[chapitre II]

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En quelques secondes, je découvre une fille en sous-vêtements, à quatre pattes sur un garçon. La vidéo continue... C'est un montage, plus les images défilent plus les positions de cette personne qui met inconnu me choque.

C'est seulement au bout de quelques minutes que je me rend compte que c'est moi, cette "salope" dont ils parlent tous dans leurs messages. Ce mot tourne sans cesse dans ma boîte crânienne.

Comment est-ce possible ? John nous avait filmé en pleine action ! Et je ne m'en étais même pas rendu compte !

De rage, j'envoie valser mon portable de toutes mes forces contre une paroi rocheuse. L'appareil se brise et je me laisse tombé à terre. Je pleure sans pouvoir m'arrêter. De grosses larmes coulent sur mes joues et finissent leur chute sur mon tee-shirt.

Je pousse de longs râles de douleur et de colère. Je suis complètement anéantie et blessée. Je me sens salie, et tellement impuissante face à tant d'injustice...

Soudain, je me redresse. J'ai eu comme un flash.

Le verre que John me demandait de boire à chaque fois !

Il m'avait drogué avec je ne sais quelle mixture qu'il incorporait dans mon verre d'eau ! C'est pour ça que je voyais trouble et que je me sentais en aussi grande forme lorsque nous couchions ensemble !

Je ne m'étais jamais demandé pourquoi il me faisait boire.

Je suis tellement naïve ! Comment un garçon aussi populaire et séduisant que John aurait pu être intéressé par une fille comme moi ?

Assise par terre, roulée en boule, j'imagine déjà les élèves de mon lycée en train de m'insulter, de me huer...

Jusqu'ici, j'avais déjà subi un bon nombre de railleries de la part de mes camarades, mais elles m'étaient désormais coutumières. Bien qu'elles me blessaient toujours intérieurement, je ne laissais pas paraître ma souffrance.

Demain, lorsque j'irais en cours je sais qu'elles seront encore plus blessantes et malsaines que d'habitude. Je ne voulais plus en être victime... Mes parents ne s'étaient jamais aperçu de mon mal-être. À croire qu'ils n'en avaient rien à faire de moi...
Je n'ai pas d'amis, plus de copain... Je ne sais pas à quoi je sers dans ce monde dont je ne comprend pas le sens... Alors pourquoi continuer à vivre ?

Lentement, je me lève en essuyant les traces de mascara qui ont coulé sur mes joues. Comme vide de l'intérieur, je me dirige vers le bord de la falaise, je sens déjà les embruns de la mer qui éclaboussent légérement mon visage blême.

Ma fin est proche... J'en suis consciente et j'espère que "l'après" sera meilleure.

J'ai séché les cours de cet après-midi après l'annonce de John. Je me suis enfuie lâchement au lieu de lui cracher toute ma haine au visage. Je n'aime pas être méchante ni blesser les gens, même quand ils le méritent. Je suis comme ça, trop gentille, la fille qui fait comme si tout aller bien alors que son corps et son coeur s'effritent un peu plus chaque jour à l'intérieur...

Je voudrais être loin. Tellement loin de ces gens sans foi ni loi, qui ne pense qu'à eux. Je ne comprend pas ce monde qui vit pour vivre, qui aime pour aimer... Je n'ai pas d'amis qui me pleureront, mes parents ne se demandent sûrement pas où je suis en ce moment. Je n'ai rien qui me retient parmi les vivants.
Personne ne peut comprendre la douleur que j'endure chaque jour en passant les portes de mon lycée. Personne ne peut savoir ce que c'est d'être constamment jugée, critiquée, regardée, moquée, blamée.
Ma vie est un enfer. Je ne peux plus le supporter, je n'en ai plus la force ni le courage.

Se lever chaque matin pour subir toutes ces atrocités chaque jour en sachant que l'horreur recommencera le lendemain et le sur lendemain... À quoi bon ?

Je suis désormais au bord de la falaise. Je n'ai qu'à faire un pas pour être enfin sereine. Un seul petit pas et je serais heureuse à jamais.
Je regarde à l'horizon. L'océan s'étend à perte de vue, le ciel et l'eau se confondent, tout deux tristement gris.
Les vagues s'écrasent violemment contre les rochers pointus. Je ne vais pas faire long feu. L'eau doit être à quelques degrès, le courant sûrement fort. Parfait.

Je prends une grande inspiration. J'ai une pensée pour mes parents. Malgré le fait qu'ils n'aient jamais remarqué mon mal-être, je les aime énormément. Je suis fille unique, leur chagrin sera grand j'imagine. Mais j'espère qu'ils feront un autre enfant, une fille plus belle, plus intelligente que moi.
Je vais rejoindre ma grand-mère que j'aimais tellement. Elle était la seule à connaître ma souffrance, je ne m'étais livrer qu'à cette merveilleuse femme qu'elle était.

J'arrive Mamie, j'arrive ! Nous allons être ensemble et tu vas pouvoir panser mes plaies et sécher mes larmes. J'arrive, garde moi une place près de toi.

Adieu.

A poisoned friendOù les histoires vivent. Découvrez maintenant