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La brise du matin caresse ma joue, le soleil tape contre ma tempe, allongée au milieu de ce champs, je me sens partir loin. Je regarde au fin fond de ses prunelles marrons, essayant de savoir quelle émotion le traverse. Il est insaisissable. Être là, tout contre lui, écouter les battements de son cœur. Ne plus penser à nos doutes et nos peurs. Et vivre simplement cet instant empli de joie.

Mes doigts se perdent dans ses boucles sombres, et son regard me transpercent. Un instant si intense et passionné que je n'aurais jamais cru pouvoir vivre. Le ciel change, de bleu à orange, de orange à rosé, de rosé à bleu nuit. Les étoiles sont peu nombreuses ce soir, mais le peu qu'il y a brillent de milles feux. Il se lève agilement et tend sa main vers moi, je la prend d'une poignée et il m'attire contre lui. Rien que nous, dans la pénombre, je devrais être effrayée, mais dans ses bras, rien ne semble avoir d'importance, rien ne semble dangereux, je suis en sécurité, je suis à ma place.

Une goutte, puis deux, puis trois, et on se laisse tremper abondement, déchaînement de la nature ou de sentiment, nos cœurs battant à l'unisson est à présent, la meilleure mélodie de tous les temps.

Je jette un intense regard sur son visage parsemé des petites larmes du temps, ses lèvres fraîchement humidifiées ressortent avec cette belle couleur rougeâtre, ses pupilles dilatées rendent son regard plus puissant encore. On s'essouffle, on se cherche, on se trouve, des petits nuages de notre respiration flotte à travers la lumière tamisée. Ses hanches plaquées aux miennes, ses mains agrippant mon dos, ses lèvres s'accrochant aux miennes, je laisse aller mes mains sur son torse nu. Je sens sa main se glisser lentement dans mon dos, et nos deux corps enviés s'étaler contre le sol. Il s'arrache à mes lèvres pour me regarder, cherchant dans mon regard l'envie qui le taraude. Je hoche la tête doucement, un sourire bien distinct au coin des lèvres et l'entraîne dans un baiser fougueux et interminable. Le tissus glisse le long de ma peau jusqu'à s'en détacher, nous voilà maintenant l'un contre l'autre, peau contre peau, à se contempler. Une envie puissante me prend alors, l'envie de l'avoir pour toujours, une envie de lui au plus proche de moi. Les sensations sont puissantes et enivrantes, un picotement me traverse au bas du ventre, je me laisse aller à se plaisir onctueux.

Blottis au creux de ses bras, bercée par les battements de son cœur, sa main caressant timidement mon dos nu, nous comprenons tous deux le lien qui nous lie. Ce lien impénétrable et insaisissable qu'est l'amour interdit. A mon réveil il est là, tout contre moi, les yeux fermés, la bouche entre-ouverte, je le regarde apaisée, calmement. Je frôle mes lèvres sur chacune de ses paupières, et caresse tendrement son visage endormi. Et je me dis encore que je ne vis ma vie que pour des instants comme celui-ci. Il ne met pas longtemps à émerger de son doux sommeil. Quand ses yeux s'entrouvrent pour laisser apparaître ses douces prunelles couleur or, un petit sourire se dessine sur ses lèvres. « -Bien dormi ? » Sa voix est rauque et endormie, des traces rouges marquent son visage à cause du poids de sa main. « -Oui » à vrai dire, je n'ai jamais si bien dormi. Lovée au cœur de ses bras, bercée par les battements de son cœur, je me suis laissée aller à un profond sommeil. Nos chaleurs corporelles se mélangeant, le manque de chaleur ne s'est pas fait ressentir. Je ne veux pas retourner à la réalité, à ma réalité. Quand je suis avec lui, j'ai cette impression d'innocence, comme si je ne connaissais pas toutes les cruautés de ce monde, comme si à ses côtés, rien ne m'étais interdit. Je ne veux pas retourner dans ce monde où espoir et illusions sont nos seuls espoirs de rester en vie. Je veux rester ici, dans notre monde. Je n'ai pas besoin de m'endormir pour rêver, car il rend ma réalité meilleure que tous mes rêves. Mais la réalité nous rattrape à grands pas, et, à moins de la fuir je ne vois pas d'autres solutions que de l'affronter. Au bout d'une ou deux heures à explorer paisiblement le ciel et ses multiples facettes, nous décidons qu'il est finalement temps de retourner à la réalité. Nous remarchons donc à contre cœur sur nos pas, retraversons les différents paysages, et rattrapons le temps perdu.

Ma mère est exactement à la même place que je l'ai laissé hier. Elle est assise au beau milieu du salon, regardant avec stupeur ses dégâts d'hier soir. Je m'assoie avec précaution à côté des débris, juste devant elle. Je n'ai pas l'audace de la regarder dans les yeux, je fixe intensément les vases et verres brisés. Je l'entend sangloter et cacher son visage dans ses mains, elle répète sans cesse qu'elle est désolée. « -Maman... » Je sais que ce que j'ai à dire est délicat, mais je ne peux plus continuer comme ça, je ne peux plus vivre dans la peur de ma propre mère. « -Maman il faut que tu te fasses soigner. » Je parle doucement, comme si j'avais peur de le dire à voix haute, comme si le crier haut et fort rendait la vérité plus poignante. Elle a arrêté de sangloter désormais, je sens son regard posé sur moi. « -Je sais. » Entre toutes les réponses possibles et inimaginables, je ne m'attendais sûrement pas à celle-ci. Elle se lève calmement, et remonte dans sa chambre en silence, pas un mot à mon égard, pas un regard, seulement un silence lourd et pesant. Mais à présent je me sens libéré d'un des nombreux poids qui repose sur mes épaules. Je monte à ma chambre à mon tour, sans savoir trop quoi faire, sans savoir trop quoi dire, sans savoir ce qui se passera par la suite, sans savoir ce que me réserve le destin, mais avec une certitude, demain ne pourra être que meilleur.


Insaisissable Où les histoires vivent. Découvrez maintenant