Chapitre 1.

94 12 16
                                    

« Il m'arrive de vouloir m'endormir... pour ne jamais me réveiller. Pour ne jamais avoir à regarder ce monstre que je suis devenue » Ivy,13 février, sur un papier de chewing-gum.

Il souffle. Respire. Esquisse un pas sur la gauche. Relève la tête - et reprend sa course à droite. Un monstre titubant dans un endroit froid et très dur. Partout où qu'il pose ses mains, ça le râpe, le griffe. Des petits cailloux s'immiscent dans sa peau laiteuse. Il marche encore, pourtant. Il voit rouge - partout. Le monstre marche. Il est calme, pour l'instant. Il attend son heure pour sortir. Pour se montrer. Il marche et voit un miroir, empreint de rouge. Il sait que c'est du sang. Bouche son nez. S'approche. Et essuie un coin avec sa manche. Ce qu'il voit le fige. Lui coupe le souffle. Le paralyse.
C'est moi.

Victime d'un cauchemar. J'entends mon souffle court qui soulève ma poitrine avec force. Ma trachée est sèche tellement sèche. J'ouvre mes yeux avec peine. Les hurlements de mon mauvais rêve me reviennent en mémoire mais je me force à les ignorer. Après tout, ce n'est ni le premier, ni le dernier.

Rien de pire que de sortir d'un cauchemar en ayant la nette impression de ne pas s'être réveillée, pensé-je.

Je parviens doucement à calmer ma respiration saccadée et à retrouver mon calme. Je sais néanmoins d'expérience que mes tremblements ne passeront qu'après quelques heures. Le temps de prendre conscience de la réalité, de sortir de cet état si flou de demie-inconscience. Etat aussi fascinant que dangereux.

Comme toujours, la douceur de l'aube finit par m'apaiser.

Concentre-toi, Ivy.

Mes rideaux clairs, tanguant lentement au rythme du vent qui s'échappe de ma fenêtre ouverte. Une légère tiédeur ambiante, accompagné de l'odeur chaude de mes draps. Un peu étouffante probablement. Mais l'accoutumance me permet de nen ressentir que le côté rassurant. Tête lourde.

J'inspire une bouffée d'air, qui me semble intense. J'ai un léger tournis. Sans attendre de me rendormir, je me relève, chancelante, en m'asseyant en tailleur. Et je ferme les yeux en me forçant à sourire. C'est un exercice d'une stupidité probablement accablante, mais dont l'utilité m'a convaincue au fil de ces mois de cauchemar. Je dois seulement me sentir ailleurs. Loin, quelque part ou les rideaux qui flottent au vent existent vraiment, et pas seulement dans les films. Le soleil s'immisce dans ma chambre par faibles rayons.

Ne pas paniquer.

Je respire un dernier coup. Le calme semble être revenu. Je me surprends à penser que je suis bien en cet endroit. C'est bien la première fois que cela m'arrive depuis des mois.

Evidemment, cela ne dure qu'un millième de seconde et je retombe lourdement dans la réalité des choses. Le calme après la tempête... avant la prochaine. Un souffle s'égare de mes lèvres charnues. Le silence est tel que mon soupir résonne dans ma chambre et me fait don d'un sursaut. J'ai l'audace d'un sourire face à mon ridicule.

Joli moment de solitude, Ivy, songé-je.

Soudain, un bruit assourdissant prend écho dans le couloir. Mon coeur a un raté. Mes poils se hérissent. Ma vue devient floue. Etrange sensation de panique qui se propage dans mon corps.

Sans même réfléchir, je bondis de mon lit, la peur au ventre. Depuis ces derniers mois, j'ai été habituée au silence pesant de ma famille. A l'absence de vie dans la maison.

Certaines fois, je me plais à imaginer que nous sommes tous des fantômes, hantant cette pauvre maison de nos présences monotones. Ma main est soudainement prise d'un spasme, et je suis contrainte de la coller contre ma poitrine pour limiter ses sursauts. Je ne prends même pas la peine de m'habiller, me jetant hors de ma chambre.

Le Deuil Du RequiemOù les histoires vivent. Découvrez maintenant