Je suis assise contre le mur des toilettes. Je pleure toutes les larmes de mon corps. Je me balance d'avant en arrière, totalement paniquée. Je tente de contrôler mes tremblements, en vain. J'ai vraiment cru que ça arrivait à nouveau. J'ai vraiment cru que j'allais devoir encaisser encore une fois cette douleur lancinante. Je l'ai supplié, tout comme je l'avais fait pour l'autre, et comme celui-ci, il m'a assuré qu'il ne me ferait pas de mal. Menteur. Ils disent tous ça, rare sont ceux qui l'appliquent réellement. Et je suis malheureusement bien placée pour le savoir.
Il m'a finalement laissée partir. Je n'essaie même pas de savoir pourquoi, tout ce qui compte c'est qu'il ne m'a rien fait. Une deuxième fois m'aurait achevée. Je revois encore ses yeux bleus devenus presque noirs sous la colère, la fureur. Sa mâchoire tellement contractée que j'ai cru qu'elle allait se briser. Il m'a littéralement terrorisée, j'étais tétanisée devant lui, j'ai perdu tous mes moyens, la peur m'a submergée.
Et elle est toujours en train de le faire. Il faut que je m'en débarrasse. Je dois me calmer, il le faut. Alors je compte.
-Un...d-deux...trrrois...quatre...cinq.
Je relève la tête après mon énumération. Je souffle. Je cligne des yeux. Je me remets debout.
Qu'est ce que j'ai fait ? Kyle va me prendre pour une tarée. Il n'a même pas eu le temps de me dire ce qu'il voulait, que j'étais déjà paniquée. Je ne peux rien y faire. Ça a commencé quand je l'ai vu me détailler de haut en bas, tandis qu'il me tenait contre le mur. Ses yeux emplis de désir me relucaient la bouche, la poitrine. Inlassablement pendant des secondes interminables où j'ai cru revivre ce moment. Le pire des moment de toute ma vie.
Peu importe, je me suis montrée faible. Mon passé m'affaibli toujours, mais je ne peux plus le laisser faire. Je vis dans un monde de requin, et la faiblesse n'y est pas tolérée. Sois faible et tu meurs.
C'est pour ça qu'il faut absolument que je me rattrape. Il faut que je retrouve Kyle, et que je lui raconte une histoire plausible pour ma crise de panique. Une histoire où mon passé ne pourra pas revenir me hanter.
Je sors des toilettes et m'avance vers les miroirs. Je tente de me refaire une tête potable. Quand j'estime que je ressemble enfin à quelque chose, je repars dans la direction du bureau de mon patron.
Je me tiens devant sa porte. La main relevée, prête à frapper.
Toc, toc, toc.
Aucune réponse. Je recommence. Rien.
Est-ce que je devrais rentrer ? Je re-frappe encore un fois quand une vielle femme qui passait derrière moi m'interpelle :- Il est parti, vous pouvez toujours frapper ça risque pas de s'ouvrir.
Parti. Pourquoi ? Je ne comprends plus rien. Et si il était parti à ma recherche après ? Non impossible, sinon il m'aurait trouvée.
****
-Qu'est ce qu'il t'est arrivé ?
Emilia me scrute avec des yeux immenses. Elle est allongée sur le canapé, les cheveux tout ébouriffés. Elle a du dormir toute la journée, pour atténuer les effets secondaires, c'est du moins ce qu'elle m'a dit.
-Rien du tout, répondis-je.
-Tu te moques de moi ? T'as des cernes jusqu'au milieu des joues ! Tu es épouvantable, ma pauvre !
Et sur ce constat, elle se lève et se met à m'examiner des pieds à la tête. Je n'ai vraiment pas envie de lui raconter mes mésaventures, et encore moins d'entendre ses questions.
-Je ne veux pas en parler et, crois-moi tu n'aurais pas envie de l'entendre.
Sur ce, je pars sans lui laisser le temps de répondre.
Quand je finis par rentrer à l'appartement, Emilia n'est pas là. Je trouve un mot sur le comptoir, suivi d'un boîte à bijoux.
Si c'est lui qui t'as mis dans cet état, prends ça, ça te soulagera. Je suis partie voir mon frère, je serais de retour dans la nuit, à plus. Emilia.
Mon regard se pose sur la boîte. Je l'ouvre. Elle contient un sachet de pillules blanches, les mêmes que j'avais vu Emilia prendre. Je les prends et les jette dans l'évier.
Je connais bien ces merdes. J'en ai pris pas mal il y a deux ans. Pour essayer d'atténuer le choc. Pour oublier. Pour que mon cerveau soit en dehors de mon corps, que je ne sois plus rien. Ça marche vraiment. Un temps du moins. Jusqu'à ce que vous preniez la pilule de trop. Et la c'est pire que tout. Même pire qu'avant. Vous vomissez tripes et boyaux pendant une semaine, vous êtes pris de crampes abdominales tellement fortes que vous vous rouleriez par-terre si vous en aviez la force. Mais vous ne l'avez pas, vous n'arrivez plus à tenir sur vos jambes, vous transpirez de partout. Vous avez la bouche sèche. Déshydratation. Vous êtes trop faible pour émettre autre son que des gémissements de douleurs. Et vous tremblez, énormément. Ça c'est le côté physique. Le reste je ne veux plus jamais y penser. Jamais.
****
Flashback
Ils me regardent avec attention. Je leur souris, par politesse. Ils continuent. Je marche plus vite. Ils me suivent. Le plus grand me tire le bras.
Je me réveille en hurlant. Je suis trempée, j'ai froid. J'ai fait un cauchemar.
Je sors de ma chambre. Il est 2 heures du matin. Je ne veux pas essayer de me rendormir, sinon j'en referais un et c'est la dernière chose dont j'ai envie. Ce que je veux c'est me changer les idées, je veux oublier. Je veux danser.
Je sors de l'appartement et pars en direction de la compagnie. J'y vais à pied, je respire l'air frais.
Je ne me change pas, je vais directement dans la salle. La lumière est allumée, mais il n'y a aucun bruit. Je m'avance doucement. Je passe la tête dans l'entrebâillement et je recule à l'instant où je le vois. Il danse. Sans musique. Il ne fait pas un bruit. Il vole.
Je reste ébahie devant la scène qui se déroule devant mes yeux. Ce qui est en train de se passer est magique. Littéralement. Soudain, il s'arrête. Et il me regarde. Droit dans les yeux.
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Stars And Scars
RomanceC'était mon rêve. C'était mon destin. C'était toute ma vie. Il est arrivé. Il m'a brisée avant de me reconstruire. Je n'ai plus de vie. Aria ne rêve que d'une chose : devenir une grande danseuse étoile au sein de l'American Ballet Company. Son rêve...