Prologue : Bienvenue à Sourdon

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2 minutes. Voilà ce qu'indique mon GPS alors que je mets mon clignotant et quitte l'autoroute. Deux petites minutes qui me séparent de ma nouvelle vie. La petite ville universitaire de Sourdon abrite l'établissement de mes rêves : l'ELS, l'elite law school. Une des branches de la très célèbre université anglaise, Cambridge et meilleure école de droit sur tout le territoire français. Depuis que j'ai neuf ans, je rêve de devenir une avocate célèbre et influente, à l'image de ma tante. Elle-même, qui a tout réussi, tant professionnellement que dans sa vie personnelle, est passé par la ELS. J'ai donc tout fait pour être admise dans cette université. Et mon rêve de gamine se réalise enfin ! Je n'arrive toujours pas à y croire, c'était tellement inespéré. Après l'envoi de mon dossier, je m'étais dit que mon avenir était maintenant entre les mains du destin. Manifestement, le destin avait besoin d'un petit coup de pouce... Après deux mois d'attente, j'ai décidé de téléphoner à l'université afin de m'assurer que ma candidature avait bien été prise en compte. Une secrétaire m'a répondu et m'a annoncé, sans se douter du drame qui avait lieu dans ma tête, qu'ils n'avaient jamais entendu parler de moi. J'ai donc dû, dans la panique la plus totale, refaire ma lettre de motivation et le reste de mon dossier et renvoyer le tout à l'université, tout ça en moins de deux jours, juste avant la fin du délai d'envoi des demandes d'inscription. Je ne crois pas avoir autant pleuré et paniqué de toute ma vie.

Mais ces problèmes administratifs sont maintenant derrière moi et je peux enfin entamer ma nouvelle vie d'étudiante, loin de mes parents. J'ai pris la décision de ne pas habiter en résidence universitaire et de prendre une chambre dans une colocation. J'en ai déjà trouvé un, Gabriel, qui va dans la même fac que moi. D'après le sms que je viens de recevoir, il est déjà à l'appart et il m'attend. J'ai hâte de le rencontrer et j'espère qu'il sera sympa. Il sera mon premier contact dans cette ville et peut-être même mon premier ami.

J'accélère et arrive bientôt sur le parking de l'immeuble, qui se trouve à moins de dix minutes de l'université. Je descends de voiture, sors mes bagages, pénètre dans le bâtiment et monte jusqu'au deuxième étage. Arrivée là, je pose toutes mes affaires sur le sol et fixe la porte de l'appartement. Le stress m'envahit. Je réalise que je suis loin de tout ce que je connais, livrée à moi-même pour la première fois. Et si je ne m'entends pas avec mes colocataires ? Vivre avec un garçon inconnu sera pour moi tout à fait inhabituel. Je prie intérieurement pour que le colocataire que Gabriel et moi allons choisir soit en fait une colocataire. Ma meilleure amie et mon copain, Valentin, sont restés dans ma ville natale et je sens que je vais avoir désespérément besoin de quelqu'un à qui me confier dans les mois à venir. Il me faut donc UNE amie.

Du bruit provenant de la cage d'escalier me tire de ma rêverie et je m'avance pour frapper à la porte. Gabriel m'a dit qu'il resterait à l'appartement tout l'après-midi pour m'ouvrir et m'aider à m'installer. Des pas se font entendre de l'autre côté de la porte, une clé tourne dans la serrure et le battant s'ouvre. Devant moi se tient un garçon brun d'environ mon âge. Il a l'air plutôt sympa, il me sourit tellement que ses yeux foncés ne sont plus que deux fentes. Le silence entre nous s'éternise et je me rends compte que je non seulement ça fait plusieurs secondes que je le fixe mais lui aussi il me fixe depuis qu'il a ouvert la porte. Mal à l'aise, je fais mon possible pour mettre fin à cette situation terriblement gênante.

- Salut ! je lance. Gabriel, c'est ça ? Anabelle ou Ana comme tu préfères ! je lance en lui tendant la main.

- Va pour Ana !

Il me serre la main et je sens qu'il a le bout des doigts calleux, une caractéristique que je connais bien.

- Toi tu joues de la guitare, je me trompe ?

- Eh t'es perspicace toi. Oui j'en joue depuis des années et il m'arrive d'écrire mes propres chansons.

- Super ! On pourra jouer ensemble de temps en temps si ça te dit.

- Avec plaisir. Mais pour l'instant, entre on va déballer finir de déballer nos affaires. Par contre, je te préviens, je suis arrivé il y a moins de deux heures et c'est déjà le bordel.

Il ouvre la porte en grand et s'écarte pour me laisser passer. La première chose que je vois en entrant dans l'appart c'est, qu'en effet, le mec n'est pas un obsédé du rangement ; tous ses cartons sont éparpillés dans le salon.

- C'est ce que je vois ! Vivre avec un garçon risque de s'avérer plus difficile que prévu... je fais en riant.

- Ah ça j'aurai pu te prévenir, je suis pas de tout repos ! Mais si ça peut te rassurer, je suis un super bon cuisinier.

Il me fait un clin d'œil et retourne dans le couloir pour commencer à rentrer mes affaires. Je sens que je vais bien m'amuser ici...

Colocation agitéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant