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Alors que le jour déclinait en teintant le ciel de mauve et d'orange, je partais pour la supérette en broyant du noir. Quand je marchais dans la rue, certaines personnes me reconnaissaient, se retournaient sans se donner la peine d'être discrets, devant mon apparence que je devinais misérable et inoffensive. J'entendais même des bribes de conversations qui ressemblaient toutes  plus ou moins à:


"C'est Izaya Orihara, non? 

 - Mon Dieu, qu'il a mauvaise mine! T'sais, j'ai entendu dire qu'il s'est fait torturé par des yakuzas!

- C'est des conneries, je sais de source sûre qu'un de ses plans foireux a mal tourné et qu'il s'est fait tabasser presque à mort et a été retrouvé dans un vide ordure alors qu'il était inconscient.

- Nan? En tout cas, dommage qu'il ne soit pas mort, on en aurait été débarrassé. "



Le pire, c'est que je ne pouvais même pas vraiment leur en vouloir. Espérer que le plus grand parasite de Tokyo soit mort, n'était-ce pas légitime de leur part?


Comme Shinra l'avait dit, prendre conscience de ce qu'on a fait aux autres est horrible, tel un réveil brutal. Combien de gens avais-je dupé? Combien de personnes avais-je tué? Trop pour en faire le compte.

Comme je ne pouvais rien faire, sinon m'en vouloir à moi même, je mis ma capuche sur la tête, en serrant des dents et en laissant courir autour de moi les rumeurs idiotes du style "il paraît qu'il s'est prostitué!" ou encore "j'ai entendu dire qu'il a ouvert un zoo indien!". M'apitoyer sur mon sort était inutile: marcher dans mes godasses n'avait jamais été une mince affaire, de toute façon.


J'ai acheté six bouteilles, vin et saké issues de mon fournisseur favori, la boutique  "STUPÉFIANTS SPIRITUELS" (autant me faire plaisir) et suis reparti sans me presser, profitant du temps agréable. 


Il devait être six heures de l'après-midi. Normalement, j'arrivais à ne pas me faire remarquer en ne m'attardant pas. Cette fois-ci, je trainais des pieds, ignorant superbement les personnes se retournant sur mon passage. Mon célèbre manteau noir me faisait défaut : pour peu que les gens posent les yeux dessus, il était obligé qu'ils me reconnaissent. Il suffisait simplement de regarder la télévision ou de lire le journal pour avoir déjà entendu parler de ma personne. 

Mais je n'avais pas mesuré l'ampleur des dégâts que j'avais causé. J'en souffrais, je m'en plaignais mais n'en avais pas vu les répercussions concrètes. Je pensais que les gens me critiquaient mais n'en avait rien à faire, au fond; comme si j'étais la dernière célébrité d'un show télévisé idiot. Je ne pensais pas qu'ils me haïssaient profondément, au point de souhaiter ma mort. 

Et bien, j'avais tort.


Un groupe de gars vint à ma rencontre et soudainement, je m'aperçu que n'avais même pas réfléchit à sortir de chez moi avec un couteau. À dire vrai, tout autour de moi était brumeux, grisé par l'alcool. Dans l'état d'auto-destruction ambiant où j'étais, je savais qu'être saoul n'était pas plus mal, me faisant oublier une part des atrocités qui pourraient me pousser à commettre l'irréparable. Mais en ville, face à des gens qui voulait ma mort, c'était carrément dangereux. Je ne pourrais pas esquiver. Je ne pourrais peut être même pas m'enfuir.


Mais je n'en avais plus rien à foutre.


Un type chauve m'apparaissant comme le leader de la bande vint à ma rencontre, accompagné de ses acolytes. Leur démarche était étrange, comme si ils cherchaient les emmerdes mais étaient un peu anxieux de ma réaction. 

PossessionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant