Ecoute-moi

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-Je reviens vite Tae~ 

C'était toujours la même chose, il quittait notre appartement et il me laissait seul ici, refermant la porte derrière lui et son grand sourire. En me mettant devant la fenêtre je pouvais le contempler sortir et se rendre à sa voiture, mais malgré le fait que j'essayais toujours d'être discret quand je le regardais ainsi, je me faisais bien souvent surprendre à le fixer, ce qui avait pour effet sur moi de faire inlassablement rougir. Ce petit rituel était clairement plus fort que moi, et même si cela me gênais d'agir ainsi je pouvais voir dans le comportement de Hoseok et sa façon de me faire des grands signes avec ses deux mains, que cela l'amusait beaucoup et ce malgré le fait que je feignais l'ignorance. 

Cela faisait maintenant plusieurs mois que j'avais aménagé chez lui, il avait été tellement heureux à mon arrivé et honnêtement j'étais si content moi aussi. Nous nous entendions parfaitement bien, Hoseok était quelqu'un de vraiment attentionné et affectueux, et même si parfois il m'étouffait un peu avec tout l'amour qu'il me donnait, je savais que jamais je ne pourrais m'en plaindre. Il faut dire que depuis que nous nous connaissions, je ne faisais que le supplier de s'occuper de moi et je restais toujours collé à lui, réclamant toute son attention et sa tendresse, dans le fond j'étais peut-être quelqu'un de très jaloux et possessif. Notre relation avec Hoseok était vraiment particulière, ce n'était pas de l'amour au sens premier du terme, j'avais juste besoin qu'il soit prêt de moi, et lui avait besoin de moi, c'était en quelque sorte de la compagnie mutuelle, rien de plus.

Je n'avais pas eu une enfance facile, ma mère m'avait abandonné lors de ma naissance, et je m'étais retrouvé à la rue, sans personne sur qui compter. J'ai survécu grâce à la pitié des gens de mon village, et des femmes qui me nourrissaient quelques fois lorsqu'elles passaient devant mon misérable être. Les regards emplis de compassions ou de dégoût des passants m'avaient toujours insupporté, car ils me rappelaient dans quel état pitoyable je devais être. J'ai grandi dans un petit village isolé du reste du monde, qui ressemblait davantage à un bidon ville plutôt qu'à un joli petit quartier de banlieue. Les enfants de mon âge n'étaient pas vraiment tendres avec moi, ils refusaient toujours que nous jouions ensemble, et s'il arrivait que quelques-uns le voulaient bien, je me faisais à chaque fois disputer par leurs parents qui leurs rappelaient que j'étais répugnant et qu'ils ne devaient surtout pas m'approcher. Malgré tout le pire restait les autres petits qui me chassaient à coups de pierre, ou qui me frappaient sans aucune retenue, j'étais vraiment traité comme un moins que rien, traîné plus bas que terre et roulé dans la boue. 

Je détestais tout le monde ici, je vouais une haine à la terre entière et à ce monde qui m'avait fait naître ainsi. Plus d'une fois j'ai voulu mourir lorsque je me retrouvais à bout de souffle, roué de coups, ou alors que la famine se faisait trop douloureuse à supporter, malheureusement à mon plus grand désespoir, je n'avais jamais eu cette chance, à chaque fois j'avais fini par me redresser et refaire face à ce monde que je trouvais cruel et hostile, pour le si petit être que j'étais. Lorsque je me suis sentis assez grand, j'ai eu une envie incontrôlable de quitter cet endroit, de toute façon rien ne me rattachais ici, au contraire, tout me poussait à prendre mon envol et à fuir le plus loin possible sans jamais me retourner, ni regretter. C'est donc avec tout le courage qui emplissait mon corps, que j'avais déserté cette terre de malheurs. J'avais marché, marché et marché, le plus loin que mes jambes me l'avaient permises, et la pluie ainsi que les éclaircies m'avaient accompagnés lors de mon voyage, qui m'avait semblé durée une éternité. 

Je me souviens encore parfaitement de la nuit ou j'ai rencontré Hoseok, ce soir-là j'ai vraiment cru que j'allais m'éteindre. Mon périple m'avait guidé dans une petite ruelle mal éclairée, j'étais allongé dans un coin, je ne sentais plus mes pieds, ni même mon corps d'ailleurs, ma vue était embuée et mon souffle se faisait douloureux, je devais vraiment faire peur à voir, ma silhouette avait gardé les stigmates de mon aventure, et je pouvais même voir une petite tâche de sang à coté de mon être, dû à une vilaine coupure que je m'étais faite dans la journée. J'ai vraiment cru que mon heure était venue, et honnêtement je m'y étais résigné, après tout je n'avais jamais eu de chez moi et personne ne m'avait jamais prêté attention, alors je m'étais vraiment dit que c'était mieux ainsi, et que dans le fond j'avais été libre et c'était cela le plus important. Pourtant ce fut sans compter un petit tour du destin. 

 Son visage de ce jour-là est encore si clair dans mon esprit, je me rappelle encore de tout. Je fixais les gens passés à quelques mètres de moi, j'avais l'impression d'être invisible, personne ne se retournait pour contempler la misérable chose que j'étais, rien, pas même un regard de pitié ce soir. J'avais perdu espoir, enfin, je me demandais si j'en avais déjà eu, et dans le fond je crois bien que jamais je n'avais ressenti ce sentiment, le seul que je connaissais sur le bout des doigts était celui de grandeur et d'immensité, ce sentiment de liberté, si présent qu'il en était devenu palpable, si présent qu'il en était devenu mon compagnon de route, le seul qui me suivait peu importe où j'allais. Pour revenir à Hoseok, je me souviens parfaitement l'avoir vu se retourner, mes yeux étaient petits et je ne voyais plus grand-chose, tout était flou autour de moi, je l'ai vu s'approcher, se mettre à genoux à mes côtés et me regarder, il me semble même que ses yeux étaient aussi embrumés que les miens. Il m'avait regardé tristement, et dans son regard il m'avait semblé lire un sentiment que jamais auparavant je n'avais connu, enfin à présent si je devais décrire ce regard, je dirais qu'il était remplit de douceur et de tendresse.

Depuis ce jour je n'ai jamais quitté Hoseok, il était la seule personne qui avait reconnu mon existence et qui m'acceptais malgré le fait que la vie m'avait beaucoup marquée. Il m'avait soigné, avait prit soin de moi et me couvrais sans cesse d'amour et d'attention. J'étais heureux, plus que je ne l'avais jamais été, et même si dans ma petite existence j'avais croisé des paysages magnifiques, des couchées de soleil à en tomber amoureux, et des nuits plus profondes et scintillantes qu'un milliard de feux d'artifice, rien n'était aussi brillant que le fond de ses pupilles.

Dans le fond je préférais la chaleur de ses cuisses ou du rebord de sa fenêtre, aux journées écrasantes sous ce soleil de plomb, à traîner mes pattes et ma fourrure, mais surtout je préférais être un chat domestiqué couvert d'amour, plutôt qu'un chat de gouttière épris de liberté.  


Cat Eyes [OS-Vhope]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant