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Blanche-Neige, le ventre bien rond, attendant l’heureux événement avec autant de hâte que d’anxiété, s’empressa d’emboîter le pas du geôlier le long du sinistre couloir. Le Prince Charmant et elle étaient sur le point de s’entretenir avec le seul homme du royaume qui avait la réponse à leur question. Blanche-Neige n’avait pu trouver la paix depuis que la reine avait proféré ses menaces. Elle avait besoin de connaître la vérité.
Le geôlier, un homme corpulent et dyspepsique, n’appréciait guère cette idée.
– Ne lui dites jamais comment vous vous appelez, et, tenez, mettez ça, leur conseilla-t-il en leur tendant deux grosses capes à capuchon. Votre meilleure défense, ce sera l’anonymat.
Le prince s’empara des capes, enfila la sienne et tendit l’autre à son épouse.
– Pourquoi t’ai-je laissée m’embarquer dans cette histoire ? lui demanda-t-il.
– C’est le seul moyen, tenta-t-elle de le convaincre. Tu sais que je ne me trompe jamais.
– Il a raison de s’inquiéter, madame, confirma le geôlier d’un ton effrayant. Tous ceux qui se sont entretenus avec Rumpelstiltskin l’ont amèrement regretté.
Le prince et Blanche se consultèrent du regard. Tous les deux étaient anxieux.
– C’est moi qui lui parlerai, dit simplement le prince.
Tout au bout du long couloir lugubre, ils atteignirent enfin tous les trois la dernière cellule. Elle était plongée dans l’obscurité, et seules les flammes de leurs torches leur permettaient d’en distinguer les barreaux irréguliers. Le geôlier s’exclama :
– Rumpelstiltskin ! J’ai une question pour toi.
– Non, ce n’est pas vrai, retentit une voix perplexe dans les ténèbres. Ce sont eux qui ont une question à me poser.
Le Prince Charmant et Blanche-Neige aimeraient savoir s’ils doivent tenir compte des menaces de la reine. Je me trompe ?
– Comment sais-tu ça ? demanda le geôlier. Qui est descendu te parler ?
– Personne, mon bon ami ! résonna la voix de Rumpelstiltskin.
Blanche ne le voyait pas, mais il lui semblait qu’il s’était levé brusquement. Le prince porta la main à son épée.
– Cessons cette comédie, intervint Blanche, s’avançant et ôtant son capuchon. Dites-nous ce que vous savez.
– D’accord, répondit Rumpelstiltskin en s’approchant des barreaux. Si vous me donnez quelque chose en échange, ma douce Blanche-Neige.
Le prince s’interposa alors entre le cachot et son épouse.
– Vous ne sortirez pas d’ici. C’est hors de question. Inutile de l’envisager.
– Non, pas dans l’immédiat, reconnut Rumpelstiltskin. Bien sûr que non. Je sortirai plus tard. Quand on partira tous. Ce qu’il me faut, ce sont des garanties. Pour plus tard. Alors ?
– Que voulez-vous dire ? demanda le prince. Qu’est-ce que…
– Dites-nous ce que vous voulez, s’impatienta Blanche-Neige. Nous n’avons pas de temps à perdre.
– Le nom de votre enfant à naître, ce serait… parfait.
– C’est hors de question ! s’écria le prince.
– Entendu, intervint Blanche, sans tenir compte de l’intervention de son époux. Maintenant, dites-nous. Qu’est-ce que la reine a prévu pour nous ? Comment va-t-elle pouvoir nous prendre notre bonheur ? Je sais qu’elle a un plan.
Rumpelstiltskin se tenant à présent devant les barreaux de sa cellule, ils distinguèrent son visage écailleux verdâtre. Il avait une verrue sur son nez tordu, et des dents jaunes et pointues. C’étaient là les effets de quelque magie noire, mais Blanche en ignorait l’origine et s’en moquait éperdument.
Il esquissa un sourire, dardant sa langue obscène entre ses lèvres.
– La Méchante Reine a mis au point une puissante malédiction, expliqua-t-il aussitôt. À moins qu’elle en ait trouvé une qui existait déjà. Et sa malédiction arrive. Elle n’affectera pas que ce royaume. Elle les touchera tous… Vous serez bientôt tous emprisonnés. Tout comme moi. Mais en pire. Vous serez prisonniers, nous serons tous prisonniers du temps.
– Balivernes ! se gaussa le prince.  Allons… Rumpelstiltskin ne tint aucun compte de sa remarque et prit un ton grave.
– Le temps va s’arrêter. Nous serons tous pris dans son piège, souffrant pour l’éternité. La reine nous gouvernera, nous réduira en esclavage. Nous serons perdus, désorientés. Sans plus aucun espoir.
Il n’y aura plus de fins heureuses.
Il patienta, le temps qu’ils assimilent ses paroles.
– Aucun d’entre nous ne pourra l’en empêcher. Blanche lui lança un regard sévère. Rumpelstiltskin était un être rusé, mais il ne mentait jamais, ce qui la poussa à le croire. Ils couraient un grand danger, comme la reine l’avait promis.
– Qui, alors ? le pressa-t-elle.
– L’enfant, répondit-il en se tournant vers son ventre. Seule l’enfant sera en mesure de contrarier ses plans. Il vous faudra la mettre en lieu sûr, ajouta-t-il. Loin d’ici. Tout commencera quand elle atteindra l’âge de vingt-huit ans. Elle nous sauvera. Nous tous.
Il avait prononcé cette dernière phrase avec simplicité, comme s’il s’agissait d’une évidence.
– Elle ? s’étonna le prince en se tournant vers Blanche. Mais c’est un garçon.
– Vraiment ? Je n’en suis pas si sûr, Votre Altesse ! dit le prisonnier en chantonnant.
– Il faut que nous nous préparions, fit remarquer Blanche au prince. Viens, mon amour. Sa prophétie est exacte, j’en ai la conviction.
– Attendez ! s’écria Rumpelstiltskin. Le nom de l’enfant ! J’en ai besoin ! Nous avions conclu un marché !
Blanche se tourna vers l’homme au visage monstrueux.
– Emma, dit-elle. Elle s’appellera Emma.

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⏰ Dernière mise à jour : Feb 07, 2016 ⏰

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