Chapitre 4.

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Ses bras sont toujours autour de moi. Comment puis-je être si proche d'un inconnu sans aucune gêne ? Je clos mes paupières une fraction de seconde, simplement pour apprécier la chaleur de sa peau. La chaleur humaine, tout simplement. Je crois que l'Homme oublie souvent à quel point un simple contact avec l'un de son espèce peut soulager. Aussitôt, mes yeux se rouvrent et retrouvent les siens. Sa tête incliné et son air apaisant. La confiance semble planer au-dessus de nous. Immédiatement, je suis convaincue d'avoir eu de la chance de tomber sur lui. Peut-être se comporte-t-il étrangement, mais au moins il ne me méprise pas. C'est avec respect que je le considère. Avec sagesse.

-Tu me juge ? demandé-je.

-Évidemment.

Ses doigts se déplient sur mes bras. Une feuille de chêne est glissée entre son abdomen et mon dos moite. Je le sens hausser les épaules, près de moi. Sa peau frotte la mienne doucement. Dans un mouvement quasi-imperceptible, il se décolle. Je sens un flux d'air caresser le tissu de mon haut. Sa main gauche vole au-dessus de mon ventre, continue sa caresse sur mon bras et enfin rompt le contact. Il ne reste plus qu'un seul de ses bras qui semble me tenir comme si sa vie en dépendait.

-C'est impossible de ne pas juger, continue-t-il, comme insensible à la danse sensuelle de nos peaux. L'être humain juge en permanence tout ce qu'il voit, ressent, entend. C'est incontrôlable.

Je hoche la tête. Ma question était stupide. Évidemment que le jugement est incontrôlable. Comment est-ce possible de ne pas avoir d'avis à propos d'une situation? Pourtant, je me rends compte qu'ignorer ce qu'il pense de moi me perturbe intensément. La proximité avec son corps me donne envie de l'être encore plus avec son esprit. De connaître la moindre de ses pensées, de ses songes.

-Et comment me considères-tu dans ce cas ?

Il me jauge de son regard impénétrable. Avec le vent, une feuille se décolle du sol et vole jusqu'à s'agripper dans une de ses mèches de cheveux. Ni lui ni moi ne faisons un geste pour la retirer.

-Je considère que tu es dotée d'une belle folie.

Je hausse un sourcil, déconcertée. Sa façon de parler de la folie me plait. Sans dégout. Sans peur. Comme si c'était un fait parmi tant d'autres. Je le regarde avec un nouvel intérêt. Son regard toujours aussi sombre me dévisage sans manières ni retenue. Sans drague, ni sous-entendus. Avec simplement une innocence déroutante. Il fait bouger ses doigts sur ma peau, peut-être pour m'apaiser encore davantage.

-J'ai presque l'impression que nous avons fait l'amour, jolie dérangée, remarque-t-il, les yeux rieurs.

Je me demande pourquoi il me dit ça. Néanmoins, je suis rassurée de prendre conscience que cette proximité est aussi intense pour lui que pour moi. Au fond de moi, j'en suis timidement satisfaite. Mes yeux passent de l'une de ses pupilles à l'autre, brillant d'une rare curiosité. Qui est-il ? Je crois qu'il veut me déstabiliser. Pourtant, j'ai la certitude qu'il sait parfaitement que sa remarque ne m'ébranle en rien.

-Faire l'amour peut se traduire de bien des façons, je rétorque en chuchotant. La danse en est une. Partager une crise d'angoisse peut en être une autre.

Il secoue la tête, absorbant mes mots. J'aime ses yeux qui dépeignent un sourire. Sa bouche ne se tord pas en un rictus, ses lèvres ne s'étirent pas. Cependant, instinctivement, je sais qu'il sourit. Ses yeux le disent.

-Tu as de bien jolies réparties pour quelqu'un qui ne semblait prêt qu'à s'enlever la vie.

S'enlever la vie.

La remarque claque dans mon esprit immédiatement, rappelant mes sens à la réalité. N'a-t-il rien compris ? Vraiment ? Une pointe de déception me prend tandis que je remue vivement mes jambes, cherchant à me redresser du sol humide. Je les relève vers moi, m'aidant de mes coudes pour redresser mon buste.

Le Deuil Du RequiemOù les histoires vivent. Découvrez maintenant