Chapitre V

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Les yeux de Sunil brillaient d'une lueur de malice. Elle continuait d'observer Sam, de haut en bas. J'avais l'impression qu'il l'avait remarqué mais que ça ne le gênait pas tant que ça.

Il faut dire qu'il était charmant : Blond vénitien, des traits fins mais attirants, attitude assurée sans être hautaine (sauf devant Marck), des vêtements d'une incroyable facture. J'avais déjà entendu parler de ce que portaient les Cit's, de l'importance qu'avaient leurs vetements : Classe sociale, âge, goût, passions,... Les coutures et finitions étaient d'une précision difficile à jauger à l'oeil nu.

Et ce regard. Des yeux perçants plus bleus que l'océan dont on m'avait montré la magnifique couleur. C'est mon rêve d'y nager un jour, on raconte que c'est une étendue d'eau infinie, magnifique, et que...

Je suis interrompu dans mes pensées par le regard interrogateur de Sam.

"Ça va ? me demande t-il. Tu regardes dans le vide depuis une minute."

C'est terrible, je n'ai même pas écouté ce qu'il vient de dire. Je me tourne vers Sunil. Elle sait que je suis facilement distraite et que j'ai un don inné pour perdre le fil d'une discussion. Elle comprend immédiatement.

"Il a dit qu'il était de notre côté et partageait nos objectifs, Nora. dit-elle en riant.

- Ouf, merci, je... doit être fatiguée."

Je me frotte les yeux, histoire de dire, mais je suis en pleine forme. Pourtant la journée a été mouvementée et fatiguante.

Je me remémore alors que ma mère est là-haut et qu'il y a du avoir du grabuge au village.
Je me lève :

"Bon. On ferait mieux de monter, histoire de voir ce qu'il s'est passé pendant qu'on discutait."

A mes mots, Sunil sort de sa rêverie et se lève, péniblement. Nous nous dirigeons vers la trappe tandis que les garçons se lèvent. Marck nous ouvre la sortie et je sors la première, enjambant les marches deux par deux.

Je ressors ainsi de derrière les escaliers. Le sol de l'entrée est couvert de pas boueux et deux de nos cadres sont à terre, brisés. J'en ramasse un et regarde la photo. Je suis assise sur les épaules de mon père qui tient une canne à pêche. Je n'arrive pas à me remémorer où est-ce qu'on a bien pu prendre cette photo. Je devais avoir 5 ans, pas loin.

"Oh les sauvages, c'est dégueulasse ! crie une voix féminine dans mon dos.

- On ferait bien de monter à l'étage pour voir Donna." dit Marck.

Il parle de ma mère. Je pose la photo sur une étagère à épices dans la cuisine, elle aussi dévastée. Ils n'ont pas pillé la maison mais ils l'ont retourné. Je me retourne pour prendre l'escalier.

"Je suis sincèrement désolé de vous avoir entrainé dans tout ça."

Sam est accoudé à l'encadrement de la porte.

"C'est pas grave tu sais. dis-je, après avoir hésité à le tutoyer.

- Si, je le pense. Les autres membres de mon groupe sont sûrement morts à cet heure-ci. J'ai eu de la chance de tomber sur vous. Puis, heureusement que la Milice est venu stopper vos chers voisins, ça m'étonnerait que ça soit le cas dans des plus gros villages." dit-il avec un ton sérieux.

J'imagine qu'il a raison. Je lui fais un léger sourire et avance dans sa direction histoire de rejoindre Marck et Sunil là-haut. Il ne s'éloigne pas et je lui rentre dedans comme une empotée.

Je commence à ouvrir la bouche pour dire quelque chose mais il m'interrompt avant que je prononce le moindre mot en mettant son index en l'air, histoire que je me taise. Je me perds dans ses yeux.

Il penche sa tête près de mon oreille et me chuchote :

"Merci. Vraiment."

Il se retourne et commence à monter les marches. Je reste abasourdie quelque secondes à la même place avant de réaliser ce qu'il venait de se passer lorsque Sunil me dit de venir, penchée sur la rambarde.

Je monte les escaliers et vais vers la chambre de ma mère. Je suis soulagée quand je vois Marck assis sur le lit avec elle qui lui parle. Sam et Sunil sont debout contre le mur de la chambre. Au moment où je vais pour les imiter, 'Man me dit :

"Ma chérie, tu vas bien, Marty m'a tout expliqué."

C'est comme ça qu'elle appelle Marck, je n'ai jamais su pourquoi, allez savoir. Les mères ont un don pour vous mettre mal à l'aise quand vous invitez quelqu'un chez vous. Pire si c'est un mec. Ma mère me ressemblait, simplement un peu plus grande et avec des rides en plus. Cheveux châtains clair, de belles pomettes (même si les siennes commencent à se faire la malle), front dégarni et des yeux couleur noisette en forme d'amandes.

"Ouais, moi ça va, mais toi, ils t'ont rien fait ?

- Ils sont même pas monté apparemment. répond Marck.

- Non, ils se sont contentés de saccager le rez-de-chaussé à la recherche de ...

- Sam.

- Oui, c'est ça, Sam. Puis les hommes de la Milice sont venus les calmer à grands coups de matraques. Dans la panique j'ai fermé la porte pour ne plus les entendre et vous étés arrivés une heure après."

Notre petit groupe se regarde dans les yeux de chacun.

"Maman... Tu veux qu'on t'aide à...

- Non, ça ira, vaquez, il y'a sûrement plus important à faire maintenant qu'on vous recherche."

Elle dit ça en riant, ça me perturbe.

Sunil, toujours souriante, lâche un "Bonne journée" et nous nous en allons. Tous descendent sauf moi. Je vais à l'opposé du couloir, toujours à l'étage, vers ma chambre. Je fais un pas à l'intérieur et regarde le mur de planches de bois usées. Un fin rayon de lumiere y est toujours par une des fentes. Elle éclaire le lit de mon frère tandis que de fins petits brins de poussière dansent dans l'air, élegamment, comme dans un bal géant. Je repense à la promesse de mon frère.

Je sens une main sur mon épaule. Je sais que celle de Marck. Je fixe toujours le rayon de lumière, j'imagine qu'il fait de même. Il déclare :

"On le retrouvera. J'en suis sur. On le ramènera au village en même temps qu'on ramènera le soleil."

Il s'éloigne déjà.

C'est tout pour ce chapitre chers lecteurs ! J'espère que ça vous a plu ! Si c'est le cas, n'hésitez pas à voter, commenter,...

A bientôt !

Curtain CallOù les histoires vivent. Découvrez maintenant