Chapitre 1

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1940, l'Allemagne nazie retient son souffle : je n'ai jamais été aussi occupée et ne le serais plus jamais. Comment commencer ? « Bonjour enchantée je suis la Mort ? » Non. Mais peut importe.

Je vous avertis : cette histoire n'est pas gaie. En effet, puisque c'est moi qui la raconte ... Savez vous qui je suis ? Oui ... Je vous l'ai dit. Mais ne partez pas ! Restez !

Cette histoire commence quelques mois après le début de la guerre. Elle commence par une froide matinée de Janvier en Allemagne ... sous le régime du Führer.

Elle commence par une jeune amitié, une amitié dans la peur.

Je me rappelle ... C'était par une matinée glaciale, la neige tombait doucement sur les rues de Munich, elle recouvrait les toits des maisons encore debout et s'infiltrait a travers les fenêtres cassées. Elle rendait le sol glissant et devenait sournoisement mon allié. En effet, dans ces rues pauvres de Munich, où la misère et la maigreur étaient un quotidien, une chute pouvait vite devenir fatale.

Cependant ce matin là dans ce quartier pauvre que la neige illuminait, une petite fille marchait fragilement dans la rue. Son teint était d'une blancheur presque éclatante, ses longs cheveux bruns étaient défait et sales. Et son petit visage exprimait la souffrance. Mais ses yeux, eux, d'un bleu presque sombre ne reflétaient qu'une tendresse et une joie enfantine a l'idée de rapporter à la maison sa trouvaille de 2 pence.

Mais sur le chemin, elle croise Eden, tout les oppose. Il est grand et fort. Avec des cheveux blonds comme les blés et des yeux de ciel d'été. C'est un aryen.

Mais regardez ... Regardez bien, vous le voyez ? Oui, juste la ... Le sang.

En passant près d'elle, Eden titube et s'écroule ...

Elle s'appelle Elsa, elle a dix, et elle est juive.

Elle aussi a vu le sang. Alors elle s'enfuit, elle court, elle court au risque de se rompre le cou.

Je ne lui prête plus attention. Je fixe seulement Eden, attendant le moment propice pour le prendre dans mes bras et l'emmener avec moi. Mais au moment où je m'approche Elsa revient. Dans sa main la pièce a disparu, à sa place se tiennent un vieux chiffon et une petite bouteille de pénicilline. Elle court encore, arrive à lui ... Il est tombé sur le ventre, la plaie de son dos est béante. Elle verse quelques gouttes de la petite bouteille dessus. Eden gémit.

Verzeihung ! Elle s'excuse.

Je me suis toujours demandé si cette fillette avait senti que j'étais là ... Quoi qu'il en soit je sentis le souffle d'Eden revenir, alors je m'éloignai ... Ce fut la première fois qu'il m'échappa.

Quelques semaines plus tard Eden et Elsa se voyaient toujours. Eden s'était pris d'affection pour sa jeune sauveuse, et elle, appréciait sa compagnie. Ils ne reparlèrent aucunement de leur rencontre. C'était comme entendue entre eux.

Lui, était Aryen. Elle, était juive.

Leur amitié se fit plus forte ; entre cachotteries et danger leur relation avait la saveur douce amère d'être amis-ennemis en temps de guerre.

Lorsque l'oppression Allemande se fit plus pesante, il s'arrangeait toujours pour que se soit lui à faire la ronde de la Rue Himmel dans le quartier pauvre de Munich. Quand Elsa lui demandait pourquoi, il répondait toujours qu'au paradis il se sentait à sa place.

Himmel. Le Paradis.

Les jours puis les semaines et les mois passèrent et Elsa et Eden se retrouvaient de plus en plus souvent ... Cependant ils étaient toujours très discret. Elle lui apprit à coudre ; il lui fit découvrir le pouvoir des mots. Elle chantait doucement pour lui ; il lui apprenait tranquillement à lire. Lorsqu'Elsa lui demandait pourquoi il aimait tant ses livres il lui répondait toujours :

- « Car avoir des mots Elsa, c'est dominer le monde »

Et dans ses bas quartiers ou la peur suintait férocement, ils s'isolèrent peu à peu ...

Entre peur et douceur Elsa vécut les plus belles années de sa vie ...

Mais vous vous demanderez sans doute ce que je fais encore là ... Simple curiosité, mais je vous suis bien utile ... puisque de là ou je suis je vois tout.

Elle s'appelle Elsa, son prénom signifie Dieu et Promesses et elle avait douze ans le 20 janvier 1942.

Lorsqu'Eden vint aboyer à la porte de la maison ce jour-ci Elsa comprit que quelque chose n'allait pas. Son père, ignorant tout d'Elsa et Eden, le visage calme mais ses yeux gris traduisant la peur immonde qui l'habitait, ouvrit la porte. Eden entra ... Accompagné de trois autres soldats. Il leur aboya en allemand de préparer leurs affaires, puis brusquement ils les emmenèrent. Dans la rue la neige tombait doucement en cette froide soirée d'hiver.


Des pleurs jusque chez les Morts. (Terminé) Où les histoires vivent. Découvrez maintenant