Chapitre 1

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NDA

Alors, je voulais vous dire, pour ceux qui attendaient, que cette histoire n'aura pas de temps défini entre les chapitres, je l'écris au fur et à mesure de mon imagination, je ne le force pas.

Merci, bonne lecture!

Gout-haine




Mes mains se mettent aussitôt à trembler, et j'ai le cœur qui bat la chamade. Je jette un regard terrifié vers Lisa et m'aperçoit qu'elle a les mains crispées aux accoudoirs. Je n'arrive plus à penser. Un crash ? Je reprends mes esprits. Il faut trouver les gilets de sauvetage. Malgré mon cœur battant de plus en plus vite, je cherche fébrilement sous mon fauteuil. Après avoir tâtonné partout, je le trouve et le saisit, tendant le sien à Mélys. Cette dernière hoche la tête pour me remercier, les lèvres serrées. Nous mettons chacune le nôtre. Une secousse se fait sentir et l'avion commence à perdre de l'altitude. Des cris retentissent autour de moi. Je me lève et décide de me déplacer parmi les rangées pour aider quelques personnes, quand je vois une petite fille qui pleure. Elle est blonde et ses cheveux tombent en cascade sur ses épaules. Ses yeux sont rouges à force de les avoir frottés. Je lui donne son gilet de sauvetage et l'aide à le gonfler.

-Ca va aller ? demandé-je en la tenant par les épaules, agenouillée devant elle pour me mettre à son niveau.

-Ou... Oui.

-Tu t'appelles comment ?

-E... Eva, répond-elle en reniflant.

Elle ne doit pas avoir plus de six ans. Une autre secousse fait trembler la cabine et l'avion se penche vers le sol, ce qui entraîne les cris stridents d'une multitude d'enfants.

-Accroche-toi ! crié-je à la petite.

Elle ravale ses larmes et se dirige vers une issue afin de trouver un appui.

Des objets volent tout autour de nous, emportés par l'avion tombant à pic, à présent. Un garçon d'une dizaine d'années se penche vers le hublot :

-On se rapproche ! hurle-t-il, affolé.

Aussitôt, toutes les personnes ayant gardé un semblant de calme se mettent à paniquer et à hurler ou à courir dans toutes les directions. Malgré les voix des pilotes dans les micros nous disant de nous calmer, aucun de nous n'écoute. Aucune hôtesse, le vol était censé être encadré par des hommes et des femmes ayant « un sens de l'organisation à toute épreuve ». Moi, je ne vois que des adultes désorganisés criant à tout-va, jetant des gilets de sauvetage à chaque enfant qui croise leur chemin.

Je décide que la meilleure solution est de s'assoir et de ne plus bouger. Je me dirige résolument vers mon siège, les bras croisés, et m'assieds. Mélys m'aperçoit, assise à ma place, les yeux regardant devant moi, et m'imite. Bientôt, le bruit est réduit et la moitié des personnes de l'avion attend la mort, les bras croisés. Je me repasse mentalement ce qu'il m'arrive. J'ai dix-neuf ans. Je suis dans un avion dans lequel il y a plein d'enfants de tous âges. L'avion est en train de s'écraser : on a peu de chances de survivre. Je devrai avoir peur. Et pourtant... Peut-être parce que je n'ai rien à perdre, que l'a guerre m'a tout enlevé. Je n'ai pas peur de mourir. Je ne vois plus à quoi peut me servir la vie, dans ce monde déchiré par les conflits, où la famine est chose commune, où la misère règne et la moitié de la population est illettrée.

Je regarde ma montre digitale qui indique 14h31. Voir cette montre me rappelle de douloureux souvenirs. C'est mon père qui me l'a achetée il y a douze ans dans le petit marché de ma ville natale, au temps où la paix était partout. Ce jour-là, les colombes étaient sorties de leurs nids et volaient dans le ciel bleu, sans aucuns nuages à cette époque. Oh, elle n'a pas coûté cher, n'est pas ornée de fioritures –elle est même assez simple, à vrai dire- mais c'est comme si un morceau de l'âme de mon père y résidait encore. Ca fait remonter des images dans mon esprit, des flashes de ma vie d'avant, avant la guerre : mon père me faisant tournoyer en l'air, ma mère cuisinant une ratatouille, le sourire aux lèvres, ou même Hermès, notre golden retriever, jouant dans la mer Thérasie. Nous menions une vie simple à l'époque, et rien ne laissait présager une guerre.

Enfin, si. Des rumeurs, lancées après le commencement de la guerre, couraient, enflaient, véhiculées par les gamins des rues. Apparemment, une convention des chefs de tous les pays du monde se serait réunie trois mois avant la guerre, et les pays de l'Est étaient en désaccord avec ceux de l'Ouest et ça aurait déclenché la guerre.

Mais je n'y crois pas trop.

A mon avis, tout est à cause de l'Est. Tout le monde sait, et depuis longtemps, que les pays à l'est veulent étendre leur territoire. Ce congrès n'a été que le prétexte pour déclencher un évènement déjà prévu depuis des décennies.

A l'école, en histoire, mon professeur disait qu'auparavant, notre pays s'appelait « la France ». Maintenant, ça s'est transformé en « F-11 ». « F » pour France et « 11 » pour le onzième pays le plus peuplé.

Je suis tirée de mes réflexions par un cri perçant. Je secoue la tête pour ressortir de ma torpeur et regarde par le hublot. Une épaisse fumée noire sort de l'aile et j'aperçois un morceau de ferraille s'en détacher et s'envoler. Le sol se rapproche dangereusement, je ferme les yeux, entend un dernier cri, puis un énorme fracas, puis, plus rien.

• * *

Je reprends mes esprits quelques secondes plus tard. Les soubresauts de l'avion ont disparu, laissant place à un léger bruit de crépitement. A ma gauche, dans le siège de Mélys, personne. Je m'extirpe en titubant et me glisse à travers un trou béant dans l'armature. J'avance sur quelques mètres, difficilement, puis me retourne vers là d'où je viens. La dernière chose que je vois avant de m'évanouir une seconde fois est la carcasse de l'avion dévorée par les flammes.

• * *

Je suis dans un monde noir comme la nuit. Je n'ai rien à faire, alors je pense. Mais on dirait que je ne suis pas maîtresse de mes pensées. Lorsque j'essaie de réfléchir au crash de l'avion, par exemple, ou, à où je suis si je ne suis pas morte, mes pensées reviennent toujours vers un seul et même visage. Un jeune homme d'une vingtaine d'années, blond, le visage fin et anguleux, avec des yeux bruns emplis d'une lueur farouche. Je ne le connais pas, je ne l'ai jamais vu. Et là, alors que j'essaie une énième fois de penser à autre chose, il ouvre la bouche, entourée par des lèvres fines, ce qui laisse découvrir de belles dents droites et blanches, et dit ces mots :

-Je m'appelle Josh.

Puis il disparaît, et je redeviens inconsciente.

• * *

« Sally ! »

J'entends une voix fluette au loin, ça doit être la voix de Mélys. Elle répète toujours la même chose, mon prénom, encore et encore, de plus en plus fort, de plus en plus près. J'ouvre d'un coup les yeux et inspire une grande goulée d'air. Je vois directement le visage de Mélys penché sur moi.

-Je... Où... où on est ? balbutié-je totalement désorientée.

-Je ne sais pas... Sur une île, on dirait, bredouille-t-elle.

Je me relève précautionneusement. Tous mes souvenirs ressurgissent en même temps. Sur une île ?! Je fais volte-face, voit le reste de l'avion, et, sans réfléchir, cours vers ce-dernier, soulevant des sièges, des décombres, cherchant des survivants, évitant les cadavres quand j'entends des pleurs. Un jeune garçon aux cheveux noirs, asiatique, de taille normale, se tient au-dessus d'un cadavre. Je reconnais la fillette que j'ai aidé quand l'avion était en chute libre. Elle a le regard vitreux, ses longs cheveux blonds sont étalés autour d'elle. Le garçon se tourne vers moi et dit d'une voix étranglée :

-C'est... C'était ma sœur.



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⏰ Dernière mise à jour : Feb 06, 2021 ⏰

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