II

50 1 9
                                    

Depuis qu'Ethan m'a raconté ce qu'il s'est passé, je prend petit à petit conscience de qui je suis. Une tueuse. Quelqu'un est mort par ma faute. J'ai accidentellement tué quelqu'un. Quelqu'un qui m'a drogué apparemment mais quelqu'un quand même. Des morceaux de la soirée me reviennent progressivement en mémoire. Parfois dans mes cauchemars, des fois quand je ne fais rien de très productif, par exemple lorsque je regarde une émission débile à la télé. Je ne peux faire que ça de la journée car je ne peux pas sortir de ma chambre plus de trois fois par jours et à part regarder cet engin il n'y a rien d'intéressant à faire ici. J'ai conclu un marché avec la police pour ne plus être menotté à mon lit: je ne sors quasiment pas de ma chambre qui doit être en permanence surveillée et mon poignet droit est libre! Naturellement j'ai accepté. Et donc ça fait une semaine que des policiers viennent tour à tour surveiller ma chambre, même de nuit. Ethan essaie d'avoir le plus de tours de garde possible. Si quelqu'un doit me coller aux basques tout le temps, autant que ce soit un ami comme il dit.
Mes parents viennent me voir de temps en temps. Ils semblent aussi perdus que moi et ça me rassure. Je ne suis pas la seule à ne pas savoir quoi penser. Je ne sais pas quoi faire. Il n'y a vraiment rien à la télé et je m'ennuie. Je m'endors. Mon cauchemar revient me hanter...
Il est là, encore. Nous sommes dans la cuisine à nouveau. Il s'approche de moi mais cette fois il n'a pas le temps de me toucher. J'attrape le premier objet qui me vient sous la main et le frappe de toutes mes forces avec. Il s'écroule par terre, raide mort. Je me réveille avec des sueurs froides.

...

Après une semaine qui m'a semblé beaucoup trop longue, je peux enfin quitter l'hôpital. Je n'ai pas de valise à faire. Mes parents m'apportent des vêtements propres et rapportent les sales chez eux chaque jour. Ethan n'a pas pu se libérer, c'est donc un autre policier qui va devoir me ramener à la maison. Je suis stressée. J'aurais presque préféré rentrer chez moi à pieds. Subitement je pense à quelque chose : que diront les gens de ma classe? Sont-ils au courant? Si non, quand ils le sauront, car évidemment un jour ils le sauront, que vont ils penser de moi? Que je suis une trainée? Pire : un assassin? Certainement pas la personne si vulnérable que je suis... Comment vais-je réussir à survivre entourée d'autant de personnes qui ne pensent que du mal de moi? Je n'irai plus en cours. Je n'ai pas besoin d'avoir le bac pour avoir un métier de toute façon. Par contre j'ai besoin d'oublier si je ne veux pas devenir folle. C'est en voyant le sac de médicaments que la pharmacienne de l'hôpital me tend que l'espoir d'un sommeil sans rêve (et donc réparateur, enfin) s'offre à moi. Je retourne dans la chambre pour la dernière fois. Un infirmer est là. Lorsqu'il me voit, il raccroche son téléphone et se tourne complétèrent vers moi.

- Bonjour Lucie, dit-il d'une voix beaucoup trop enjouée pour être sincère. Alors, c'est le grand jour!

Il me parle comme si j'étais un enfant de cinq ans. Faute de réponse politiquement correcte ou de mensonge potable je hoche la tête. Il continue à me parler pendant plusieurs minutes. Trop fatiguée, je ne fais pas attention à ce qu'il dit. Au fur et à mesure son sourire s'efface pour complètement disparaître. Il prend un air grave, donc ce dont il parle est forcément important. Je m'efforce de l'écouter.

- T'a t'on dit quels genres d'examens nous avons fait pendant que tu étais inconsciente?

Mon coeur s'accélère, il me cache quelque chose, je le sens. La peur s'installe en moi, jusqu'au plus profond de mes os. Ma mâchoire se crispe. Je n'arrive pas à parler. Je lui montre le bout de mes doigts, là où il y avait de l'encre quand je m'étais réveillée pour la première fois dans cet hôpital il y a quelques jours.

Vive DemainOù les histoires vivent. Découvrez maintenant