La maison du sourd

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...Notre maison nous l'avions acheté quand mon premier livre reçut un prix littéraire. Demeure cossue ,du  18 ieme, habitation de rêve pour l'écrivain passionné d'histoire que j'étais...Nous l'avions surnommé «la maison du sourd» en hommage au peintre   Goya. Sur les murs de l'immense salon An. avait peint des fresques comme plusieurs siècles auparavant le fît le peintre Espagnol. Souvent remarquées par les amis qui passaient chez nous , ces peintures faisaient le bonheur de tous... An. avait laissé de côté sa carrière artistique pour diriger les travaux de restauration, elle guidait d'une main de maître les divers corps de métiers qui s'activaient dans nos murs... Un jour les travaux cessèrent;la vie joyeuse et trépidante cessa aussi; j'espérais qu'An. reprendrait son travail d'artiste mais elle tomba dans une dépression profonde attirant dans sa tristesse la maison toute entière. A cette époque je travaillais sur une pièce de théâtre qui contait l'histoire de Philippe 2 , fils de Charles Quint et roi d'Espagne. Si Charles Quint termina sa vie dans un monastère son fils Philippe nourrissait une passion obsessionnelle pour les femmes, passion teintée de culpabilité amplifiée par sa foi religieuse... Je reçus la maladie de An. comme un coup de poignard, ne comprenant pourquoi le ciel obscur m'envoyait cette épreuve en effleurant de sa puissance l'être que j'aimais le plus au monde! Je doutais  de mon travail qui m'empêchait de m'occuper comme je l'aurais voulu de ma petite muse malade...Je la surpris un jour dans un couloir errant tel un fantôme à la recherche de sa mémoire; elle avançait dans la pénombre portant une robe noire dont les longues manches lui donnait un air évanescent,récitant une chansonnette apprise dans son enfance  qu'elle interprétait comme un minuscule requiem  de sa voix fatiguée . Se voulant loin de tout et absente au monde elle ne sortait plus.Elle frôla la mort plusieurs fois , lançant désespérément des appels au secours...
les personnages de ma pièce de théâtre finirent par succomber et je me préoccupais enfin  de An.; J'essayais d'engager une conversation avec elle, je la laissais parler à sa guise, autant qu'elle le pût, je provoquais son silence pour mieux écouter ses maux. J'essayais d'ouvrir une porte pour ses désirs cherchant  dans ce qu'elle me disait des failles qui laisseraient voir des désirs irréalisés. Je voulais l'éveiller, perturber son silence... Longtemps je l'ai écouté ...
Elle partit un matin alors que je dormais encore; Je cherchais dans tous les recoins de la maison pendant des heures ,sortit dans le jardin et remarqua l'absence de sa voiture, ce qui me rassura, même si An. n'avait pas quitté la maison depuis des mois...Le soir, la nuit tomba vite et je me mis à espérer un appel téléphonique;j'imaginais un appel au secours qui me demanderait d'aller la chercher. J'imaginais... Elle ne revint pas de trois jours . Trois jours pendant lesquels je ne dormais plus, ne fis rien qu'attendre.
A son arrivée elle me sourit . Elle monta l'escalier et rejoignit sa chambre sans un mot et n'en sortit pas pendant deux jours. Je lui portais les repas à l'étage rassuré qu'elle fût là...
Nous ne parlâmes plus d'elle , nous ne parlâmes plus de rien... Je repris mon travail et elle reprit la peinture.Je m'approchais parfois de la porte de son atelier et j'écoutais discrètement les mouvements a l'intérieur; Rien , absolument rien, ne retint mon attention. J 'exprimai mon désarroi a un artiste de mes amis qui me conseilla la fuite! A sa réponse je me mis à paniquer; Fallait-il tout recommencer? Allait-elle finir abandonnée? Cette dernière pensée creusa mon ventre.
     
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Je pris le train le matin. J'aurais voulu Qu'An. essaye de me retenir , mais il n'en fût rien, nous décidâmes qu'elle garderait la maison le temps de mon absence. Absence, départ, ou fuite?Je n'en savais encore rien.
Je descendis à l'Arrêt suivant...
Depuis la gare je voyais ma maison que je venais de quitter. Je descendis la route qui m'amena à l'église du village et trouva un hôtel .Je demandais une chambre avec la vue sur la maison et on m'installa un bureau afin que je puisse écrire.Devant la fenêtre je disposais un fauteuil et passais mes journées a observer:je voyais les champs de blé , les arbres et le petit lac qui l'entouraient .

La maison du sourd.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant