Down with the sickness

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Face à son écran d'ordinateur, seulement illuminé par lui dans la pièce plongée dans le noir, l'homme reposa doucement son portable. On venait de lui annoncer sa mort. Mort par balle. Dans la tempe, sèchement. Il s'était éteint dans le silence, dans la solitude, tout comme il avait vécu.

Au final, songea l'homme, god's gonna cut you down.

Et son visage demeurait indéchiffrable.

* * *

Fuir hors de sa cave, auparavant si rassurante, n'avait pas été facile. Les flics avaient failli l'attraper à sa sortie, et il n'avait dû sa liberté qu'à une brusque montée d'adrénaline et à un amour soudain pour la course, un peu compliqué par le fait que celle-ci ne l'appréciait pas vraiment en retour.

Il s'était enfoncé dans la forêt, dans l'espoir d'ainsi les semer, mais les aboiements des chiens derrière lui avaient brisé ce maigre espoir.

Il avait couru, encore et encore, manquant de s'effondrer à chaque pas, rétrogradé en rang de simple proie, ultime trophée d'une cruelle et violente chasse à courre, menée par le plus obstiné des chasseurs.

Il était tombé, d'ailleurs. Une fois. Un faux pas, et il avait dévalé une pente, sa tempe cognant violemment contre un rocher affleurant. Il avait senti l'odeur âcre du sang, les larmes rouges perlant le long de son visage, avait lutté contre l'envie de sombrer, et s'était relevé pour recommencer à courir.

Peu à peu, les aboiements des chiens avaient décru en puissance, et il s'était pris à espérer s'en sortir. Il n'entendait plus ni les bêtes, ni les hommes. Il avait commencé à ralentir, à tenter de reprendre son souffle et ses esprits.

Un sourire extatique et épuisé s'était peint sur son visage. Il était vivant. Il était vivant et il était libre.

Puis, il avait entendu un craquement, derrière lui. Comme quelqu'un marchant sur l'épais tapis de feuilles et de brindilles. Sans prudence, avec assurance.

Il s'était retourné, cœur battant, désespéré.

Et avait croisé le regard atrocement noir du Commissaire.

Il était affaibli, chancelant. Sa tempe l'élançait, et son corps tout entier lui suppliait de se laisser aller, sombrer, ne pas se réveiller. Mais il ne pouvait pas. Il serait alors à sa merci, et... Un frisson lui parcourut l'échine. Personne ne lui prendrait sa liberté.

Un bref instant, sa vision se voila. Il dut lutter pour rester conscient, s'appuya au tronc à côté de lui, regard braqué sur le brun qui allait vers lui, posément, assuré. Après tout, pourquoi aurait-il peur ? Il était en pleine forme, armé, motivé par la justice et, surtout, il n'était pas au bord de l'évanouissement.

Enfin... Armé, il l'était aussi.

Le Tueur extirpa tant bien que mal son arme à feu de sa veste, la braqua en direction du flic. Ce dernier se contenta de poser sur lui un regard moqueur, brillant. Mauvais signe, songea le cinéphile. Très mauvais signe.

- T'approche pas, gronda-t-il, s'efforçant de contrôler les tremblements de sa main – de tout son être en général.

Même sa voix dérailla. Le sourire du Commissaire s'agrandit. Et, d'un pas nonchalant, il brava l'ordre. Ses propres doigts serraient fermement la crosse de son arme, et son visage austère ne témoignait d'aucune hésitation, aucune frayeur.

Il y avait un traqueur, un traqué, et les rôles étaient bien définis. Instinctivement, le Tueur fit un pas en arrière, veillant à garder la même distance entre eux deux. Son geste fut cependant trop brusque, trop rapide.

Down with the sicknessOù les histoires vivent. Découvrez maintenant