Les jours d'après

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Premier réveil sans toi. Douloureux. 

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Un jour de plus. Cela fait deux jours maintenant que je suis seul dans cette maison devenue sans âme. Ma bouche est pâteuse, mes yeux hagards sortis d'un sommeil sans rêves. Mon appétit s'est fait la malle. Je me regarde dans la glace, et je ne me reconnais pas. Mais peu m'importe. Plus rien ne m'importe. 

La couette me tente. M'enfouir dessous. Ne penser à rien. Ne pas penser du tout. Ne pas penser surtout. 

Mais la vie m'appelle, sourde à mes douleurs. Le téléphone n'arrête pas de sonner. On veut avoir de mes nouvelles. On a peur que je sombre. Les factures sont là, preuve s'il en est que je suis bien en vie, moi. 

Et les enfants ! Je dois les appeler. Enfermé dans ma douleur, j'ai oublié qu'eux aussi sont mal. Et comment, ils ont perdu leur mère ! La douleur rend-elle égoïste à ce point ? Comment se fait-il que j'ai passé les dernières 48 heures sans penser à eux ? Sous prétexte qu'ils sont grands ? Qu'ils ont leur vie ? Qu'ils ont quelqu'un pour les soutenir ? 

Je me lève et prends mon téléphone.

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J'ai parlé à Sarah. Elle ne s'attardait pas sur notre douleur. Elle a déjà avancé. Je savais qu'elle serait la plus forte d'entre nous. J'envie sa force. J'envie son courage. J'envie sa lucidité. Je ne sais pas ce que je ferais sans elle. 

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J'ai appelé Romain. Douze fois. 

Il ne me répond pas.

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Je ne m'attendais pas au volume de papiers administratifs à régler. C'est insensé ! 

En cherchant des documents, je suis tombé sur nos photos à Rome. Tu étais belle ! Et moi pas mal ! C'est certainement parce que tu étais avec moi ! Te souviens-tu  de notre arrivée nocturne dans cette ville que nous ne connaissions pas ? Et de ce bed and breakfast lugubre au fin fond d'un vieil immeuble ? Te souviens-tu de nos regards qui se croisaient à la vue du minuscule couloir qui conduisait à notre chambre ? Du fou-rire qui s'ensuivait ? Et que dire de cette chambre tellement obscure qu'on n'arrivait pas à se voir ?

Je me souviens comme si c'était hier de notre premier jour, en sortant de notre vieil immeuble. Le soleil nous tapait dans l'œil et enveloppait nos bras nus. Nous parcourions, main dans la main, les quelques mètres qui nous séparaient du Vatican. Te rappelles-tu de notre émerveillement devant autant de beauté ? 

J'aime Rome ! Je l'aime encore plus car je l'ai découvert avec toi !

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Jour de reprise. J'appréhende un peu.

Je te raconterai.

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Que te dire ? Qu'il y a deux catégories de gens. Ceux qui te regardent avec pitié et qui sont ridicules de maladresse. Mais comment leur en vouloir ? Et il y a les proches, les vrais, qui te regardent avec compassion et bienveillance et avec qui tu sens que tu peux avancer. 

Heureusement que les seconds sont plus nombreux.

Je suis rentré depuis 2 heures maintenant, et je viens de me rendre compte que je dois me préparer à manger. Je vais me commander une pizza, tiens ! Tant qu'à faire ...

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Lettres à ma femmeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant