Dans les longs couloirs circulaires de la haute Tour d'Argent, ainsi la nommait-on de par son aspect lisse et sa roche blanchâtre, une voix monotone retentissait dans le silence qui s'était installé depuis plusieurs heures déjà. Les sons de l'homme qui provenaient d'une salle centrale rebondissaient contre les murs pavés de pierre grises, et il était assez difficile de reconnaître le sens de ses mots. Tous les apprentis avaient été envoyés dans les dortoirs, et aucun n'était autorisé à en sortir de la soirée. Tous, sauf cinq. Cela faisait maintenant plusieurs semaines que les cinq futurs mages s'apprêtaient à passer leur épreuve finale : La Conscription.
Cette épreuve finale consistait à plonger l'élève dans un rêve illusoire, où il devait faire ses dernières preuves sur sa maîtrise de la magie. Confronté à plusieurs épreuves aléatoires, créées par un mélange entre le subconscient de l'apprenti et la fourberie de la magie, le rêveur devait alors sortir du rêve indemne. S'il échouait, il ne pourrait revenir dans le monde des vivants et serait forcé d'offrir son corps aux arcanes. Dans une immolation arcanique, son enveloppe charnelle disparaîtrait à tout jamais et personne ne saurait ce qu'il adviendrait de son esprit.
La Conscription s'effectuait mensuellement, et un bon nombre d'apprentis ne revenait jamais dans le monde réel... Certains anciens mages racontaient également que certaines immolations arcaniques donnaient vie à des distorsions magiques, invoquant d'étranges esprits aux intentions toutes très différentes... Mais le monde est plein de légendes...
Autour de l'Académie de Dianam, une petite ville fortifiée sur la côte Est de l'Empire de Farungar, personne ne savait ce qui se passait derrière les murs de la Tour d'Argent, qui logeait en haut de la Grande Pince, une petite colline entourée de deux grands pics semblables aux pinces d'un crustacé. Chaque mois, de jeunes enfants pénétraient les lourdes portes de bois de la haute bâtisse, et jamais ils n'en ressortaient. Il y a quinze ans, c'était le cas de Lukas, un petit garçon haut d'un petit mètre qui avait été traîné de force dans cette académie lorsque ses premiers pouvoirs avaient été révélé au grand jour. Arraché des bras de sa mère, son dernier souvenir d'elle était son visage plissé, les yeux mouillés et sa voix hurlant sur ses ravisseurs. Ravisseurs qui n'étaient autres que les soldats de l'Empereur. Lukas n'avait que cinq ans à cette période, mais il n'y avait pas d'âge minimum pour intégrer l'Académie. L'Empire et le Conseil estimait que la magie était un don bien trop précieux pour être gaspillé.
Quinze ans plus tard, Lukas devait passer sa conscription pour enfin sortir de la Tour d'Argent et rejoindre l'Armée. Durant ces longues années, le jeune homme ne vivait que pour sortir de cette prison où des centaines de jeunes gens s'entassaient pour le Bien commun, disaient les magistrats. Avant de se rendre dans la salle de l'épreuve, le jeune garçon se rendait aux portes de la tour, closes depuis plusieurs semaines, afin de se replonger dans le passé. Il ferma les yeux, tentant de se remémorer son arrivée à l'Académie. Silencieux et le pas lent, le petit garçon à la tignasse noire et aux yeux verts qu'il était suivait les soldats de l'armée impériale, totalement apeuré du futur qui allait se présenter à lui. Puis, les dernières images de sa mère effondrée lui revinrent, comme durant ses nombreux cauchemars qui le prennent régulièrement. Alors il rouvrit les yeux, regardant le haut plafond sur lequel était peinte une gigantesque fresque représentant l'Archimage Archibald Ferguson, le premier arcaniste ayant réussi à maîtriser et à combiner plusieurs types de Magie, comme le feu, l'eau et la foudre. Puis, Lukas marmonna quelques mots à lui-même comme à chaque fois qu'il venait ici. "Je te retrouverai." Il tourna ensuite les talons et se mit en route pour la salle de l'épreuve, déterminé à passer sa conscription pour sortir de l'Académie, et avoir la chance de retrouver sa mère.
Il arriva en face de la lourde porte en bois de chêne de la salle, devant laquelle étaient également présents deux autres jeunes garçons et deux filles de son âge. Ils se connaissaient tous plus ou moins, forcés de se croiser tous les jours dans ce monde confiné. La Tour d'Argent était une immense tour, très haute et très large. Elle pouvait accueillir quelques centaines d'apprentis, de nombreuses bibliothèques y étaient présentes, des salles de cours magistraux et de cours expérimentaux y étaient également présentes. Enfin, dortoirs et réfectoires permettaient aux élèves de pouvoir y vivre sans jamais n'avoir à quitter l'enceinte du bâtiment. Il y avait bien des fenêtres dans certaines pièces, mais même ces ouvertures sur le monde étaient gâchées par de lourds barreaux de métal noir, et toutes étaient surveillées par enchantement arcanique afin d'éviter toute tentative d'évasion.
Ce soir, en plus de Lukas et de ses quatre camarades, un professeur s'était également déplacé pour souhaiter un bon courage aux apprentis venus passer leur conscription. C'était Monsieur Covall, un professeur d'enchantement et d'invocation. Il appréciait particulièrement Lukas, qui lui semblait être un très bon élément. Lorsque le jeune homme avait besoin d'aide dans ses études, ou qu'il ne se sentait plus la force de continuer, c'était lui qui venait tenter de le raisonner et lui redonner courage. Son comportement calme et son esprit jovial et optimiste plaisait à Lukas, et c'était une des seules personnes de l'institution de l'Académie qu'il pouvait supporter pendant des heures entières.
Il ne restait plus que quelques minutes avant le début de l'épreuve finale des cinq étudiants, et Monsieur Covall venait dire quelques mots à chaque participant, terminant par Lukas. Le vieil homme à la barbe fournie et grisonnante, aux sourcils broussailleux et aux cheveux longs tombant vers l'arrière, s'approchait de lui avec un léger sourire serein. Il l'attrapa délicatement par l'épaule, le tirant sur le côté. De sa voix calme, il prononça quelques mots dans son oreille :
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Vahni : La chute de Farungar
FantasyDans un monde encore naissant, aux continents tout justes formés et à l'histoire nouvelle, existent des peuples tous plus variés et diversifiés les uns des autres. Leurs histoires et leurs mœurs n'ont, pour la plupart, rien en commun et, pourtant, i...