Chapitre 2

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Naël

Un bruit infernal me fait lentement ouvrir les yeux alors que le soleil agresse douloureusement mes yeux. Je redresse très légèrement la tête pour savoir d'où provient ce boucan horrible, lorsque j'avise mon portable posé sur le coin de mon bureau en train de vibrer et de glisser lentement sur le bois.
Je tourne alors la tête à droite et à gauche, remarquant que je suis toujours dans mon bureau, et essayant de me souvenir pourquoi je suis toujours au travail alors que le soleil brille à l'extérieur. Et je me souviens vaguement m’être échiné à vouloir écrire un chapitre entier de mon nouveau roman avant de m'accorder le droit de rentrer chez moi.
Je lève alors les yeux sur mon écran, et une photo de ma famille au grand complet parcouru de bulle de savon me fait face. Ça doit faire un moment qu'il est comme ça.
Je me frotte violemment le visage, essayant de me remettre les idées en place, et grimace douloureusement en sentant les traces des touches sur mes joues. Je déconseille à qui que ce soit de s'endormir sur un clavier. Ça fait un mal de chien au réveil. Et je dois avoir une drôle de tête.
Je me passe une main dans le cou pour décoincer ma nuque, n'ayant pas forcément pris une bonne position pour dormir, et entends mes os craquer doucement. Je grimace de nouveau. Ce qui serait bien à cet instant, c'est une jeune femme qui me fasse un langoureux massage. Ça me fait d'ailleurs penser que cela fait longtemps que je ne me suis pas retrouvé entre des cuisses accueillantes. Il serait peut-être temps de remédier à ce genre de chose.
Je repose la tête sur mon bureau, pour essayer de me souvenir de quand date ma dernière partie de jambes en l'air. J'ai beau chercher, je n'arrive pas à m'en souvenir. La fille ne devait pas être terrible si elle ne m'a laissé aucun souvenir.
Mais il faut dire que dernièrement, en dehors des délais à tenir pour mon roman, je ne pense pas à grand-chose. Une fois de plus, je me demande pourquoi j'ai fait la connerie de signer ce contrat. Mais en même temps, comment j'aurais pu imaginer que mon imagination débordante me ferait défaut !
Mon téléphone qui s'était miraculeusement arrêté, se remet à vibrer de toutes ses forces, et je pousse un grognement avant de tendre le bras pour l'attraper. Je sursaute en voyant qu'il s'agit du numéro de ma grand-mère. Je regarde alors l'heure sur ma montre, et saute sur mes pieds en jurant tout ce que je sais.
Putain de merde ! Je devrais déjà être en route, voir arrivé chez elle. Ça ne m'étonne pas qu'elle essaye de me joindre depuis tout à l'heure.
Je ne prends même pas la peine d'éteindre l'ordinateur avant de prendre ma veste et de me ruer hors de mon bureau. Arrivé au rez-de-chaussé, James me fait un petit signe de la main pour me saluer. Mais son geste s’arrête en plein vol lorsqu'il voit ma tronche de travers, et il explose de rire. Je grogne de nouveau avant de le rejoindre et de prendre le sac de livres que je dois emmener à ma grand-mère.
– Vous avez une sale tête patron !
– Ta gueule ! J'ai pas le temps, j'suis à la bourre !
James rigole encore et je me rue vers l'extérieur pour attraper le premier métro pour rentrer chez moi. Même si je suis totalement en retard, je ne peux décemment pas me présenter ainsi devant mamie. Mes parents m'ont élevé autrement.
J'arrive chez moi rapidement et me dirige tout de suite dans la salle de bains où je me rafraîchis rapidement sous une douche chaude avant de me ruer totalement nu jusque dans ma chambre. De toute façon, je suis tout seul dans cet appartement, je ne vois qui ça peut gêner en dehors de moi. Et personnellement, ça ne me gêne pas du tout. Bien au contraire. Me balader à poil chez moi est un de mes petits plaisirs !
En moins de vingt minutes, j'ai tout de même réussi à rentrer chez moi, prendre une douche, me rhabiller correctement et ressortir de chez moi. Je monte dans ma voiture et la démarre, avant de me rendre compte que cette fois-ci, j'ai oublié de prendre le sac de livres.
