Chapitre 1

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Anna, roulée en boule au fond de son lit, se réveillait paisiblement. Les premiers rayons du soleil lui caressaient avec douceur le visage, l'odeur de lavande que dégageait sa couverture lui chatouillait les narines, les gazouillis matinaux des oiseaux chuchotaient à son oreille. En ce dimanche matin New-Yorkais, tout était calme, et rien ne semblait pouvoir détrôner cette tranquillité.

Anna ouvrit avec effort ses grands yeux turquoise, et émergea péniblement de sous son oreiller. Elle s'étira, tel un chat endormi, se redressa, et sortit de sa chambre. Le chahut qui régnait dans le reste de l'appartement fit hausser un sourcil à l'adolescente. La jeune fille soupira. Ses parents devaient se rendre dans quelques heures au mariage d'un oncle éloigné au fin fond du Kansas, laissant Anna seule pour une semaine. La jeune fille se réjouissait d'avance de ces six jours de liberté.
Elle pourrait enfin aller et venir dans New-York à sa guise ; explorer Central Park, un bagel à la main ; admirer les gigantesques enseignes publicitaires, lumineuses et colorées, trônant au sommet des gratte-ciel de Manhattan ; se promener au bord de l'Hudson, et contempler la statue de la Liberté, semblable à un saint dans son sanctuaire...

Les parents d'Anna, qui ne se doutaient nullement des plans d'excursion élaborés par leur fille, vérifièrent que tout était en ordre, et quittèrent l'appartement.
Anna passa une journée tranquille, vautrée dans son canapé, se levant uniquement pour se servir un verre de limonade ou un sundae à la vanille. Mais, le soir venu, la jeune fille décida d'aller se promener à Central Park, puis de rendre ensuite visite à une amie. Elle enfila sa paire de baskets, revêtit un ciré rouge vif, se munit d'un encas constitué d'une dizaine de galettes au beurre, et trottina vers la station de métro la plus proche.
Il y avait beaucoup de gens qui parlaient tout seuls dans le métro de New-York, certains entre leurs dents, d'autres à voix basse, d'autres enfin comme s'ils déclaraient un discours présidentiel. Ces derniers, les vêtements troués et les yeux luisants, apostrophaient d'une voix rocailleuse la foule par un "chers citoyens !", se heurtant à l'indifférence totale. Personne ne les regardait. Anna en fit donc de même, et descendit à Central Park West, son sac empli de victuailles à la main.

Douze coups de MinuitOù les histoires vivent. Découvrez maintenant