Prologue

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 Je suis rentrée plus tôt des cours aujourd'hui et je profite du temps qu'il me reste avant que mes parents ne rentrent, pour pouvoir lire tranquillement assise sur mon lit, mes lunettes sur les yeux. Lire est mon passe-temps favori, mon échappatoire, ma passion. Quand mes parents rentreront, comme d'habitude, je devrai faire mes devoirs, et même quand je n'en aurai plus, il faudra quand même que je fasse mine d'en avoir, parce que sinon je risque d'entendre crier. Je passerai pour une fainéante qui ne réussira jamais dans la vie, je n'aurai jamais une bonne situation. Mais bon, ce sont mes parents.

Je replace une mèche de cheveux derrière mon oreille, avant de regarder l'heure sur la pendule au-dessus de mon bureau. Il est seize heures trente-sept. Ayant chaud, je me lève rapidement de mon lit et me dirige vers la fenêtre avant de l'ouvrir en grand. Il fait encore soleil dehors, le ciel est bleu, mais on peut constater que le crépuscule se rapproche doucement. Il fait bon pour un mois de mai.

Je reviens sur mon lit et récupère mon bouquin en reprenant ma lecture. De toute façon, je n'ai rien d'autre à faire. Je n'ai ni animal de compagnie, ni téléphone portable, ni amis. Je vais dans une école privée, mais malgré cela, je suis toujours mal vue et maltraitée par mes camarades de classe. Alors je préfère largement rejoindre la demeure des Earnshaw, cette immense maison perdue sur une colline, éloignée de tout et tout le monde, le vent soufflant et hurlant dans le toit et ayant donné justement le nom à ce foyer. Cela fait maintenant la trente-deuxième fois que je le lis, c'est mon livre préféré. Le seul et unique roman de l'une des sœurs Brontë.

En-dehors de mes livres, je n'ai rien ni personne. À part Corentin, mon grand-frère. Sauf qu'il ne vit plus à la maison depuis deux ans. Il a son métier et a appris à voler de ses propres ailes. Je l'envie beaucoup. Étant majeur et indépendant, il n'a plus de comptes à rendre à nos parents. Il vient nous voir environ une fois par mois, mais je sais qu'il vient surtout pour moi, pour voir si j'arrive à tenir le coup. D'ailleurs, il me manque beaucoup. J'aimerais retourner dans le passé et revivre tous nos moments, cette période d'insouciance où nous étions encore une famille unie et soudée.

J'ai une vie dirigée par des parents qui m'étouffent malgré leur absence et je souffre d'une solitude que je n'arrive jamais à combler. J'ai toujours cette impression de vide qui me ronge de l'intérieur. Je ne me sens pas à ma place dans ma vie, ni même dans ce monde, je cherche un but à mon existence.

Je vis dans une maison assez reculée de la ville. J'adore d'ailleurs la vue que j'ai depuis la fenêtre de ma chambre, une grande étendue verte. Ce n'est pas forcément une villa, mais disons que c'est une belle maison. Mes parents sont tous les deux procureurs. Trois fois par semaine, Louise, notre femme de ménage, vient pour faire son travail. Quand nous étions petits mon frère et moi et que nous ne pouvions rester seuls, Louise avait une chambre qui lui était réservée dans la maison, pour qu'elle puisse s'occuper de nous pendant la journée, lorsque mes parents travaillaient. C'est une femme dans la soixantaine et elle est très gentille. Elle s'est toujours bien occupée de nous. Mes parents la connaissaient avant même que je ne vienne au monde.

Cela doit faire au moins trente fois que je relis la même phrase dont je n'arrive toujours pas à comprendre le sens, tant je suis perdue dans mes pensées. Mais je ne peux tenter de me concentrer davantage, lorsque je suis obligée de relever la tête vivement, en entendant un fracas dans ma chambre.

Annabelle (EN VENTE)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant