3. Papillons

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Cette nuit-là, je ne pris pas plus de bain de minuit que Rick ne ferma ses stores. En revanche, je fis souvent la navette entre sa chambre et la mienne pour vérifier qu'il n'avait plus mal.

Chaque fois, c'était pareil : je passais la tête dans l'embrasure de notre porte commune, il plongeait ses yeux, presque sans vie, dans les miens pendant que je scrutais son visage et son corps à la recherche des signes de la douleur. Puis, une fois certaine que tout allait bien, je retournais dans mon lit.

Finalement, à deux heures du matin, il s'endormit. J'éteignis sa télévision, vidai le pot de chambre et je me couchai à mon tour, mécontente de moi.

Je n'étais pas quelqu'un de méchant. Qu'importe ce qu'il avait fait ou ce qu'il ferait à l'avenir, je ne devais pas en tenir compte.

Le matin, alors que je préparais son petit déjeuner, le talkie-walkie grésilla pour la première fois.

—Juste un café, Oceana, s'il vous plaît.

Je ne savais pas si je devais bloquer sur mon prénom ou sur son soudain élan de politesse !

Juste un café.

Je savais pourquoi il n'avait pas d'appétit. Son rendez-vous avec le chirurgien. Il redoutait une mauvaise nouvelle. Quand on a déjà passé six semaines entravé dans un lit, on n'a pas envie de voir le nombre de jours qui restent avant d'en sortir augmenter.

Rick avala son mug de café avec difficulté, le regard dans le vide. Il n'attendit même pas que je sorte de la chambre ou que je lui tourne le dos pour commencer sa toilette. Je me retirai discrètement dans son dressing. Sa garde-robe allait du simple short de bain au costard à mille dollars. Il avait plus de vêtements que tous les habitants de mon quartier réunis !

— Oceana ?

Je lui montrai la tenue que j'avais choisie. Il haussa franchement son épaule saine et se pencha en avant pour me laisser accès à son dos.

Sans me faire prier, je posai ses affaires et attrapai son gant de toilette. Cette fois, c'était différent. Il ne me guettait pas, il se contentait de fermer les yeux, la tête baissée.

— Pourquoi vous ne me dites pas que ça va bien se passer ? murmura-t-il.

Sa question me prit au dépourvu. Je reposai le gant dans la bassine, résignée. Il avait besoin de réconfort. S'il avait été un enfant, je l'aurais serré dans mes bras. S'il avait été une personne âgée, je lui aurais caressé le front. Mais c'était lui. Un jeune homme de mon âge.

— Je n'ai pas à dire ça. Je ne sais pas. La seule chose que je peux vous dire, c'est que je serai là, avec vous.

Sans m'en rendre compte, j'avais savonné ma main nue. Je fronçai les sourcils en pensant qu'il n'allait pas apprécier que je le touche. Mais s'il était comme moi ? S'il avait besoin de fixer son attention sur autre chose pour oublier son principal souci ?

Les doigts tremblants et la bouche crispée par l'appréhension, je posai ma main sur sa nuque. Ce fut instantané. Sa tête se redressa, ses paupières s'ouvrirent et il frissonna.

— Si vous énoncez ne serait-ce qu'un synonyme du mot piscine, je vous enfonce mes ongles dans la peau, l'avertis-je.

Je sentis qu'il retenait un rire. Sa peau brûlante glissait sous mes doigts. Mes passages étaient ni doux ni brutaux. Je ne l'effleurais pas. Je ne le massais pas. Je le lavais. Simplement. Mes doigts avaient envie, pourtant, de faire plus. Mais ma conscience professionnelle les retenait. J'obligeai mes yeux à regarder le travail de mes mains, pas son visage, ni ses doigts sur le drap. Je regrettai presque que la télévision soit éteinte.

Brisé(e) (BlackMoon Romance)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant