4/ Jeudi 4 octobre

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Un long cri, puissant, sort de ma bouche sans que je ne parvienne à l'arrêter. Mes poumons se gonflent au rythme d'une danse macabre, rapide, saccadé. Mes poings sont fermement accrochés à mon lit, si fort que mes os transparaissent sous ma peau. Je suis allongée, le dos arqué comme celui d'une possédée lors d'un exorcisme, comme si un monstre tentait de s'extirper de mon corps en ravageant tout sur son passage. Un cauchemar, encore un. C'est toujours la même fin : des ombres, des rires, la peur. Parfois les ombres prennent des visages, ceux des enfants du collège, ceux de professeurs, parfois mes parents... et dans les pires cauchemars, celui de Marie.

Assise sur mon lit, les genoux remontés contre ma poitrine et la tête posée dessus, je tente de calmer ma respiration les yeux fermés, et de faire redescendre la tension. Mes bras enroulés autour de mes jambes tremblent encore, mon cœur résonne dans mes oreilles et dans tout mon corps. Ce n'est qu'au bout d'un très long moment que mes tremblements cessent et que mon cœur reprend un rythme normal ;malgré tout je garde ma position fœtale ; je me sens bien comme ça... presque en sécurité. Je me sens comme cet enfant caché dans le ventre de sa mère, que rien d'extérieur ne peut atteindre, protégé et confiant. Que ne donnerais-je pas aujourd'hui pour redevenir ce bébé inconscient, innocent, pas encore né, dans le ventre de maman.. ?

Une heure passe, je reste comme ça, blottie contre moi-même.

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Un regard à mon réveil, il est 7h15. Lentement je repousse ma couette,déplie mes jambes et je m'assieds sur le rebord du lit. Encore une longue journée en perspective...

Fourbue,je me dirige faiblement vers la porte de ma chambre, en attrapant au passage un pull en laine. En haut des escaliers, je suis prise d'un accès de fatigue, qui me fait m'asseoir sur la marche la plus proche. Je regarde dans le vide, comme à la recherche du courage pour descendre. Je crois que ce cauchemar était en trop ; je n'en peux plus, et c'est chaque jour un peu plus dur. J'ai presque hâte que tout cela finisse...

Finalement je parviens à sortir de ma transe, et commence alors à descendre les marches, assise et m'appuyant sur mes bras, comme une enfant trop flemmarde. Arrivée en bas, je me tire sur la balustrade pour me remettre sur mes pieds. Après l'enfant, la petite vieille trop faible pour user de ses jambes,... pathétique ; et je n'ai que 15 ans...

Je me dirige vers la cuisine, rituel matinal.

Mais en passant la porte, je remarque un détail nouveau, un petit bout de papier, posé sur la table, noirci d'une écriture familière. Ma mère. Perplexe je me penche au dessus de la table, attrape le feuillet, et l'approche de mes yeux.


«Nous sommes partis en urgence,

pas eu le temps d'acheter le pain pour la voisine.

Tu peux y aller ? C'est à deux pattés de maisons, tu devrais y arriver.

Tu trouveras de l'argent dans le panier à l'entrée. »


Joint au message, ma mère a essayé de dessiner une sorte de petit plan pour m'indiquer le chemin.

Mes parents parlent souvent de cette fameuse voisine, mais je ne l'ai jamais vue. Après avoir fait sa connaissance en arrivant dans cette maison, ils ont vite pris l'habitude de lui apporter son pain quotidien, pour lui rendre service. Je ne sais pas si c'est parce que c'est une femme d'affaire tellement occupée qu'elle n'en a pas le temps, ou une vieille centenaire incapable de marcher. Ou peut-être encore une femme agoraphobe, incapable de mettre un pied dehors. Ou une hypocondriaque. Je n'en sais rien.

Il suffirait d'une main tendueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant