La guerre des clans - La prophétie de Lune Grise

Prologue

Étoile du Soir, dans une lenteur considérable, s'extirpa d'un lourd sommeil. Légèrement étourdi, le meneur balaya les lieux du regard. Il mit une poignée de secondes avant de reconnaître l'endroit où il était. 

Les branches, qui paraissaient noires sur le ciel moiré, batifolaient doucement avec le vent. La voûte céleste était piquée d'étoiles, et une lune blafarde et luisante y était cousue. En rabaissant son regard sur les terres, on pouvait distinguer une vaste plaine, étincelante d'argent dans la nuit. Non loin, un rocher se dressait fièrement dans toute sa splendeur ancestrale. Les rayons fades et lunaires le caressait doucement. Finalement, inutile de les manquer, les quatre chênes qui se dressaient autour du chef, aux branches semblables à des griffes torses, se refermant sur les cieux, et leurs racines noueuses s'enfonçant dans la terre. Les Quatre Chênes. 

Étoile du Soir ne mit plus beaucoup de temps à comprendre son état; il rêvait, bien sûr. Mais ce n'était point un rêve anodin; s'il se trouvait en ce patrimoine, c'était pour une raison bien précise. Cette fameuse raison, il n'en doutait pas, et il l'imputait à un membre du Clan des Étoiles. Or, il n'en connaissait personnellement que bien peu. 

Le meneur, lentement, se retourna sur lui-même avec une lenteur de fauve à l'affût, guettant une présence. Il parvint à déceler un minuscule bruit de froissement dans le feuillage d'un buisson. Puis, une chatte d'une vingtaine de lunes seulement s'en extirpa pour se diriger vers son aîné.

Belle, elle était toutefois d'une beauté particulière; ses yeux en amande étaient étirés et écartés, mais vifs et intelligents. Sa bouche et son museau avait une forme particulière, un peu pincée, et ses oreilles étaient pointues. La forme de son crâne, au front aplati, jouait aussi dans ce physique particulier. La jeune femelle avait un petit quelque chose qui lui donnait une certaine allure, ce n'était pas seulement le fruit de son corps d'une sveltesse féline, de sa maigreur hautaine et noble qui inspirait le respect, ni de la poussière d'étoile qui étoffait chacun de ses pas. 

L'oreille d'Étoile du Soir frémit, telle une feuille sous le vent, et le meneur s'approcha de sa cadette avec un respect mêlé de familiarité. Celle-ci s'arrêta, posa son séant au sol avec la prestance d'un chef sur le Grand Rocher et toisa le meneur avec une impassibilité tranquille. Sa longue queue gracile s'enroula autour de ses pattes, et son pelage écaille sembla briller dans la pénombre. 

« Jour de Pluie, la salua simplement le meneur. » 

Il tendit son museau pour effleurer celui de la femelle, mais celle-ci détourna la tête, ce qui fit qu'Étoile de Poussière ne rencontra que le vide. Agitant machinalement une oreille, il recula. 

« Je ne devrais pas être ici, siffla-t-elle d'un air inquiet. Nous n'avons pas beaucoup de temps, Étoile du Soir. »

Le meneur se refroidit aussitôt. Son pelage nimbé d'argent miroita sous le ciel. Il balança sa queue, la faisant fouetter l'air. Un mélange d'inquiétude, de curiosité et de fatalité teintait ses prunelles émeraude.

« Aurais-tu quelque chose à me dévoiler?

- Tu as des problèmes avec ton Clan. Et avec les autres, d'ailleurs. »

Étoile du Soir, surpris, haussa les sourcils. Jour de Pluie avait touché juste. Finalement, le matou s'installa en face de sa cadette avec un soupir. 

« Étoile Gelée se comporte en imbécile... 

- Oh, je t'en prie, ne te montre pas si clément, l'interrompit Jour de Pluie avec un demi-sourire. Étoile Gelée est une imbécile. »

Étoile du Soir esquissa une pause avant d'incliner le museau dans un mouvement affirmatif. 

« J'ai bien peur de ce qu'elle pourrait faire. Elle est encore jeune et inexpérimentée. J'imagine qu'Étoile du Cerf avait l'intention de lui inculquer son savoir, mais... - il se tut un instant avant de reprendre - Bref, le fait est qu'elle n'est pas prête à être chef. Elle est irréfléchie, n'a aucune notion stratégique, et est à la tête d'une bonne quinzaine de fins guerriers. J'espère seulement que le pouvoir ne montera pas à sa précieuse petite tête.