Fin alternative - Terre survivante

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Il tenta désespérément de respirer, se noya dans le sang qui s'infiltrait dans ses poumons. Son corps tenta de réagir, et une toux violente le secoua, sans autre résulta que de faire rouler des perles de sang sur son menton, que d'envahir sa gorge avec ce liquide ferreux, âcre.

Un cri tenta de lui échapper, se noya également. Et c'est le visage couvert de larmes qu'il se sentit lentement, lentement sombrer.... Avant de toucher le ciel trop clair.

Viktor prit une profonde inspiration, se débattit instinctivement, se battant contre des fantômes. Aussitôt, deux mains se posèrent sur son épaule, le plaquèrent au sol. Un gémissement effrayé lui échappa avant qu'une de ces mains ne se décale pour frôler sa joue, et qu'une voix ne s'élève.

- C'est moi.

Il se calma peu à peu, tentant de chasser les images de cauchemars qui le pourchassaient jusqu'au réveil. Les mains relâchèrent alors leur pression, et il se risqua à ouvrir les yeux.

Se détachant sur le bleu pâle du ciel, le commissaire l'observait, une expression étrange sur le visage. Il finit par s'écarter, l'aida à se redresser pour se mettre en position assise. Un peu hébété, le Tueur regarda autour de lui. Les survivants allaient et venaient, épongeant le sol gorgé de sang, rassemblant leurs affaires, tirant au loin quelques cadavres sans nom. Il revint au flic.

- Il m'est arrivé quoi ? demanda-t-il timidement.

François l'observa longuement.

- Tu as failli te prendre une balle. Elle allait se ficher dans ta poitrine, mais Adeline a réussi à te pousser suffisamment pour que tu la prennes dans le bras.

Il frôla doucement son avant-bras gauche, et Viktor s'aperçut qu'une douleur sourde en émanait, et que celui-ci était bandé. D'ailleurs, s'aperçut-il, un peu désabusé, il était torse nu – encore. Quoique, il avait toujours son pantalon.

Bon, songea-t-il. Au moins, il était vivant. Il regarda timidement le flic, qui gardait cette expression étrange, un peu lointaine.

Lui-même ne savait pas quoi penser. Le souvenir des lèvres du flic contre les siennes le hantait, tout comme l'air songeur qu'il avait arboré, lorsqu'il lui avait dit « Tu embrasses bien ». Tout le soin dont il l'avait entouré, contrebalancé avec sa froideur, sa rage, sa haine.

Et puis, il y avait sa violence, la caméra dérangée, les doigts autour de sa gorge, l'arme, le manteau et les vivres dans son sac, la longue traque ayant précédé la catastrophe...

Il ne savait plus quoi penser.

Le Commissaire l'observait toujours, comme essayant de suivre le fil de ses pensées vacillantes. Hésitant, le Tueur prit une profonde inspiration, avec l'impression de faire la pire erreur de sa vie.

- Est-ce que tu... tu veux que je parte ?

Sa voix s'étrangla à moitié, et il se maudit en silence, rougissant sous le regard curieux du flic, qui se mit à réfléchir à son tour. Attendant sa réponse, Viktor se sentit trembler légèrement sous le stress intense, finit par penser que l'autre ne cherchait qu'une façon polie de l'éconduire.

Un nœud se forma dans sa poitrine et sa gorge, et il eut la brusque envie de fuir, fuir, fuir, le plus loin possible, jusqu'à se perdre lui-même, jusqu'à ce que le monde s'évanouisse autour de lui, que même le temps s'effondre.

Et puis, le flic répondit.

- Je veux que tu restes.

Surpris, il leva timidement les yeux vers lui. L'expression étrange était partie, mais, aveugle, il ne parvenait à lire ce que transmettait son visage.

- Pourquoi ? osa-t-il.

Le Commissaire en resta un peu songeur.

- Parce que tu as raison, que te poursuivre n'a pas de sens. Parce que quand tu dors, quand tu es fiévreux, tu as l'air innocent ; tu es victime plutôt que tueur.

Il hésita à son tour, effleura la joue de Viktor du bout des doigts. Ce dernier frissonna, apprécia la légère caresse.

- Et puis, il y a tes marques, ce que ton père te faisait, le fait que tu nous as aidés alors que rien ne t'y obligeait... Et, aussi...

Il se pencha doucement sur lui tout en parlant, faisant rougir le cinéphile, qui se perdit un peu dans les yeux sombres de l'autre.

- Peut-être que je t'aime, chuchota-t-il à quelques centimètres de son visage, pour finir par combler l'espace les séparant et l'embrasser doucement.

Viktor ferma les yeux, frissonna à nouveau ; remua timidement ses lèvres. La main du flic passa doucement dans sa nuque pour la caresser et le rapprocher de lui. Après un temps d'hésitation, le cinéphile se blottit contre lui, soupira doucement en sentant sa chaleur.

François finit par s'écarter légèrement, brisant le baiser, l'observa un peu fiévreusement.

- Tu restes, alors ?

Viktor hocha timidement la tête, se serra contre lui. Le flic l'enlaça doucement, l'embrassa à nouveau, souriant.

En retrait, l'amateur d'histoires extraordinaires les observait, le bras en écharpe. Il songea que c'était bien la première fois qu'il voyait les deux hommes avec un air aussi heureux.

Cela lui tira un sourire. Il se tourna vers une silhouette à côté de lui.

- Je suis content pour eux. Pas toi, Bruce ?

L'interpellé hocha la tête, souriant aussi.

Et la terre sous leurs pieds semblait survivre, elle aussi.


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