Terminal

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Un an plus tard

J'entre la première dans le grand hall d'accueil. La fraîcheur du lieu remplit mes poumons et me donne la force d'ouvrir les yeux.

-Vous avez fait du bon boulot, me félicite Monsieur Roy.

Sa voix résonne dans l'énorme enceinte pendant que j'admire mes clichés sur les grands murs. Ils n'ont que pour peinture des visages. Mes visages.

-Nous ne regrettons pas d'avoir fait appel à vos services. Vous avez embelli le British Museum.

Je le remercie d'un simple sourire, trop touchée pour dire quoi que ce soit. Monsieur Roy, mon superviseur pour l'exposition, me presse l'épaule et fait demi-tour pour aller chercher les autres.

Je reste immobile quelques instants, toujours dans l'entrée de la salle. Je suis hypnotisée par le portrait qui se trouve juste en face de moi. C'est son portrait.
Celui que j'ai fait après trois semaines de séparation douloureuse, le jour où Maxime a appris pour lui et moi.
Ça date d'un an.

Une année que le mariage a été annulé. Une année qui a vraiment bouleversé ma vie.

Je contemple son visage si joyeux, puis ses yeux. Ses yeux si sombres, si mates, si noirs qui m'ont fait perdre la raison plus d'une fois. Sur la photo, ils pétillent de bonheur simplement parce qu'il me regarde.

Après avoir admiré de longues secondes ce si beau visage, j'ose faire un pas. Je me sens toute petite dans cet énorme espace et épiée par tous ces regards. Je prends mon temps pour admirer chacun des clichés pour la centième fois. Ma grand-mère, des inconnus, et encore et encore Adam.

L'exposition est captivante. Je ris doucement en me rappelant qu'elle n'a faillit pas avoir lieu.

Il y a plus d'un an, ma vie était devenu un vrai chantier. Un chantier chaotique où chaque artisan s'y prenait mal.
Des vérités et des secrets avaient explosés comme des bombes dans ma vie. Même si Adam me soutenait face aux violentes crises dans ma famille, j'ai craqué. J'ai pris mon courage à deux mains et je suis partie. J'ai laissé derrière moi ma famille, ma sœur enceinte, Minnie qui s'installait avec Gabi, et l'exposition au British Museum.
Je me suis réfugiée dans le seul endroit inconnu qui ne me faisait pas peur: New-York.
Adam ne m'a pas suivi. Pour la simple et bonne raison que je lui ai demandé de ne pas le faire.

-Il est hors de question que je me retrouve séparé de toi! On vient juste de se retrouver!

-J'en ai besoin.

Je lui ai caressé doucement le visage.

-Je n'ai plus la force de rester ici. Tous mes repères se sont effondrés. J'ai besoin de faire une pause et de partir loin, très loin. Je dois le faire seule parce que si tu es avec moi, je n'arriverais pas à me reconstruire en tant que Lizzy Higan. Si tu es là, je serais la jeune fille qui est tombée amoureuse de son beau-frère. Il faut que je retrouve mon identité.

J'ai glissé mon visage sur son torse, alors qu'il m'a tenu fermement entre ses bras pour ne pas que je m'échappe. Il a fait la même chose un mois après, lorsqu'il m'a amené à l'aéroport. C'est le souvenir le plus déchirant de ma mémoire. Son dernier baiser douloureux, ses yeux emplis de tristesse, et sa main quittant la mienne. J'ai pleuré de la première à la dernière heure de vol.
À New-York, j'ai retrouvé Cara Milles, directrice artistique du magazine Vogue qui m'avait passé sa carte. Elle a transformé ma vie. Elle m'a présenté à toutes ses connaissances. J'ai enchaîné les shootings, les événements grandioses. Au bout du premier mois, j'étais la photographe que tout le monde s'arrachait. Je me sentais revivre, mais je n'étais pas heureuse.

Il Était TempsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant