Battements - Ethan

Chapitre 6 - Tristesse

Juliana referma la porte avec un soupir désolé. Elle se passa la main devant le visage avant d'allumer la lumière de son appartement. Elle se dirigea de suite vers la salle de bain pour prendre une douche. Cette journée avait été pleine de surprise pour la jeune femme.

Elle avait enfin trouvé son âme-sœur après tous ces siècles, mais il avait fallu qu'il soit un être humain. Sa nature ne le dérangeait ni elle, ni sa louve et elle était contente d'être une louve solitaire. Si elle avait été dans une meute, de nombreuses personnes se seraient moquées d'elle, ou pire, de son âme-sœur humain.

Il était rare que la Déesse mélange les espèces. Dans la logique de la nature, un loup-garou devait être avec un loup-garou. Mais elle faisait exception, tout comme l'amie d'Ethan qui semblait être une humaine avait un loup-garou comme âme-sœur. Je ne savais pas comment cet Alpha s'était débrouillé pour lui dire qu'il était un loup-garou, mais Juliana était soulagée de ne pas avoir à dévoiler sa véritable nature à Ethan puisqu'il savait déjà tout.

La jeune louve soupira en sortant de la douche. Elle enfila une simple robe. Sa louve devenait de plus en plus agitée. Juliana devait la faire sortir de ce corps pour qu'elle coure un peu dans la forêt. La moitié loup devait être en contact avec la Nature. Et la vie humaine permettait de moins en moins cet échange.

Juliana vérifia que la porte d'entrée était bien fermée puis ouvrit la fenêtre. Elle ne la ferma pas complètement et avait laissé la lumière allumée. Après cela, elle courut vers la forêt et atteignit son arbre favori. Elle enleva sa robe verte et la jeta sur une branche.

Elle laissa son loup prendre possession de son corps. D'abord, une épaisse fourrure recouvrit sa peau mate, puis ses os s'allongèrent dans un craquement déplaisant. La transformation prenait au moins trente secondes et faisait mal pendant ce temps imparti. Ce n'était pas une douleur ciblée ; elle était répartie partout dans son corps. Une douleur physique dont elle s'était habituée au fils des siècles.

Enfin sous la forme de louve, elle se secoua avant de sentir tout ce qu'elle voyait et entendait. La Nature était là, resplendissante avec son chant annonçant la fin de journée, mais le début du règne de la Déesse de la Lune. La louve commença une course effrénée à travers la forêt. Elle esquiva, sauta, bondit pour ensuite mieux atterrir sur ses pattes. La joie et l'excitation la guidaient.

Quand la louve en eut assez de jouer, elle but des gorgées d'eau dans une rivière traversant la forêt, puis, ennuyée, elle se dirigea vers son âme-sœur. Elle pouvait ressentir son odeur et surtout sa tristesse. Mais Juliana arrêta les pas de la louve. Elle ne pouvait pas risquer d'aller en ville et de se faire repérer par les humains même s'ils étaient peu nombreux à cette heure tardive.

Avec regret, la louve se transforma de nouveau en humain et laissa Juliana aller voir son âme-sœur. Elle remit la robe avant d'aller le retrouver assis en tailleur sur un pont. Elle marcha près de lui et s'installa juste à côté.

« Juliana, que fais-tu ici ? demanda-t-il en tournant la tête vers elle.

– Je suis allée faire un tour en forêt. Ma louve avait besoin de sortir.

– Oh... Tu n'as pas froid ?

– Je suis un loup-garou. La température de mon corps est plus élevée que celle d'un humain. En réalité, les vêtements ne sont pas nécessaires. Certaines meutes, qui vivent en réclusion, restent nues comme chez des peuples aborigènes humains par exemple. Ma meute était comme ça. On voyageait dans notre forêt avec liberté, raconta-t-elle avec un sourire. Mais des chasseurs nous ont pris par surprise. Nous n'étions pas préparés, malheureusement...

– Je suis désolée pour ta famille.

– Cela fait des siècles maintenant, j'ai réussi à tourner la page même si c'est difficile d'oublier. En vérité, tant qu'on a de la mémoire, tant qu'on a des souvenirs même s'ils ne sont pas exacts, on ressentira cette peine dans notre coeur. La seule chose que l'on puisse faire est de garder ce souvenir et d'avancer. Ces souvenirs ne doivent pas être un frein au bonheur. Ils doivent être le tremplin qui permet de mieux avancer dans la vie. Même si c'est dur. C'est comme ça qu'on vit. Avec les blessures du passé. »

Juliana ne savait pas pourquoi elle avait dit tout cela. Elle rougit de manière embarrassée à son discours tandis qu'elle voyait Ethan la regardait avec sérieux.

« Tu as raison... Mais tu as quel âge ?

– Quelques siècles... cela n'a pas d'importance, envoya-t-elle encore plus gêner qu'avant tout en se levant.

– Attends, je ne voulais pas te vexer, dit Ethan en la prenant par le bras pour éviter qu'elle parte.

– Je... »

Soudain, les mots s'arrêtèrent dans la bouche de Juliana. Ethan était proche d'elle. Aussi proche d'elle qu'elle pouvait sentir leurs souffles se mélanger. Leurs regards se croisèrent, puis leurs lèvres furent scellées. Ethan glissa une main sur la nuque et une autre sur la taille de Juliana pour rapprocher leurs corps. La jeune femme joua avec les cheveux bruns de son âme-sœur. Des étincelles que seule Juliana pouvait voir éclataient partout où leurs peaux se touchaient.

La louve ne savait pas si Ethan pouvait ressentir ses émotions, mais ils étaient forts. Puissants. La jeune femme voulait plus, mais elle ne pouvait pas. Elle n'avait toujours pas avoué qu'ils étaient âme-sœurs. Et Ethan n'avait pas fait son deuil. Sa femme était toujours présente dans son coeur et dans ses rêves. Malgré l'attraction qu'il devait ressentir à cause du lien, elle n'avait pas le droit de l'obliger ainsi. Elle devait attendre. Combien de temps ? Elle ne le savait pas, mais cette affaire devait au moins être bouclée.

Après leur baiser, ils reprirent contrôle de leur respiration. Toujours enlacés, Ethan se rendit soudain compte de ce qu'il venait de faire. Il l'avait embrassé. Un acte qui ne devait pas arriver. Mais avant qu'il puisse dire quoi que ce soit, la jeune femme s'excusa. Elle s'excusa puis partit avec tristesse. Et Ethan la laissa s'en aller avec regret.