Râlant contre mon abruti de cerveau qui tourne au ralenti, je remonte les marches de mon immeuble quatre à quatre et redescends tout aussi vite, manquant de me casser la gueule dans les escaliers. Je pousse un soupir las en remontant dans ma voiture. Cette fois-ci, normalement, je n'ai rien oublié.
J'ai fait tellement souvent cette route que je connais le moindre virage par cœur. Depuis toutes ses années où nous nous rendons dans cette fabuleuse maison, ma très exceptionnelle mémoire fait la route à ma place.
Je me revois la toute première fois où j'ai passé les grilles de cette demeure. Nous venions à peine de découvrir l'identité de notre père, et il voulait nous faire rencontrer le reste de sa famille. Je me souviens comme si c'était hier de la façon dont mes yeux ce sont ouverts exagérément en voyant les hautes grilles de fer forgé barrer l'entrée de cette fantastique maison. Et le tout premier moment où Milly nous a accueilli les bras grands ouverts, nous serrant contre son cœur. Tout comme Richard qui nous a pris contre lui, nous acceptant Kérian et moi comme ses petits-fils dès le tout premier regard.
Mon cœur se serre douloureusement en repensant au fantastique grand-père qui nous a quitté trop tôt. Aucun de nous n'était prêt à le laisser partir. Mais c'est ainsi que va la vie. Nous n'avons pas eu le choix, et dû accepter le fait qu'on ne le verrait plus jamais.
Quelques minutes plus tard, je stoppe ma voiture devant les hautes grilles, et descends lentement la fenêtre de mon côté, avant de sourire à la caméra. La voix de Cullen me parvient et je souris en repensant à cet homme qui était là lors de notre sauvetage. Lui aussi a joué un rôle important dans notre vie. Même si c'est dans une moindre mesure.
Il a tout d'abord été le patron de notre père, et de lui donner un coup de main pour nous retrouver. Et puis plus tard, le patron de notre cousine. Cet homme n'a pas cessé de naviguer dans notre famille avant de définitivement s'y installer en épousant la cuisinière de mamie. J'avoue que je ne l'avais pas vu venir ce coup-là. Mais lorsque je les vois ensemble avec Maria, cela me semble d'une logique imparable.
– T'es en retard Naël ! Milly n’arrête pas de se ronger les sangs à cause de toi. Je me demande s'il est raisonnable de te laisser entrer. Et je te signale que Maria est en train de t'injurier dans toutes les langues qu'elle connaît.
Je rigole doucement, même si je sais qu'il n'a pas totalement tort. Je n'ai aucun mal à imaginer Maria en train de fulminer derrière ses fourneaux sur le fait que les jeunes ne respectent vraiment plus rien. Et sachant qu'elle parle trois langues, je ne dois pas être à la fête auprès d'elle. Il va falloir que j'arrive à me faire pardonner. Normalement, un de mes sourires devrait lui suffire. Bien souvent, j'arrive à m'en sortir comme ça avec elle.
Les grilles finissent pas s'ouvrir et je fais redémarrer ma voiture, avançant lentement le long de l'allée bordée d'arbres.
J’arrête ma voiture à côté de la porte, à peu près à la même place que d'habitude, et sors en faisant bien attention de penser à prendre le sac de livres. Je me dirige d'un bon pas vers la porte d'entrée, lorsqu'un très léger mouvement attire mon attention du côté de la table extérieure. Mais je pense que j'ai dû rêver, parce que je ne vois rien. J'ai beau froncer les sourcils pour essayer d'y voir plus clair, la table et les sièges autour sont vides. Malgré tout, mon instinct me dit d'aller voir.
Je me dirige donc vers l'espace détente, les sourcils toujours froncés. Plus je me rapproche, et plus il me semble distinguer une vague forme, assise par terre, recroquevillée sur elle-même. À quelques pas, j'arrive enfin à reconnaître la forme d'un corps. Un tout petit corps.
Je me donne une tape sur le front. Mais quel con ! J'avais complètement oublié que mamie recevait ses petits protégés cette semaine. C'est pourtant bien pour ça que je suis là. Enfin, en tout cas pour eux.
