La Fuite (Neph et Shéa 1)

Prologue

La Trame de Tell'Andra étend ses longs filaments de Flux à travers le monde. Elle ne connaît ni frontière, ni limite. Depuis la nuit des temps, les Esprits veillent au bon écoulement du Flux le long de la Trame afin que chaque âme, chaque plante, chaque pierre pût en être imprégnée. Les Esprits ne sont eux-mêmes que Flux. Entités incorporelles et éternelles, ils régissent la Trame de Tell'Andra, leur monde, pour en préserver l'équilibre.

Chacun sait que pour devenir un Mage Âme-Esprit, il faut apprendre à ne faire qu'un avec la Trame, source de la force vitale qui irrigue le monde. Ces êtres nés de la fusion de leur âme avec un Esprit dédient, eux aussi, leur immortalité à préserver l'équilibre de Tell'Andra.

En l'an 359, un jeune arcaniste talentueux et ambitieux mit au point un sort qui ferait de lui un Mage Âme-Esprit. Son sortilège lui permit de devenir l'un de ces êtres immortels sans avoir à passer tous les apprentissages ni toutes les épreuves indispensables à la transformation. Ce sort dupa la Trame et corrompit son âme. Or, Faas, tel était son nom, était trop assoiffé de pouvoir que pour avoir la patience et la sagesse nécessaires à l'apprentissage et à la compréhension de l'équilibre du monde.

Sa soif de puissance et d'immortalité le rendit fou. Dès qu'il fut devenu un Âme-Esprit, il oublia tout ce qu'il avait appris et tout ceux qu'il aimait. Après avoir sonder ses nouvelles possibilités presque infinies, il entraîna quinze de ses disciples dans sa déraison.

Ces Mages corrompus devinrent sourds aux appels de la Trame à protéger l'harmonie du monde. Ne possédant pas la sagesse nécessaire pour comprendre leurs obligations envers Tell'Andra, ils sombrèrent dans la folie. Ne comptait plus pour eux que la destruction d'un monde qu'ils accusaient de tous les maux.

Ainsi naquit la nouvelle engeance de Tell'Andra : les Funestes.

Les Seize décidèrent alors d'anéantir Tell'Andra en commençant par l'Idalie, leur terre natale, et son Souverain, Rhomuald III. Les Funestes disposaient d'une telle puissance que le Roi ne put les combattre seul. Il fut contraint de s'allier aux autres nations du monde. Ainsi, les Dragons cessèrent leurs guerres intestines, les Nains sortirent de leurs montagnes, les Elfes quittèrent leur archipel, les Sireins émergèrent de leur royaume sous-marin. Tous unirent leurs forces pour mettre un terme à la menace sans précédent qui pesait sur le monde. Les Mages Âme-Esprit eux-mêmes s'opposèrent aux Funestes afin de rétablir l'équilibre de la Trame.

Après deux ans d'un conflit qui ravagea l'Idalie et qui infligea de lourdes pertes dans les rangs des peuples alliés de Tell'Andra, les meilleurs artisans de chacune des nations s'unirent pour forger une épée capable de détruire les Funestes : Rävendor. L'artefact fut remis à Rhomuald III qui put alors affronter les Seize aux côtés des Mages Âme-Esprit.

La dernière bataille de ce qui fut appelée la Grande Guerre se déroula à Oridiasa, capitale de l'Idalie. Au cours de cette bataille, de nombreuses vies furent perdues. Dans sa folie, Faas, comprenant que Rävendor signerait sa défaite, décida d'ensevelir la ville entière sous un torrent d'or liquide invoqué de la Trame, prouvant ainsi sa toute puissance. Personne, dans la capitale, ne survécut à cette redoutable attaque, ni les combattants, ni le Roi, ni les Funestes. Le corps de Rhomuald III ne fut pas retrouvé et Rävendor fut perdue. Après trois longues années de conflit, ce massacre marqua la fin de la Grande Guerre. Les Funestes, vaincus, ne reparurent jamais et Oridiasa devint une ville maudite. La nouvelle capitale s'installa à Lyanthara et les Idaliens rebattirent leur pays.

Quand l'ordre fut rétabli sur Tell'Andra, les Mages Âme-Esprit décidèrent de se retirer dans leur forteresse d'Erdor Mir, au cœur des Plaines de Glace, là où nul mortel ne pourrait s'aventurer. Avec eux, ils emmenèrent les Esprits, qui parcouraient encore librement Tell'Andra, pour empêcher la moindre nouvelle transformation. Les Âmes-Esprit devinrent alors des mythes pour ne pas attiser les convoitises du pouvoir et de l'immortalité et, ainsi, éviter l'apparition de nouveaux Funestes.

Après la Grande Guerre, la paix régna. Mais deux cents ans plus tard, de nouveaux conflits naquirent, des complots s'ourdirent et des révolutions se fomentèrent.

Conté par Edrantir, barde de la Cour.