Depression, ça fait trois ans que je te connais maintenant, trois ans que tes tentacules me serrent, m'étouffent....et me relâchent, tour à tour. Comme si cela te faisait rire de me laisser entrevoir le soleil pour après me jeter sous une trombe d'eau gelée.
Cela a commencé doucement. Un coup de fatigue, un coup de mou. Un médecin traitant qui essaye, tâtonne pour finalement s'avouer vaincu : « si ça continue, il va falloir aller voir un psy ». Un refus net, catégorique : « un psy ? Je ne suis pas folle ! ».
Puis des pleurs, beaucoup, des engueulades avec les proches, énormément. Ils ne comprennent pas, je ne comprends pas, je sombre.Puis vient le temps de l'éloignement, du repli sur soi, du mensonge. Le temps où l'on fait « comme si ... », où l'on ne répond plus au téléphone, où l'on s'éloigne de ses amis pour n'en avoir plus qu'un seul : notre lit.
Trainer en pyjama, devant la télé, sans l'écouter vraiment. Ne pas manger, ne plus manger. Ne plus se lever, ne plus se laver, ne plus s'écouter. Mais les amies sont là et persistent, ne voyant pas ou ne voulant pas voir le ridicule de la situation quand elles me font parcourir la cours de la cité-U en pyjama pour que je m'écroule sur un autre lit. Les cours ? N'en parlons plus.
Les cernes arrivent, s'installent, se creusent.
Un complot se monte derrière mon dos. Une force surhumaine qui veut que je m'en sorte. Des coups de téléphone discrets pour prendre rdv avec un docteur en psychiatrie. Des dizaines de coups de téléphone, non par moi, bien sûr, j'en suis incapable, mais par celles qui veulent m'arracher à toi. Des refus, des attentes exorbitantes pour finalement tomber sur celle qui me suivra et m'épaulera pendant des années.
Un livre, que l'on se passe de dépressifs en dépressifs, car il raconte si bien notre mal et apporte de l'espoir, l'espoir de la guérison...Si seulement...
Mon vocabulaire s'amplifie. Tel un enfant, j'apprends des mots nouveaux : SEROPLEX, ABILIFY, ATARAX, LYSANXIA, VALDOXAN, STILNOX, TERCIAN, THERALENE, IMMOVANE et bien d'autres encore...
Ce sont mes nouveaux amis, des amis hors du commun, qui arrivent et repartent, que l'on augmente, diminue au grès de mes humeurs.
Ce sont mes béquilles, je réapprends à marcher avec eux, à sourire, même timidement, devant un arc en ciel.Cela n'est pas suffisant. Je découvre un autre monde, une autre bulle que mon petit lit. Une bulle nommée UTTAD.
Mais là encore, je fais semblant. Je ne suis pas prête pour te lâcher la main comme cela, d'un coup. Tu es devenue mon amie. Je ne veux pas te perdre, pas encore, pas de cette façon.Et je sombre plus encore.
D'autres amis prennent le relai. Autre région, autre département, autre contexte.
Mais même résultat : l'hospitalisation. Tu me fais découvrir un monde d'horreur, de plaintes, de pleurs, ...de fous. Je ne comprends pas. Vais-je devenir folle moi aussi ?
Quatre jours d'horreurs, que je n'oublierai jamais.A cet instant, mes parents entrent en scène. Eux à qui nous avions caché la vérité, toi et moi, te rencontrent, te découvrent...et te haïssent.
Moi qui t'aimais tant, je ne comprends pas, je ne comprends plus, pourquoi tout le monde s'en va autour de moi. Restent mes parents et quelques amis fidèles. Les autres détournent les yeux sur mon passage, ne répondent plus à mes appels à l'aide. Je croyais que tu avais la toute-puissance, la puissance de faire en sorte que tout le monde m'aime, m'entoure, me choit. Mais là encore tu m'as menti. Je commence à te détester. Je veux que tes tentacules me lâchent. Mais non, je suis prise dans ta spirale infernale.
Paris, Chamonix. Je prends sur moi, je me bats contre toi. Ma tête sort peu à peu de l'eau.
Pourtant, à cause de toi, l'on se bat également contre moi, pour que je ne reprenne pas les cours. Je ne comprends pas mais je résiste et je gagne. Première victoire d'une longue série ? Je veux y croire.Des hauts, des bas. Je me prends les pieds dans le tapis, je trébuche, je tombe, de si nombreuses fois, que mon corps est imprégné de bleus au plus profond de mon être. Mais à chaque fois, des mains se tendent pour..pour m'aider à me relever : parents, psy, amis...Ils sont là et me poussent vers ce diplôme si convoité.
Période théorique achevée. Seconde victoire sur toi, traitresse. Mais tu gagnes du terrain, tu reviens à la vitesse d'un camion lancé à toute allure. Et moi ? Je te reçois les bras ouverts. J'ai tellement peur d'aller au bout, de devenir enfin indépendante, de chercher un travail. Je me sens tellement incapable de tout cela. Alors, tu es là et tu m'apaises. Je retrouve mon lit, mon pyjama et mes errances.
Et comme tout cela ne suffit pas, je fuis encore plus loin vers l'UTTAD et sa bulle dorée.Infirmières, psychiatre, infirmier, ils sont tous là pour m'aider. Mais je n'accepte qu'à moitié cette aide. Pourtant, tous vont me pousser, me tenir les pieds et me sécuriser pour que j'arrive à escalader cette si haute montagne qu'est ce diplôme.
Trois mois cela durera et les adieux seront déchirants pour moi. Mais je gagne enfin du terrain. Et je le valide ce pu.... de diplôme. Victoire sur toi ô combien gigantesque, que je dédie à ma famille, mes soignantes et les quelques amis qui me suivent encore.Fêter cela, j'en ai bien envie et pour me récompenser, je pars dans les Alpes, faire le métier de mes rêves les plus fous. Mais tu es toujours là, insidieuse, cachée au coin d'un mur, dans ma poche à guetter la moindre fatigue.
Un petit boulot d'été à Montpellier, qui semble idéal. Et pourtant, tu reviens en pleine force. J'irai au bout, mais ô combien ce sera difficile...
Les idées noires reviennent et se bousculent pendant mes nuits d'insomnies. Tu ne me lâches pas, tu ne me lâches plus. Je t'en veux.
Depression, je le dis haut, je le crie maintenant, je ne t'aime plus. JE TE HAIS et JE GAGNERAI.