but i keep going back to those times

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À travers la porte boisée close, une vieille stéréo diffusait une ballade qui avait eu son moment de gloire il y avait de ça quelques décennies, une ballade à la mélodie familière même s'il ne l'avait jamais entendue auparavant. Ses notes étouffées par la distance, elle n'était discernable que si un silence complet planait; et c'était le cas.

Il tourna des yeux fatigués et ternes vers la fenêtre entrebaillée pour regarder sans grand intérêt le soleil se lever paresseusement, puis laissa son esprit se perdre et naviguer dans un flot de pensées ininterrompu.
Il finit par se heurter aux souvenirs d'une après-midi dans un appartement étroit, abrité par des rideaux tirés pour échapper aux rayons du soleil; aux souvenirs d'une après-midi passée dans un canapé usé par le temps, près de lui. À ceux d'un silence confortable seulement brisé par des rires qui n'avaient pas vraiment de justification, par des questions ridiculement sérieuses auxquelles il faisait de son mieux pour répondre, curieux d'entendre son point de vue.

Il soupira, se levant pour tourner une poignée et arrêter l'eau de se déverser dans un bain qu'il finirait par ne pas prendre.

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« Hey, est-ce que tu crois aux extra-terrestres ? »
Un rire étouffé, une tape sur l'épaule, un coup de coude en échange.
« J'y crois pas vraiment, non, avait-il murmuré, amusé.
- Je suis convaincu qu'on n'est pas les seuls dans ce grand univers.
- Et si on l'était ?
- Du temps qu'on existe en même temps et sur la même planète, tout ira bien. »

Il avait prononcé ces mots calmement, un sourire sur les lèvres, et un petit silence s'installa dans la chambre, les deux jeunes hommes couchés à même le sol, contre un tapis douteux mais familier. Leurs regards étaient levés vers le plafond, traversé d'un unique rai de lumière qui allait se reflèter dans l'ampoule éteinte de la salle, propageant des éclats arc en ciel contre les murs.
C'était bien sûr lui qui l'avait remarqué, qui avait décidé que les dimanches, ils se réuniraient dans son vieux salon pour vérifier si l'arc en ciel s'était échappé.

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Il avait bien évidemment fini par disparaître, chassé par le froid glacial de Novembre et les nuages derrière lesquels l'astre solaire se cachait à présent.
Le jeune homme finit de boutonner sa chemise sombre, saisit une cravate d'un orange presque choquant tant il contrastait avec les tons feutrés de sa tenue, puis la noua autour de son cou avant de se tourner vers la vieille radio et de l'éteindre, la ballade s'interrompant brusquement.

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« Pourquoi est-ce qu'en hiver tout le monde s'habille en noir ?
- Manque d'originalité ?
- Dans ce cas là, je refuse de faire comme tout l'monde. De céder à la monotonie que la société a fini par imposer comme norme. Plus jamais je porte des vêtements noirs sans ajouter au moins un truc outrageusement coloré. »

Quelque part, c'était un peu une métaphore pour qui il était, avait remarqué Jungkook. Une tâche de couleur dans un univers monochrome.

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Il prit une grande bouffée d'air, frottant ses mains aux doigts teintés de rose pale à cause du froid pour se réchauffer un peu.
Il fit un pas dans la neige. Un deuxième qui vint plus facilement. Un troisième qui suivit naturellement.
Des flocons s'écrasaient autour de lui, sans un bruit comme si la Terre entière respectait ses pensées. Jungkook continua d'avancer, d'un pas qui se voulait déterminé mais qui finissait par devenir de plus en plus tremblant -- comme à chaque fois.
Il s'arrêta enfin à sa destination, mais ferma les yeux un instant; dans sa tête passaient et repassaient les souvenirs d'une autre saison.

Sa main se crispa autour du bouquet de fleurs qu'il portait et il rouvrit enfin les yeux, affrontant la réalité, les mains tremblantes.

- Je, commença-t-il.

« Pourquoi tu m'appelles jamais hyung, p'tit ingrat ? »

- Je t'ai jamais appelé hyung, alors gardons les bonnes habitudes, rit doucement Jungkook. Je vais bien. Je -

« T'as jamais été un bon menteur, Kookie. »

- J-je vais pas bien du tout. J'ai mal tous les jours. J'ai l'impression que ce putain d'hiver ne va jamais partir, tout me parait fade, et toi-

« Tout finira par aller mieux si tu es assez patient. C'est ce que ma mère me disait quand j'étais petit, et j'ai grandi en apprenant que mes parents ne mentent jamais. »

- Toi, t'es là. Toi, t'as pas à affronter tout ça. Parfois j'ai envie de te suivre, mais je suis même pas assez courageux pour ça.

Jungkook rit, d'un rire si faux qu'il sonnait comme une plainte.

- Mais ça fait un an. Un an déja, à peine un an; je sais pas quoi en penser. J'ai rencontré ton ami d'enfance, Park Jimin, celui que tu voulais me présenter, et on va s'en sortir tous les deux, ensemble.

Il prit une profonde inspiration, empêchant sa voix de trembler.

- À partir de maintenant, je vais continuer de vivre, et plus de juste regarder bêtement le temps passer, d'être enfermé dans mon propre corps, murmura-t-il. Je voulais juste te mettre au courant, Tae. J'aurais voulu te dire tout ça plus tôt, mais au moins c'est fait maintenant.

Jungkook s'avança, déposa le bouquet de fleurs: des anémones immaculées mêlées à des jacinthes d'un bleu serein.

- J'ai jamais vraiment réussi à te l'avouer, mais tu le savais probablement. C'était pas seulement de l'admiration, j'ai bien l'impression que j'ai fini par tomber fou amoureux de toi, comme un gamin. Et t'aimer a peut être été la chose que je regrette le moins d'avoir fait, souffla le jeune homme. Je ne veux plus me demander ce qui aurait pu se passer si, si tu m'avais parlé des pensées qui te rongeaient la tête, si tu avais partagé ton fardeau avec moi. Si j'avais été là, la nuit où tu as décidé que tu- que tu n'en pouvais plus, acheva-t-il, sa voix se brisant sur le dernier mot. Maintenant je veux vivre, te faire une place au fond de ma mémoire, et aller de l'avant.

Il essuya rapidement ses joues maculées de larmes tièdes. Ses pensées s'apaisèrent finalement un peu.

Pour la première fois depuis des mois, il laissa un véritable sourire gagner ses lèvres.

- Merci pour tout, Taehyung. Je reviendrai l'hiver prochain; et je te promets que quand je dirais que je vais bien, ça sera plus un mensonge. Plus jamais.

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« Je suis fier de toi, Kookie. »

Un flocon de neige tomba lentement, avant de se déposer sur une plaque métallique au sol et d'y fondre.

- Kim Taehyung, 1995-2016 -
Une âme colorée pour un monde bien trop sombre.

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