Le Marchand De Sable

6 Nola

— Mimir est le dieu de la richesse...

Je note sur une fiche ce que je viens de prononcer à voix haute tout en tournant une feuille des notes de mademoiselle Sol. Merde, c'est pas du tout ça !

— Mimir est le dieu de la sagesse et de la connaissance !

Je gomme et recommence. Heureusement que je remplis mon tableau au crayon... Et je parle toute seule, en plus !

Je regarde l'heure. Six heures du matin. J'ai vu passer chacune d'entre elles depuis hier soir. Je me suis assoupie une petite heure en rentrant chez moi. Heureusement, un appel de Léo, mon voisin, m'a réveillée, m'empêchant ainsi de cauchemarder. J'ai ensuite tout fait pour m'occuper, mon appartement est donc reluisant. J'ai juste évité de passer l'aspirateur de peur de voir débarquer ma voisine revêche que j'aurais tirée du lit.

Je bâille à m'en déboîter la mâchoire et quitte le clic-clac sur lequel je travaille, faute de bureau, pour aller me faire couler une nouvelle dose de café. Encore une heure avant de me préparer pour aller en cours.

***

** Ella : M'attends pas, panne de réveil ! Bon courage, bisous. **

— Houlà... Mais qu'est-ce que c'est que cette tête, Nola ?

Je relève le nez vers Kyle, délaissant mon portable et le SMS d'Ella. En plus de ne pas l'attendre, j'ai tellement les yeux loin de leurs orbites ce matin que je n'ai même pas capté son absence !

— La tête d'une nana qui veut un café ! Un allongé, s'il te plaît, réponds-je.

Il part d'un petit rire en allant préparer ma commande. Heureusement que je n'ai qu'un cours de deux heures ce matin. Ensuite, je rentre chez moi et, tant pis, je dormirai quoi qu'il m'en coûte. Je suis à bout. J'ai l'impression de marcher avec des baskets en plomb, que mes bras n'ont plus assez de muscles pour les porter et que mes épaules soutiennent le monde. Enfin, elles soutiennent mon sac à dos, et c'est déjà un exploit vu la masse de bouquins que j'ai réussi à faire entrer dedans.

— Tiens ! 3,50 €, s'il te plaît.

— Quoi ?

— Ton café, c'est 3,50 €...

Ah oui ! Mon café allongé !

— Elle est où, l'autre folle ? me demande le serveur alors que je lui tends un billet.

L'autre folle : Ella.

— Elle ne s'est pas réveillée, tu la verras plus tard.

— Eh merde ! Je pensais qu'elle avait enfin quitté la fac. J'étais si heureux de ne jamais la revoir...

Malgré mon état d'épuisement, j'arrive à suivre la conversation. Je trempe mes lèvres dans mon grand gobelet, c'est la solution la plus efficace pour m'aider à suivre mes cours. Quoique, je n'ai jamais essayé les cachets... Je devrais peut-être y penser.

— Tu as vu avec Léo, au fait ?

— Quoi ?

— Pour qu'on se fasse un truc ensemble cette semaine.

— Ah mince ! J'ai totalement oublié. Pourtant, je l'ai eu au téléphone hier soir. Mais je le vois tout à l'heure, on bosse ensemble, je lui en parlerai.

Il me fait un sourire et s'en va servir d'autres clients mal réveillés.

Je traîne mon corps trop lourd dans les couloirs de la fac. J'aime passer du côté récent de la faculté au côté ancien, c'est comme changer de monde. On dit adieu au béton et aux couleurs froides pour contempler un lambris chaleureux. Sans hésitation, c'est l'endroit que je préfère ici.