16- Sombre cachot

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Sombre était le premier mot qui venait à l'esprit de toute personne censée se trouvant en ces lieux. Le cachot était diablement sombre.

Et froid aussi, terriblement froid...

Tess se retrouvait emprisonnée ici pour une raison qui lui était inconnue.

Il paraissait probable que c'était pour faire du chantage. Une rançon à tirer de ses parents?
C'était peu probable, pensait-elle, car il y avait quand même plus riches qu'eux.

Ses pensées continuaient de filer. À l'évidence, cette rançon à tirer devenait bien plus intéressante sur la famille de la petite protégée qui dormait sur ses genoux. Merryl' et elle étaient les deux plus récentes prises d'otage et leurs geôliers avaient jugé bon de ne pas les séparer.

La pauvre, leurs ravisseurs ne leurs avaient pas de quoi se changer. Tess regardait Merryl' qui, ayant été kidnappée lors de la fête nationale, était toujours en tenu d'apparat. Elle portait donc encore sa robe de soie diaphane aux rubans roses, qui s'était déchirée pendant la fuite.

La princesse n'arrêtait pas de répéter combien elle était reconnaissante de la présence de la petite espionne à ses côtés. Elle avait une épaule sur laquelle sangloter. Heureusement pour elle.

Mais pour Tess aussi...

La princesse ne se rendait pas compte à quel point elle la rassurait. Évidemment, elle ne lui disait pas, car elle devait rester inébranlable et solide pour elle.

Alors, Tess attendait le soir, qu'elle se soit endormie contre son corps pour laisser les larmes lui vriller les joues.

Évidemment, la magie ne marchait pas ici. Les deux captives pouvaient lancer quelques sorts mais ils ne faisaient pas grand chose à part éclairer un peu la pièce.

Merryl' commençait tout juste à avoir des pouvoirs. Alors elle lançait des petites gerbes rose pâle sur Tess tandis que celle-ci l'assaillait (pour la faire rire bien sûr) de son pouvoir bleu canard (très jolie couleur selon Mahaut).

Mahaut lui manquait. Ils lui manquaient tous... Son père, sa mère, Chiara, Thibault, Oscar et Derek (ses deux autres frères qui ne vivaient plus à la maison), Mahaut et ses autres cousins, et enfin Antoine, son amour secret et futur petit copain (du moins ça, c'est ce qu'elle espérait).

Tess rajusta en frissonnant la maigre couverture, qui leur couvrait les épaules, Merryl' et elle, tout en repensant à l'une de leurs discussions de la journée qui l'avait... ébranlée.

La petite princesse lui avait dit:

-- Tu sais Tess, j'espère que quand maman aura eut son bébé, elle sera aussi heureuse et gentille que quand je vivais au palais et qu'ils pleureront pas trop ma disparition.

-- Mais enfin Merryl', tu ne crois pas que l'on va s'en sortir?

-- Si bien sûr! Mais je dis ça au cas où.

C'est vrai, au cas où. Les deux fillettes avaient déjà tenté de regarder si la fugue était possible.

En tant qu'espionne, Tess en était à sa troisième année. Sa coach lui avait toujours répété: "Sers toi de ta fluidité et de ta discrétion, mais pas que. Tu es maline, réfléchis! Anticipe les mouvements et les réactions de tes ennemis".

C'est vrai qu'elle était arrivée trois fois en tête des simulations cette année.

Et elle y avait réfléchit. Avec Merryl', car celle-ci enviait beaucoup son apprentissage. Elles avaient déjà inspecté aux alentours si il y avait des caméras.

L'une d'elle était visible mais venait surtout du couloir, et d'après ses calculs (pas aussi précis que ceux d'Einstein, elle devait l'avouer) elle en avait déduit qu'elle ne prenait pas en compte la totalité de la pièce.

Ce qui laissait supposer que d'autres étaient déjà cachées.

Quand aux autres captifs, Tess ne savait pas encore où ils étaient.
Probablement pas très loin. La jeune espionne ne pouvais pas essayer de les entendre, car il lui manquait pas mal de matériel un peu professionnel.

Il ne lui restait qu'une épingle, une bande de tissu anti-dérapant à fixer aux chaussures (afin d'avoir des prises sur les murs) et "ça".

Ça c'était en apparence un tube d'eye-liner. Ça y ressemblait très fortement, à vous y tromper. L'application restait la même, un trait sur chaque paupière.
Au début, vous aviez seulement l'air d'une diva italienne...
Mais après ça, l'effet magico-professionnel prenait le dessus et une vue de lynx s'offrait à vous.

La petite chanceuse l'avait eu à Noël dernier, un de ses plus beaux cadeaux. Elle avait été complètement folle de joie lorsque elle l'avait découvert, au pied du sapin.

Ainsi, il lui permettait de voir à travers les illusions. Et leur sombre cachot, pensait Tess, était en réalité une pièce qui ouvrait sur une grande fenêtre où l'on percevait simplement des brumes colorées. Bien évidemment, Merryl' et elle n'étaient pas visibles aux yeux du monde car le château paraissait être au milieu de nulle-part sinon la forêt. Habituel, où comme dans les histoires.

L'usage de cet instrument restait compliqué. Elle devait tout le temps faire gaffe aux caméras.
Il était indispensable de garder secret la présence de ce pro-eye-liner comme on l'appelait.

Alors finalement, sombre n'était peut-être pas le maître mot de ce cachot...

OmbreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant