7 Nola

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Ma petite sieste pendant le cours de ce matin aura au moins eu pour effet de me rebooster pour le reste de la journée. J'ai passé mon après-midi à la bibliothèque et, pour une fois, mon travail a été utile. J'ai bien avancé. Et j'espère que ce que j'ai retenu de mes révisions sur la mythologie nordique était correct. Vivement que je commence ces cours de soutien avec mademoiselle Sol.

— T'es déjà là ? demande soudain une voix qui s'adresse clairement à moi.

Je détourne les yeux de mon mini four pour voir Léo pousser la porte de mon appartement. Je n'ai pas dû entendre qu'il avait frappé, mais on se rejoint chaque semaine pour dîner ensemble avant d'aller travailler. Nous avons découvert rapidement qu'en plus d'être voisins de palier, nous avions le même job d'étudiant.

J'ai un petit pincement au cœur chaque fois que je sens son regard sur moi. Pas parce qu'il est presque surnaturellement beau et aussi cultivé que je pourrais le rêver, mais parce que je sens cette petite étincelle en lui à laquelle je ne peux pas répondre. Même si je reçois parfaitement tous les signaux qu'il m'envoie depuis qu'on s'est rencontrés, je suis incapable d'aller dans leur sens. Et ça fait des mois que ça traîne en longueur. C'est notre non-dit à nous.

— Salut ! lancé-je.

— Prête pour aller bosser ?

— Absolument pas.

Il me rejoint dans le coin cuisine lorsque le four sonne pour annoncer que notre pizza doit être cuite. Ou plus ou moins... Avec ce truc, c'est un jeu de hasard.

Je me penche vers lui pour lui faire la bise, comme toujours. Et, comme toujours, il passe sa main dans le bas de mon dos à ce moment-là. Parfois, j'ai juste envie de le repousser loin de moi ; mais d'autres fois, lorsque je me sens vraiment mal (par exemple quand mes nuits ont bien pourri une journée, comme ce fut le cas aujourd'hui), j'apprécie ce léger contact rassurant. C'est égoïste de ma part, j'en suis consciente, mais si je tire aussi un trait là-dessus, que me restera-t-il ? Des cauchemars nuisibles et zéro vie sociale ? Super !

— Encore tes problèmes de sommeil ? me demande-t-il justement alors que nos regards se croisent.

Ça se voit tant que ça ? Je dois avoir une tête affreuse...

— Ouais... J'ai ronflé en cours tout à l'heure... Ella a dû me réveiller !

Léo se met aussitôt à rire et se rattrape très vite.

— Désolé... marmonne-t-il avant de se pincer les lèvres.

Je garde pour moi l'existence du type aux tatouages qui me poursuit dès que je ferme l'œil. Même Léo n'en sait rien. Que penserait-il ? Que je suis folle ? Je ne vais pas prendre le risque de lui en parler pour savoir. Et puis ces cauchemars vont bien finir par s'arrêter. Je crois que mon subconscient évacue simplement le stress des cours à sa façon. Même si j'apprécierais qu'il le fasse autrement.

— Alors, qu'est-ce qu'on a au menu ? demande Léo en se penchant sur mon épaule.

— Eh bien, si mon four le veut, ce sera une pizza bolo...

Une épaisse fumée noire envahit l'appartement sitôt que j'entrouvre la porte du four.

— Merde ! Mais qu'est-ce qu...

Je vais aussitôt tirer sur la prise, et Léo court dans le salon pour ouvrir la fenêtre, seule et unique ouverture sur le monde de ce palace. Il contourne pour ça le clic-clac toujours ouvert et qui prend toute la place.

— Alors, chef, quelle est l'ampleur des dégâts ?

Je secoue la manique devant le mini four pour voir ce qui a bien pu se passer à l'intérieur. La fumée se dissipe doucement, et, quand enfin j'y vois clair, un minuscule éclair rouge vif me fait sursauter et reculer. Je lâche même un petit cri de stupeur.

— Qu'est-ce qu'il y a ? demande aussitôt Léo en se collant à mon dos.

Je chasse encore un peu la fumée, mais il n'y a plus rien. Ce petit battement d'ailes rouges n'existe en fait pas. Mon cœur reprend doucement son rythme normal. N'importe quoi, Nola ! Tu deviens parano ! De la sauce tomate partout, et ton cerveau perturbé y voit tout de suite une foutue paire d'ailes rouges qui papillonne.

Léo constate l'ampleur des dégâts.

— Ah... Tu n'as pas mis de protection sur la grille, dit-il.

Je pince les lèvres. Quelle conne...

— J'ai oublié et...

— Et la pizza est carrément passée au travers, termine-t-il. Bon, un kébab sur le chemin, ça te convient ?

Je baisse les bras. Je suis trop fatiguée pour lutter, alors, d'un signe de tête, j'accepte la proposition, même si je suis fauchée.

***

Moment de solitude... Je suis seule dans une rame de métro avec Léo. Il est donc possible de ne pas être compressée sous l'aisselle de son voisin dans ces trucs ? Quoique, à cet instant, je préférerais peut-être subir une odeur de transpiration que la proximité de mon voisin.

Nous nous rendons au musée où nous bossons ensemble. Heureusement pour moi, mon portable vibre et attire mon attention ailleurs pour quelques secondes. C'est un SMS d'Ella.

** Ella : Moment scoop du jour ! Il est possible que je sois un peu en retard dans les jours à venir... Ne m'attends pas le matin. **

** Nola : C'est ton scoop ? Heureusement que t'as pas choisi des études de journalisme ! lol » **

** Non, le scoop, c'est le POURQUOI je serai en retard ! Nuits de folie prévues à l'autre bout de Paris, chez le beau Matt ! Tu sais, le beau gosse de notre cours du mardi. Celui qu'on a croisé dans les toilettes ! Non, non, tu ne rêves pas ! Et sinon, on en est où pour la soirée avec Léo et l'autre naze ? Quel jour ? Quelle heure ? Et où ? Que je m'orgasme. M'organise, pardon ! **

Je lâche un petit rire et lui réponds en vitesse que je m'informe et reviendrai vers elle. Elle me fascine, elle arrive toujours à ses fins avec ses conquêtes !

Léo me lance un coup d'œil en coin.

— Kyle propose une soirée dans la semaine, tu es chaud ?

— Avec plaisir ! Sauf si c'est encore un karaoké...

Je pouffe de rire.

— C'est vrai que tu sais faire plein de choses, mais chanter... clairement pas.

Il se met à rire aussi, et nos regards se croisent. Ce petit truc qu'il m'envoie me fait détourner les yeux, comme toujours.

— On se tient au courant pour Kyle. Je ne sais pas ce qu'il veut faire exactement, dis-je pour combler. Et tu as vu les nouveaux éléments du musée ? Ceux sur la mythologie nordique !

— Ah oui ! Il y a un bouclier absolument énorme, tu vas adorer ! Ils sont encore en train de finir l'installation !

— Ça va m'aider pour mes cours... marmonné-je.

— Je peux te faire une visite si tu veux... propose-t-il avec un sourire en coin.

— Ça fait vraiment pervers, ça !

Il explose de rire.

— Mais non... Tu sais très bien à quel point je suis romantique !


J'adore Ella ! >< 

à jeudi !

Le Marchand De SableOù les histoires vivent. Découvrez maintenant