Chapitre 1

42 1 1
                                    

Un homme s'approche de moi, clairement affecté par les radiations. Il ne porte pas le masque nécessaire, il est sans doute un sans-abri. Je me retire un peu plus dans l'ombre causée par le vieux réacteur d'avion rouillé. J'espère qu'il poursuivra sa route, sans me porter attention. J'ai l'équivalent de deux mois de salaire dans mon sac, ce n'est pas le moment de me faire aborder. Ma priorité est de rentrer rapidement chez moi. Je replace silencieusement mon masque qui glisse dans la sueur qui perle sur mon nez. Heureusement, il ne m'aperçoit pas, en fait je ne sais pas s'il possède une vue suffisamment fonctionnelle pour réellement voir ce qui se passe autour de lui. Je relâche un soupir. Un soupir que personne ne peut entendre dut à l'épaisseur du cuir qui camoufle une partie de mon visage. Je garde mon sac fermement dans ma main, je sors rapidement de l'ombre et je reprends, d'une marche rapide, le chemin du retour. J'entends au loin un transport aérien appartenant au gouvernement. J'accélère un peu plus le pas, le couvre-feu est déjà dépassé depuis plusieurs heures, mais j'avais réellement besoin de ces pupa. Je dois réparer le filtre à air de mon appartement, pour que je puisse finalement retirer ce masque. J'espère que la lune, qui éclaire les rues désertes, ne me trahit pas. J'avance silencieusement sur le pavé détruit sous les années d'usures. J'ai l'habitude de sortir dans les heures interdites, mais en général j'emprunte des chemins plus discrets, mais plus dangereux, ce soir c'est impossible, pas avec autant de pupa en ma possession. J'atteins finalement l'immeuble qui m'abrite depuis déjà plusieurs années. J'appuie mon pouce sur le détecteur et la porte se déverrouille.

Elle se referme derrière moi, emportant avec elle le stress qui m'habitait depuis que j'ai quitté la maison de Hendrix. Je me dirige vers le moteur, maintenant silencieux, du filtre à air. J'attrape la clef que j'ai déposée plus tôt sur le sol. J'ouvre la paroi supérieure pour jeter un coup d'œil incertain sur les composants. Ayant déjà essayé tout ce que je pouvais pour le réparer, je sais déjà qu'il n'y a rien de plus à faire que de le remplacer. Je tente, tout de même une dernière approche, et je donne un coup de clef sur le dessus de la pièce défectueuse et j'appuie sur le mode marche. Le moteur tourne lentement, faisant grincer les différentes courroies, et s'arrête net. Je laisse tomber la clef sur le sol et referme le couvercle brusquement, frustrée. Je sais que malgré tous les efforts je n'avais pas suffisamment de pupa pour acheter le même moteur. Je devrais me contenter d'un plus petit modèle. Ce serait tout de même assez puissant pour la superficie à couvrir. Je replace une fois de plus le masque sur mon nez et je m'installe rapidement derrière mes écrans d'ordinateur, abandonnant le filtre et la clef qui jonche le sol, pour surveiller les nouvelles. Ces mêmes nouvelles qui tournent en boucle depuis deux jours, un homme qui s'est fait couper le pouce et dévaliser sa résidence, le bombardement d'une ville, beaucoup trop près d'ici, et la hausse des taxes par le gouvernement. Une hausse qui va, une fois de plus, mettre des gens dans la rue, plus de sans-abri, donc plus de gens affectés par les radiations, les brûlures thermiques et la suffocation.

Le seul bruit qui résonne dans la pièce est celui qui parvient de mes tours d'ordinateurs, je n'ai pas l'habitude d'être dans un environnement aussi silencieux, et je sens l'angoisse monter en moi. J'ai vraiment envie de retirer mon masque, pour quelques secondes, mais je sais que c'est impossible, j'ai déjà le corps couvert de plaques rouges et le bout des doigts noircit par le port constant de ce truc. Il est fiable, mais pas autant que le filtre. Si je n'arrive pas à trouver la pièce nécessaire demain je devrais aller chez quelqu'un pour un certain temps. Je dois nettoyer ce qui se trouve dans mon sang, et nettoyer mon masque. Je soupire, même si je ne m'entends pas moi-même. Je pousse sur le rebord de mon bureau pour faire reculer ma chaise, l'appuyant contre mon matelas, qui se trouve à même le plancher. Je me penche pour détacher mes bottes en cuir trouées, et je les retire. J'allonge les jambes et je dépose mes pieds sur le bureau, les yeux fixés sur les écrans devant moi. Je suis sûre d'avoir été amplement discrète, mais je ne prends pas de chance. Rien jusqu'à présent. Je sais que la nouvelle sortira, j'espère seulement que personne ne m'y associera. J'étire mes bras au-dessus de ma tête avant de retirer l'élastique qui retient ma chevelure. Je le lance sur le bureau devant moi, remarquant une mèche noire qui tombe sur le sol. Encore un effet de ces radiations; je perds souvent des cheveux. Je passe mes doigts, entre les ganses du masque, pour voir si j'ai un endroit, ou plusieurs, sans cheveux. Rien d'apparent. J'abandonne le réconfort qui se trouve devant moi et je tourne ma chaise pour me laisser tomber dans le lit. Je ne prends pas la peine de retirer mes vêtements complètement usés et je rabats la couverture par dessus.

SolsticeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant