Prologue

108 14 5
                                    

Le silence. Terrible. Séduisant. Il comble les paroles vides. Torture les discussions légères. Le silence vient après le bruit, après l'horreur ou après la paix. Nous aimons tous le silence. On peut y trouver de la relaxation, du repos, un moment favorable à la médiation. Parfois un instant de concentration, un petit temps pour réfléchir. Dans le silence, le monde s'arrête. Les affaires du matin, qui semblaient nous inquiéter semblent comme par magie, s'évaporer avec le bruit. Les petits tracas qui menaçaient notre avenir s'effacent peu à peu. Le silence est parfois un sanctuaire : il garde nos secrets les plus intimes, nous permet de réfléchir posément à nos problèmes, et de trouver plus rapidement une solution. Mais certaines fois, le silence devient inquiétant. Sombre. Froid. Le calme se referme sur nous. Véritable piège. Un étouffement, laissant suffisamment d'air pour survivre, mais pas assez pour vivre. Le stricte nécessaire. L'isolement nous sert d'enfer temporaire. Plus rien ne peut parvenir à nous faire s'en échapper. C'est étouffant, mais nous restons invisibles aux yeux des autres. Chute vertigineuse dans un mutisme inviable. Depuis ce fameux jour, le silence est à la fois mon meilleur ami, et mon pire ennemi. Il est mon temps, connais mes secret, me protège dans sa bulle infernale. Plus rien ne peux me sortir de là. Il est moi. Je ne peux m'en défaire, et j'ignore même si je le désire. Tout ce que je veux, c'est oublier qu'avant le silence, il y avait le bruit. Le bruit. Assourdissant. Le bruit d'un cri, d'un hurlement déchirant la nuit. Le silence me rassure ainsi à sa façon, me faisant oublier toute trace du passé, me plongeant dans les vestiges du présent. Je ne parle pas du passé. Ce mot a été pour moi effacé. Réduit à néant depuis ce jour. Ce jour si terrible qui m'a réconciliée avec le silence. Avant, j'étais comme tout le monde. Comme chacun d'entre nous. Je me réveillais dans des draps chauds, je faisais des efforts pour être jolie, j'avais même quelques rêves inavoués. J'avais des activités extrascolaires, j'aimais la lecture, le cinéma. J'adorais manger des sushis, et dormir à la belle étoile avec mon frère. J'étais peut-être ce que certains qualifieraient de « normale». Juste normale. Et puis, c'est arrivé. Ça vous tombe dessus comme cela, sans même vous prévenir. Trois secondes. C'est le temps qu'il a fallut à ma vie pour devenir ma prison. Et qui en est à l'abri ? Personne. Il suffit pour ça de simplement suivre le cours de la vie, de continuer cette misérable existence, en tentant d'oublier ce fameux jour qui a détruit votre vie. Celui qui vous a fait basculer du côté où vous n'auriez jamais dû aller. Le mal.

Le Deuil Du RequiemOù les histoires vivent. Découvrez maintenant