Je pose mon sac à côté de la table et m'assois sur une chaise, examinant la forme indistincte qui est assise par terre en face de moi. Je pense qu'il doit s'agit de la petite fille au vu des cheveux noirs qui lui tombent devant les yeux, et aussi grâce à la doudoune rose bonbon qu'elle porte. Mais en dehors de ça, je ne distingue rien de plus sur elle.
Je ne suis pas habitué à discuter avec des enfants, je ne sais donc pas vraiment quoi lui dire pour engager la conversation. Mais je dois le faire. Mamie nous a demandé d’être gentil avec eux.
– Bonjour ! Comment tu t'appelles ?
La forme devant moi ne réagit pas d'un pouce. Comme si elle ne m'avait pas entendue. Je me penche légèrement sur elle et tends le bras pour dégager son visage de ses cheveux. Mais à peine ai-je touché une mèche, qu'elle se recule d'un bond, sans aucun bruit.
Et une fois de plus, je m'insulte intérieurement. Mamie nous a bien dit que cette petite avait eu une enfance plus que dure. Cette gamine a été retrouvée enfermée dans une cage comme un animal, sans prénom, sans même savoir l'age qu'elle a. d'après le dossier transmis à ma grand-mère, cette fillette à vécu des moments extrêmement difficiles durant les premières années de sa vie.
Un peu apeuré, ne sachant pas du tout quoi faire avec elle, je me redresse et m'éloigne d'un pas. Je l'examine plus attentivement, et bien que mamie nous ait dit qu'elle devait avoir aux alentours de six ans, au vu de sa taille, je ne lui aurais pas donné plus de quatre ans. J'ai l'impression qu'elle est aussi grande qu'Ayana. Mais peut-être est-ce dû au fait qu'elle n'ait pas pu grandir dans un espace ouvert ?
Une idée aussi bien subite que stupide me passe par la tête, et je me penche sur le sac que j'ai amené et sors un des livres. C'est justement celui qui m'avait attiré dans la section classique de ma librairie. Je l'ouvre à la première page et ma voix empli doucement l'air autour de nous.
« Noël ne sera pas noël si on ne nous fait pas de cadeaux, grommela miss Jo en se couchant sur le tapis.
– C'est cependant terrible de n’être plus riche, soupira Meg en regardant sa vieille robe.
– Ce n'est pas juste non plus que certaines petites filles aient beaucoup de jolies choses et d'autres rien du tout », ajouta la petite Amy en se mouchant d'un air offensé.
Alors Beth, du coin où elle était assise, leur dit gaiement :
« Si nous ne sommes plus riches, nous avons encore un bon père et une chère maman et nous sommes quatre sœurs bien unies. »
Durant ma lecture, j'ai bien fait attention à prendre une voix différente pour chacune des filles Marsch. Je me souviens de la première fois que j'ai lu ce roman. Comme une fille, j'ai fini en pleurs, mais je n'ai pas pu m’empêcher de le lire et le relire encore. Toujours en cachette, bien sûr. Ça aurait été mal vu qu'un garçon comme moi lise un livre de filles.
Mais, ce livre fait vraiment partie des grands classiques de la littérature.
Je continue doucement ma lecture, adaptant ma voix à chaque personnage de ce merveilleux roman, et je ne vois pas le temps passer. Comme à chaque fois que mes yeux se posent sur la page d'un livre, le temps devient quelque chose de secondaire pour moi. Combien de fois m'est-il arrivé de devoir aller à l'école après avoir passé une nuit blanche à lire ? Trop souvent, malheureusement, mais malgré mes yeux qui me brûlaient de fatigue, je n'arrivais jamais à m'arrêter avant d'avoir totalement fini le chef d’œuvre.
Ce n'est qu'en sentant une main se poser sur mon épaule, que je sursaute violemment. Je relève la tête et regarde derrière moi. Un sourire étire mes lèvres en reconnaissant ma grand-mère. Je referme le livre dans l'intention de la serrer contre moi pour la saluer, lorsqu'un petit gémissement provenant de la forme indistincte assise part terre monte vers nous.
Je me tourne vers elle en fronçant les sourcils. Est-ce vraiment elle qui a fait ce bruit ? C'est étrange. Je crois que c'est la première réaction que j'observe sur elle depuis que je suis arrivé. Mais est-ce bien elle qui a fait ce bruit ? Si ça ce trouve, ce n'était que le bruit du vent dans une branche. Ou bien, les pas de mamie sur la terrasse.
Je me tourne de nouveau vers ma grand-mère pour qu'elle me donne la confirmation et les larmes que je vois poindre dans ses yeux me donne une boule au ventre. Pourquoi mamie est-elle sur le point de pleurer ? Qu'est-ce que j'ai encore fait pour la mettre dans cet état ?
– Tout va bien ?
Ma grand-mère se tourne vers moi avec un sourire rayonnant avant de me serrer contre son cœur. Je ne comprends rien à ce qu'il se passe, mais j'accepte son étreinte. Un câlin de sa mamie, ça ne se refuse pas.
– C'est la première fois qu'elle émet le moindre son Naël, me murmure-t-elle à l'oreille.
J'ouvre de grands yeux étonnés avant de me tourner de nouveau vers la forme indistincte. J'aimerais pouvoir voir son visage, mais j'ai déjà essayé de dégager ses cheveux tout à l'heure, et la réaction que j'ai eu m'a conforté dans l'idée de ne pas recommencer.
Je ne sais pas vraiment pourquoi, mais j'ai le sentiment ancré au plus profond de moi que je dois faire quelque chose pour cette petite bonne femme. Comme une boule dans mon ventre qui me pousse à aller vers elle.
Je prends une grande inspiration avant de m'agenouiller face à elle. J'essaye de mettre de la bonne humeur dans ma voix, mais je ne suis pas certain de vraiment y arriver.
– Si tu es sage chaton, je reviendrais après le repas, et on reprendra là où on s'est arrêté. Ça te dit ?
Je ne sais pas d'où m'est venu ce surnom, mais je trouve que ça lui va bien. Elle me fait très sincèrement penser à un petit chaton sauvage tombé du nid un peu trop tôt pour son bien. Et la dégaine qu'elle a correspond également tout à fait.
Je n'attends pas vraiment de réponse de sa part, c'est pour ça que j'amorce un mouvement pour me relever, lorsque je vois les cheveux devant moi bouger très légèrement. Tellement doucement que je me demande si ce n'est pas un effet de mon imagination, ou bien d'un souffle du vent. Pourtant, je prends pour un signe d'assentiment. Je finis donc par me relever, en faisant bien attention de laisser le livre sur la chaise où j'étais assis et en passant mon bras sous celui de ma grand-mère pour l’entraîner dans le salon.
Je ne sais pas ce qu'il m'a pris de me mettre à lire ce livre. Je ne me souviens même plus pourquoi j'ai choisi spécifiquement celui-là dans le sac que j'ai amené. Ni même pourquoi j'ai pris celui qui était illustré dans ma librairie.
Tout ce que je sais, c'est que visiblement, j'ai bien fait. Parce que mamie à l'air super heureuse alors que l'on entre dans la salle à manger. Je me défais rapidement de mon manteau et de mon écharpe avant de prendre place sur une chaise autour de la table.
C'est incroyable comme cette table parait immense aujourd'hui. Le dimanche précédent, lorsque toute ma famille était réunie, elle semblait pourtant minuscule. Nous avons même eu du mal à tous nous caser pour pouvoir manger.
– Comment as-tu fait, Naël ?
Je fais un petit sourire d'excuse à Maria qui vient de déposer un verre de vin devant moi. Je sais qu'elle peut être très rancunière, et je ne veux pas être la source de sa rancune. Je sais très bien de quoi elle peut être capable lorsqu'elle est en colère. Ian et moi avons pris assez de remontrance de sa part lorsque nous étions plus jeunes. Entre les vases brisés, et les traces de boues un peu partout dans les couloirs de la maison, notre vieille cuisinière avait des raisons de nous en vouloir.
Après avoir longuement froncés ses sourcils dans un air qui se voulait dur, Maria finit par me sourire également, et pose une main sur mon épaule, avant de serrer légèrement les doigts sur ma peau. C'est sa manière à elle de nous excuser.
Je me tourne alors de nouveau vers ma grand-mère, et hausse les épaules. Très sincèrement, j'ignore encore pourquoi cette gamine à réagit. J'ai juste ouvert un livre et lu quelques lignes. Je ne suis même plus sûr d’être arrivé à la fin du chapitre.
– D'ailleurs, comme tu dois te douter, cette petite ne m'a pas donné son nom.
Mamie me regarde avec un air triste gravé sur le visage, et je sens que ce qu'elle va me dire ne va pas me plaire.
– Malheureusement, cette petite n'a pas eu la chance d'avoir un prénom. Ses parents ne se sont jamais occupés d'elle. Même pas pour la nommer.
Mon ventre se tord douloureusement. C'est dans ce genre de cas que je me rends compte que j'ai vraiment eu une chance folle de naître dans cette famille merveilleuse. Tout ce que j'espère que cette petite va comprendre la chance qui lui est offerte de pouvoir côtoyer mamie.
– Comme elle a été retrouvée le jour de la saint Jules, les services sociaux l'on nommée Julie, mais elle n'y réagit pas du tout.
J'acquiesce d'un mouvement de tête, avant de froncer les sourcils et de regarder du côté de la porte. Mamie nous avait dit qu'elle devait recevoir deux gamins avec leur éducatrice. Comment se fait-il qu'ils ne soient pas là ? À moins que mamie n'ait voulu déjeuner qu'avec moi ce midi ? Ce ne serait pas la première fois, mais cela m'étonnerait d'elle. Ou peut-être est-ce dû à mon retard ?
– On ne mange que tous les deux ?
Mamie me regarde avec un petit sourire avant de prendre une gorgée de vin, et de reposer son verre tout en douceur sur la table.
– Pourquoi ? Ça te dérange de manger avec ta vieille grand-mère ?
Je rigole doucement avant de tendre le bras pour prendre sa main dans la mienne.
– Pas le moins du monde. Tu sais bien que j'adore discuter avec toi.
– Pour sûr ! Tu es le seul capable de me battre dans une joute verbale.
Je plonge dans son regard gris qu'elle m'a léguée, et nous explosons de rire d'un bloc. C'est vrai qu'il est arrivé plus d'une fois que nos divergences d'opinions se terminent sur des bagarres. Mais avec Milly, ça a toujours été verbal.
Et bien souvent, il n'y avait ni gagnant, ni perdant. Nous finissions bien souvent à égalité. Malgré le fait que mamie n'aime pas perdre, je sais qu'elle apprécie nos prises de bec.
Nous finissons tranquillement nos verres, tout en discutant de choses et d'autres. Bien évidemment, nous ne pouvons nous passer de parler du reste de la famille. Je crois que tous les membres y passe.
Soudain, mon regard est attiré vers les fenêtres, et je saute sur mes pieds lorsque je me rends compte qu'il neige à gros flocons dehors. Pour un mois de janvier, ça n'a rien d'anormal, mais je repense à la petite fille qui doit toujours être dehors. Et malgré le fait qu'elle avait l'air d’être bien couverte, la petite risque de prendre froid.
Je me lève d'un bond, et me rue jusqu'à la porte fenêtre que j'ouvre d'un mouvement brusque. Mes pas me portent d'eux-mêmes jusqu'à l'espace détente, où mes yeux trouvent tout de suite ce que je suis venu chercher. Je frissonne douloureusement sous l'effet du froid, des flocons se glissant insidieusement dans le col de ma chemise.
Je m'agenouille face à elle et tends la main afin qu'elle l'a prenne. Mais comme la fois précédente, la forme ne bouge pas d'un pouce. J'y adjoins donc ma voix.
– Hé, chaton. Il neige fort. Ce serait bien de rentrer si tu ne veux pas tomber malade.
La petite fille n'esquisse pas le moindre geste, et cela me brise le cœur. J'ai du mal à imaginer comment un être humain peut en être réduit à ce stade. Elle est à peine à l'aube de sa vie, et elle doit déjà avoir le sentiment que sa vie est finie.
Je reste dans la même position qu'elle, attendant un geste de sa part, transi de froid. Même si cette gamine n'est absolument rien pour moi, je n'arrive pas à la laisser là toute seule. Pour moi, c'est un peu un cas de non assistance à personne en danger. Même si elle est prévenue, ce n'est qu'une toute petite fille qui ignore tout de la vie.
C'est peut-être même d'ailleurs parce qu'elle a rarement pu sortir de sa cage qu'elle passe autant de temps dehors. Malgré tout, elle ignore très certainement que la neige peut être dangereuse à haute dose.
De la fenêtre du salon, mamie me crie de rentrer mettre mon manteau. Que je vais finir par attraper la mort à rester dehors sous la neige dans mon petit pull tout fin. Bien que mes oreilles l'entendent parfaitement, je ne peux me résoudre à rentrer sans elle.
C'est incroyable parce que j'ai rencontré cette gamine il y a tout juste deux heures, et je me sens responsable d'elle. Pourtant, ce n'est pas à moi qu'elle a été confiée.
Mais je pense que le fait de l'avoir fait réagir avec mon livre m'a, en quelque sorte amené à me croire responsable d'elle.
Alors que je commence à trembler de tous mes membres, et à me dire qu'il va tout de même falloir que j'aille chercher quelque chose à me mettre sur le dos, je vois la tête de la petite fille remuer légèrement, pour se relever.
Et mon cœur se serre dangereusement lorsque je rencontre ses prunelles grises. J'ai l'impression de regarder mes propres yeux. C'est tout à fait stupéfiant.
Nous restons ainsi plusieurs minutes, nos regards plongés l'un dans l'autre, sans bouger le moindre muscle. Puis, reprenant conscience avec la réalité, je m'aperçois que je suis de plus en plus trempé par la neige qui se colle à mes vêtements, et fond lentement sur moi, me mouillant jusqu'aux os.
Je frissonne durement, et esquisse un sourire en direction de la petite fille avant de me relever, faisant bien attention de garder le contact visuel avec elle, et de lui tendre la main afin qu'elle me suive.
Aussitôt, elle a un mouvement de recul en voyant ma main tendue, mais je ne bouge pas, et attends patiemment qu'elle accepte de me faire confiance. Finalement, elle attrape le livre que j'avais laissé sur la table, et que j'avais totalement oublié, avant de se relever, le livre serré contre elle et de baisser de nouveau la tête.
Je glisse ma main dans ma poche, comprenant que pour elle il est encore trop tôt pour les rapprochements de ce genre, et commence à retourner vers le salon, dont les fenêtres sont toujours ouvertes.
Je me frictionne longuement les bras, me rapprochant de la cheminée pour ressentir le plus de chaleur possible, tendant les mains devant moi. J'entends ses petits pas s'approcher doucement. On ne peut pas dire qu'elle fasse beaucoup de bruit pour une enfant. J'espère juste que ce ne sera pas toujours le cas.
Je sens sa présence à mes côtés, avant même de la voir. Je me tourne vers elle avec un grand sourire sur les lèvres.
– On est quand même mieux à l'intérieur !
La petite à les yeux braqués sur le feu comme si c'était la première fois qu'elle en voyait un, et je pense que c'est effectivement le cas, avant de lever la tête vers moi. Son visage est grave, et j'ai du mal à voir la vie dans ses yeux. Mais étrangement, j'ai la sensation que cette petite va être importante pour moi.
Mon ventre se serre douloureusement alors que cette pensée me traverse, et d'un seul coup, tout un tas d'idée parcourt mon cerveau dans tous les sens. J'ai l'impression qu'en plongeant dans ses yeux si semblables aux miens, je viens de retrouver mon imagination perdue.
Sans qu'elle n'en comprenne la raison, je lui adresse un sourire rayonnant avant de lui faire un clin d’œil. Je ne connais toujours pas son nom, mais elle m'a grandement aidé.

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Ne me désire pas, aime moi ! (sous contrat d'édition chez JennInk)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant