Journey

Libre

Un trais lumineux passa devant mes yeux, frôlant ma joue avec délicatesse. La forêt qui m'entourait foisonnait de vie. Parmi les différentes teintes de vert et de brun on pouvait apercevoir toutes sortes de créatures. Les rayons du soleil se reflétaient sur les pelages bariolés des rongeurs. Le vent portait les chants des oiseaux aux quatre coins du monde. L'eau cristalline des ruisseaux et rivières s'agitait au même mouvement que son peuple aquatique. La terre noire tremblait sous le galop des herbivores et le mur de végétation abritait les prédateurs de ces lieux.

Un nouveau papillon aux ailes d'argent passa cette fois-ci près de ma nuque, faisant s'envoler quelques-unes de mes mèches châtaines par l'air frais qu'il battait dans son vol frénétique.

J'inspirais doucement l'air chargé des senteurs du bois. L'odeur sucrée de la sève et des baies. Celle, fraîche de l'humus et de la terre. La légère acidité du poil animal. Comme les sons, ces parfums familiers étaient à la fois enivrants, vivifiants et relaxants. Je sentais mes muscles se détendre et mes paupières se fermèrent d'elles-mêmes sur mes yeux dorés.

Debout, là, au milieu de cette explosion de couleurs, d'odeurs, de son et de sensations, je laissais la nature immerger mes sens et mes pensées vagabonder.

Ici, perdue au milieu de cette mer de verdure, j'avais l'impression d'être à ma place. Ou plutôt, d'y avoir ma place. Ce monde était un tout. Un équilibre. Et j'y avais ma place. Il n'y avait aucune règle superflue dans ce monde. Rien qui te disait si tu avais le droit ou non de faire ceci ou cela. Il n'y avait que les règles Naturelles. Celles présentes depuis le début du monde. L'Instinct. Le Respect. Le Besoin. La Survie.

Libre.

Je me sentais à l'aise dans cette idée. Un mot au son si doux et dur à la fois. Un privilège? Une tentation? Un fait? Un état d'esprit? Tout ça? Ou au contraire rien? Je pourrais aller où bon me semblerais, voguant sur la mer comme sur la terre.

Mais...Aurai-je les même besoin de ce peuple des bois? Comme moi, ils comprennent la souffrance, le besoin de protection et de protéger, la fidélité, la curiosité. Ils ont leur propre définition de l'amour et ils ont sûrement d'autres choses dont je n'ai pas conscience. Mais connaissent-ils le devoir? La compassion? L'émerveillement? L'envie? Et moi? Pourrai-je vivre sans ça? Sans le donner ou le recevoir? Serrai-je obligée d'étouffer cette soif d'amour et de connaissance? Enfaite, suis-je censée m'adapter à ce monde en me changeant? En devenant comme les autres? Ou suis-je censée vivre, survivre, en étant moi-même. Est-ce être libre que de devoir changer pour pouvoir vivre comme on le souhaite?

Qu'elle partie de moi veut être libre? L'homme ou la bête?

Soudain un craquement de bois résonne dans le silence environnant, me faisant sursauter et sortir brusquement de mes pensées. Mon cœur s'emballa et je me retournai vivement pour aviser le jeune homme au visage rouge de gêne, affichant un sourire contrit. Le rythme effréné de mon cœur se calma légèrement et je ravalais un petit soupir de soulagement.

Fronçant les sourcils je questionnai suspicieusement l'adolescent aux cheveux de jais.

-Que fait tu là Aidan?

-Heu...Je...bégayai t-il, cherchant visiblement une excuse à sa présence impromptue.

-Depuis combien de temps est-tu là? Lançai-je sans lui laisser le temps de s'enfoncer.

Se raclant la gorge pour se redonner contenance Aidan sortit du buisson derrière lequel il s'était apparemment caché.

-Depuis que tu t'es arrêtée. Quarante minutes environ.

J'étais restée si longtemps à réfléchir! Après réflexion, les courbatures le long de mon dos et mes jambes engourdies le prouvaient bien. Je basculai la tête en arrière -non sans une grimace de douleur- et remarquai que celui-ci se teintai déjà des couleurs du crépuscule. Avec un soupir je reposai le regard sur mon camarade l'invitant à poursuivre, tout en commençant à m'étirer pour décoincer quelques os.