moment, tu aurais préféré mourir en paix, ne plus jamais Le revoir, oublier ce qu'il s'était passé et vivre dans une torpeur éternelle, plutôt que de survivre en sachant qu'à vie, tu Le verrais toujours, où que tu ailles, vivre avec ce souvenir de peur. Tu as peur, peur des humains qui t'entourent, peur de leurs sourires, peurs de leurs yeux, de leurs gestes ; une peur sans nom. Sous le choc de l'émotion violente, et incapable de formuler quelque chose, tu t'évanouies à nouveau. 






Silent EscapeWhere stories live. Discover now