Prologue

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            Le jour s'était levé et les rayons du soleil passant à travers mes rideaux m'avaient sortie de mon sommeil apaisant. Il n'y avait que pendant la nuit que je dormais et surtout que je me sentais un peu mieux. La nuit était lénifiante et une fois le sommeil trouvé je me sentais de nouveau légère, mes rêves m'accompagnaient vers lui et c'était à nouveau comme s'il était encore là. Mon esprit me faisait voyager en sa compagnie, je me voyais petite, assise sur ma balançoire, ma robe volant au vent et lui, il me poussait. J'étais un oiseau, je volais, j'étais comme une plume et riais aux éclats sous le sourire de mon père. Malheureusement, certaines nuits je faisais d'horribles cauchemars ce qui me laissait peu de répit avant que le jour ne revienne accompagné de la réalité et de mes angoisses.

Comme à son habitude, ma mère perdait son temps à monter dans l'espoir que je sorte ou au moins que je lui ouvre. Elle passait cinq à dix minutes à m'exposer son point de vue, à exprimer son inquiétude pour moi. Parfois elle en venait aux menaces lorsqu'elle repartait avec son plateau repas auquel je n'avais pas ou peu touché.

Si elle savait...., s'il savait que la vie m'était insoutenable, si elle savait comme j'avais mal, comme je me sentais vide sans lui. J'avais l'impression d'être tombée dans un gouffre duquel il me serait impossible de sortir. J'allais finir ma vie ainsi, creuse, vidée de ma joie de vivre, dans l'incapacité de retrouver le sourire. Si elle savait que le simple fait de l'entendre me ramenait à lui et ravivait la douleur...

– Johanna ! Je sais que tu m'entends !

Évidement que je l'entendais, je n'étais pas devenue sourde. J'étais juste tombée dans un puits de tristesse. Deux mois que chaque matin elle venait frapper à ma porte et me demandait de reprendre ma vie en main. Plus facile à dire qu'à faire. Je savais qu'elle voulait que je reprenne le lycée, que j'aille voir mes amis, que je reprenne le dessus et que je vive mais pour le moment je survivais plutôt.

– Johanna, descends au moins prendre le petit déjeuner avec moi. Ça fait deux mois que tu n'es pas sortie d'ici, que tu prends tes repas enfermée dans ta chambre et encore, il faut voir ce que tu avales!

Nous y revenions à nouveau, le sujet des repas... Je ne lui répondis pas.

Au début je refusais de m'alimenter, je croyais qu'ainsi j'irais le rejoindre mais ma mère a menacé d'entrer de force et de me faire hospitaliser. Depuis ce jour, je prenais son plateau et faisais l'effort d'en manger un minimum, juste suffisamment pour qu'elle me laisse seule et tranquille.

Je voyais bien qu'elle souffrait de cette situation, de mon mal-être, de mon renfermement mais comment..., comment je pourrais sortir d'ici et constater par le vide de chaque pièce qu'il n'était plus là, que le seul homme qui n'avait jamais compté pour moi nous avait quittées ? Impossible, mon père me manquait trop. De ne pas le voir assis à table avec son café fumant devant lui, en train de lire son journal me renverrait trop à l'évidence qu'il n'y serait plus jamais. Comment passer devant leur salle de bain et ne pas sentir son parfum embaumant la pièce après son passage.

Deux mois que je fuyais la réalité..., deux mois que je restais dans ma chambre à entendre les voix de ceux qui nous rendaient visite et tentaient, sûrement après une demande de ma mère, de me faire sortir. Pourquoi personne ne pouvait comprendre qu'il n'y avait qu'ici que je me sentais un tant soit peu moins malheureuse ? La douleur ne s'effaçait jamais et ne me laissait aucun répit mais ici, enfouie dans mon lit, je pouvais me voiler la face et me dire que tout ça n'était qu'un mauvais rêve, que j'allais bientôt me réveiller et le voir dans le sofa à regarder un match de football. Râlant lorsqu'un joueur de son équipe favorite commettait une erreur ou lorsque l'équipe adverse marquait un but.

Ici, je pouvais me convaincre qu'il n'était pas mort, qu'il n'avait pas disparu ce soir là en venant me chercher.

En plus de mes amis, ma mère avait fait venir un psychologue. Pensait-elle vraiment que j'allais lui ouvrir ? Je l'avais laissé perdre son temps lui aussi, il avait passé une heure à tenter de me convaincre d'ouvrir la porte, qu'il pouvait m'écouter et m'aider. Génial, si lui avait eu du temps à perdre je me demande bien qui lui avait dit que moi j'avais envie qu'il me fasse perdre le mien en me soûlant de paroles.

Vint enfin le moment où elle abandonnait et redescendait seule, dans la cuisine prendre son café. Je savais au son de ses pas lourds qu'elle était malheureuse elle aussi, ça devait être dur pour elle de l'avoir perdu, de ne plus l'avoir près d'elle quand elle se levait ou quand elle se couchait. J'aurais tellement voulu être capable de lui ouvrir, de faire face à la situation, de lui apporter mon soutient. Quelques fois, je me levais de mon lit ou du fauteuil près de ma fenêtre et me plaçais juste de l'autre côté de la porte. Je posais ma main contre le bois, je voulais ouvrir, je le voulais vraiment mais chaque fois, je n'en trouvais pas la force et retournais m'asseoir.

Pour moi, les journées se succédaient et se ressemblaient, je me réveillais, me douchais dans ma salle de bain, m'installais dans mon fauteuil et laissais la place à ma tristesse jusqu'à ce que l'heure de retourner me coucher arrive enfin et me soulage quelques instants.

Fairy JohannaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant