Chapitre 18

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Les parentsde Julien ne parlent jamais de Leila. C'est LE sujet tabou. Ils n'ontpas dit une seule fois son nom après l'enterrement. Julien quant àlui, il prononce souvent le prénom de sa sœur. Pour rien etn'importe quoi. Un jour que lui et ses parents mangeaient de lasoupe, Julien a dit que Leila aimait tremper son pain dans la soupe.Une autre fois, il a mentionné Leila quand il lisait un livre, leprénom ressemblait à celui de sa sœur.

Et il y aencore plein d'exemple comme cela.

Catherine etJohn n'en peuvent plus, il ne veulent pas en parler ! Leila,leur fille...

Morte, elleest morte. Les parents de Julien ne supportent plus la situation. Ilsvoudraient presque l'oublier. Mais Leila a existé, Julien ne veutpas qu'on l'oublie. Alors il en parle sans arrêt.

Ce samedimatin, Catherine explose devant son fils qui parle encore de Leila.

-Ne me parleplus d'elle ! Tais toi !

Elle hurle,sa voix résonne dans toute la maison.

-Mais maman !Leila a existé, il ne faut pas la laisser tomber dans l'oublie !Elle aimerait beaucoup qu'on parle d'elle !

Catherinesecoue la tête.

-Julien tu necomprend pas. C'est dur, très dur ! Je peux plus supporter !

Julienréplique :

-Parce que tucrois que je souffre pas ? Quand je dis son nom, ma gorge mebrûle. Mais je le fait, pour elle ! Parce que je l'aime !

Catherineréprime un juron. Elle enfouit sa tête entre ses mains et éclateen sanglot. Sa poitrine se soulève lentement au rythme de sarespiration saccadée par les pleurs. Les larmes coulent sur sesjoues, encore et encore. Finalement une larme, c'est la délivrance.

On peut enfinse débarrasser de ce qui nous rendait triste, enfin on peut selibérer.

Juliens'approche de sa mère, doucement. Il lui murmure des mots doux, maisCatherine ne perçoit pas la voix de son fils. Elle n'entends que leshoquets provenant de sa propre bouche et sa respiration instable.Elle a si mal au cœur... C'est douloureux pour elle.

Julien, ilsait ce qu'elle ressent. Il l'a déjà vécu, il le vit encore.

Le cœurbrûle et tambourine dans la poitrine. Le cerveau est en ébullitionconstante. Quand Leila est morte, Julien s'est vraiment demandécomment il allait réussir à vivre. Au début, cela lui semblaitinsurmontable. Il a bien du s'y faire...

Julien prendsa mère dans ses bras. Elle redouble ses pleurs.

La vie netient qu'à un fil, Catherine en est consciente. Peut-être demain,Julien ne sera plus là. On ne peut pas savoir, il faut se contenterd'espérer.


Julien ouvresa fenêtre, il laisse pénétrer l'air dans la pièce. Le vents'infiltre dans sa chambre, un pot de crayon se renverse. Julien neprend pas le temps de le redresser. Il passe sa tête par la vitre,le vent le prend au visage, un frisson lui parcoure l'échine. Ilregarde dehors, les gens qui passent devant la maison. Il peutdistinguer la maison de Clara... Il essaye de voir une ombre par lesfenêtres de la maison de Clara, ou bien de la lumière. Juste unsigne qui lui indiquerait que Clara se trouve chez elle. Pour pouvoirobserver son domicile et se dire qu'elle est là, derrière les murs.Mais c'est encore mieux que ce qu'il imaginait. Clara sort de chezelle, avec un air nonchalant. Elle s'assoit sur le palier et entameune cigarette. Julien soupire et sourit en même temps.

Il a envie delui parler, c'est irrésistible. Il sort en trombe de sa chambre etdescend les escaliers, manquant de trébucher.

Il se demandecomment l'aborder, il ne doit pas être trop brusque avec elle sinonelle risquerait de le repousser. Julien a compris une chose, il doitaller doucement et ne pas la brusquer, ne rien dire de compromettant.

Il arrive chezClara, il ouvre le portillon. Elle est là, assisse devant la porte,crachant un nuage de fumée dans les airs.

-Salut Clara, lanceJulien en souriant légèrement.

Elle lui fait signede s'asseoir à ses côtés.

Il n'ose pas parler.Non, ce n'est pas ça. Il voudrait parler mais il ne sait pas quoidire.

-Tu as rencontrémon cousin apparemment, souffle-t-elle.

Julien saitdésormais de quoi discuter.

-Oh oui ! C'estAaron n'est-ce pas ?

Elle hoche la têteavant de jeter sa cigarette sur le sol.

Elle repousse sescheveux en arrière, puis elle répond :

-Oui.

Julien veut ensavoir plus, il l'interroge du regard mais elle ne daigne pasrépondre.

-Eh bien ?

-Eh bien quoi,dit-elle en riant.

-Pourquoi Aaron etsa mère ne vous aident pas ?

Elle sourit.

-Tu as déjà laréponse non ?

Julien ne dit rienet cette fois, c'est parce qu'il n'y a rien à dire. Il connaît laréponse, oui. La mère de Clara et celle de Aaron se détestent.C'est triste, les deux sœurs se haïssent alors qu'elles devraients'aimer et s'entraider, chose que Julien n'a pas faite avec Leila...

Julien regardeClara, le regard de cette dernière est perdu dans le vide.

-Clara, pour toic'est quoi la vie ?

Elle plisse lesyeux, comme pour réfléchir.

-Cela peut êtredeux choses. Une drogue, car on ne peut pas en sortir, c'est infiniet perfide. Mais je pense que ce qui définis le mieux la viec'est...

-Un océan, coupeJulien.

Elle hoche la tête,surprise qu'il ait la même idée qu'elle.

-C'est tout à faitça ! Un océan, la vie c'est un océan de tristesse. Nos larmescoulent et atterrissent dans cette océan de désespoir. Et un jour,il y a trop de larmes alors ça déborde, ça explose.

Et Julien complètesa métaphore :

-La colère estdévoilée au grand jour. Et quand on est bien vidé de nossentiments, l'océan se remplit une nouvelle fois, c'est infini. Maiscela peut être des sentiments joyeux et dans ce cas là, l'océanest calme, lisse, il ne se remplit pas. C'est une période debonheur...

-Qui ne dure paslongtemps car l'océan se remplit perpétuellement.


Leïla & JulienOù les histoires vivent. Découvrez maintenant