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Un grondement sourd l'avertit que le fourgon approchait. Au bout de quatre attaques à mains non armées, elle savait différencier le son que faisaient les gros moteurs des petits moteurs de voitures conventionnelles. Il y a deux semaines néanmoins, elle avait failli confondre le son d'une Vittara avec celui de sa cible. Aujourd'hui encore, elle se demandait si elle aurait ressenti du regret à faire faire tonneau au quatre-quatre par accident, tuant sans doute la maman et ses deux fils qui la dépassèrent à moins de cinq mètres. Ce genre de réflexion lui faisait de moins en moins peur avec le temps. Après tout, elle avait déjà tué une fois. On n'avait jamais retrouvé le corps du clochard.

Le fourgon noir surgit du bas de la pente, son grand V blanc stylisé sur un fond vert circulaire sur le côté. une étoile aveuglante de miroitement solaire traversait son revêtement d'acier renforcé et de vitres blindées à mesure qu'il dévorait le goudron de ses roues. Flynn distinguait ses fils de gravité voleter derrière lui, penchés à la fois dans la direction opposée et vers le sol tel des centaines de bouts de tissus des haillons d'un vagabond en course. Elle se concentra et tendit la main dans la direction du véhicule. Soumis à sa volonté, les fils quittèrent la camionnette et vinrent coller contre les mains de Flynn. Durant leur parcours, ils s'entremêlaient pour former un amas compact de fils croisés, plus facile à manipuler par leur maîtresse. Quand elle saisit le gros bout de fil, il lui fallut ses deux mains pour le tenir. Elle sentit ses pieds s'enfoncer dans la terre molle tandis qu'elle s'alourdissait de plus de deux tonnes supplémentaires, les quatre cinquièmes gérés par sa seule volonté. Comme un javelot, dents serrées et sueur coulant au-dessus de ses sourcils, elle lança le gros bout de fil de ses deux mains vers un énorme baobab à sa gauche. Elle jugea son tronc suffisamment épais pour tenir le coup, du moins pour un temps.

La voiture, prise au dépourvu par son nouveau mode vol, décolla progressivement, emportée dans son élan de vitesse précédent. L'horrible grincement des roues qui tournaient à vide fit grimacer Flynn. Quand la camionnette atteignit la hauteur de trois mètres et qu'elle se fut penchée assez en avant comme un cheval qui cabrait, Flynn relâcha sa volonté qui empêchait les fils de rejoindre leur propriétaire depuis le baobab - il s'était un peu plus penché vers le sol -. Le fourgon retomba comme une moto-cross après l'ascension d'une colline de terre, pare-brise en avant et arrière à la verticale. Elle entendit les cris hystériques des occupants jusqu'au choc final du verre contre le goudron, dans un fracas qui évoqua à Flynn celui qu'on entendait dans un atelier de démolition de voitures.

La camionnette rebondit un peu après le choc avant de tressauter comme un couvercle de marmite renversé par terre. Il finit par reprendre une position à quatre roues, respectant les lois sur la conservation de la quantité de mouvement. L'avant de la voiture avait presque rejoint l'ancien emplacement des rétroviseurs. Le pare-brise avait des fissures, mais il avait respecté sa réputation de citadelle à l'épreuve des balles, tout comme la vitre latérale que Flynn pouvait voir de sa position. Si jamais ils étaient encore conscients, il y'avait des risques que...

Un claquement sec retentit et la portière cabossée du siège avant s'ouvrit. Une main noire s'agrippa à son bord, suivie d'un grand black, l'air hagard, armé d'une petite mitraillette à une main tandis que l'autre avait un Glock qui luisait au soleil. Flynn sentit son coeur frapper fort dans sa poitrine. Elle fit un pas en arrière avant de se ressaisir. C'était d'elle qu'il devait avoir peur, merde !

Elle tendit la main gauche pour attirer à elle les lignes de gravité de sa masse perso, la main droite ouverte à d'autres poids alentour tandis qu'elle allait à la rencontre du courageux petit gardien de bif.

La voleuse de gravitéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant