Je suis debout sur le bord du quai. Le tableau d'affichage indique que le métro arrive dans deux minutes. Voilà cinq minutes que j'attends un métro qui est censé arriver dans deux minutes. J'en viens à me demander si les sociétés de transport en commun ont le même référentiel temps que nous... A force de réflexion, j'en ai déduis que la seul et unique raison à ce paradoxe était qu'il devait y avoir une distorsion spatiale dans les tunnels de métro induisant une modification de l'espace-temps. Ceci expliquerait pourquoi la notion de retard dans les transports n'est pas forcément la même que la nôtre. Cela expliquerait également pourquoi le temps parait si long entre deux arrêts de métro, en particulier durant les heures de pointes. Perdu dans mes réflexions, je sens dans mon dos la pression de la foule qui commence à s'amasser sur le quai. A l'instar de ces voitures qui klaxonne dans les bouchons, parechoc contre parechoc, les gens se bousculent, se serre les uns contre les autres. Les insultes fusent et les esprits s'échauffent. Merci Dr Dre pour vos écouteurs. Vissés dans mes oreilles, j'augmente sensiblement le son. Manu Chao exulte dans mes oreilles. Je dandine de la tête, les yeux fermés. Je m'enferme dans ma bulle en tentant d'oublier le monde qui m'entoure. Je sens une rafale de vent frapper mon visage m'indiquant l'arrivée imminente du métro de la dimension parallèle dans laquelle il s'était perdu.
J'ouvre les yeux et je la vois. Debout, devant moi. Une apparition. Un ange au milieu de l'enfer de la ville. Seulement séparé par deux voies de métro, quatre rails électrifiés et un muret central de plus d'un mètre de haut. Le métro arrive. Bien évidemment, ce n'est pas le mien. C'est toujours comme ça de toute façon. Elle me regarde aussi. Un sourire sur les lèvres. Mes yeux se perdent dans les siens. La musique s'infiltre dans mon esprit. Me gustas tu lui murmure-je. Je t'adore Manu.
Je fends la foule sous les insultes de ceux qui s'amasse pour rentrer dans un métro qui n'est toujours pas là. Eh Einstein, faudrait rappeler que le principe de l'expansion de l'univers n'est pas perceptible sur les quais du métro. Je cours en direction du tunnel qui passe sous les voies. Le temps s'accélère. Je descends les escaliers quatre par quatre. Ma petite mamie prend peur en me voyant arriver. Elle doit croire que je veux lui tirer son cabas. Je me remémore « La fée carabine ». Elle ressemble étrangement à cette petite dame qui explose la tête de ce policier « Front Nationalement » gentil à coup de P.38. Par prudence, je ralentis le pas et contourne mémé de quelques mètres. On n'est jamais trop prudent. Je la garde dans le visu, le danger est écarté. Je reprends ma course. Je sens les murs trembler. Le métro entre en gare. Un flot de voyageurs inondent le tunnel. Je prends ma respiration. Je plonge dans la foule et je parviens à m'extirper vers la sortie, de l'autre côté de la voie. Le quai est vide. La porte du métro se ferme devant moi. A l'intérieur, ma belle inconnue, un livre à la main, me regarde en souriant. Le métro se met en branle. Je la suis du regard. La voilà partie dans une dimension parallèle. Je ferme mes yeux pour ancrer son visage dans mon esprit. Je sens un vent violent balayé mon corps. Ça, c'est mon métro à moi qui vient se mettre à quai. Ma mémé rentre dedans. Le prochain est dans 5 minutes. Qu'à cela ne tienne, j'enchaine sur Desaparecido. Toujours le mot pour rire Manu. Ciao le métro.
J'arrive au boulot. Il est 9h05. Le temps de me poser à mon bureau. Mes collègues sont autour de moi dans un immense open space coincé entre la porte de sortie de secours, la bibliothèque du Comité d'Entreprise et la salle de repos. J'allume mon poste. Réunion à neuf heures. Cinq minutes de retard. Qu'à cela ne tienne, le temps de me faire couler un café et je dégage au cinquième. Réunion stratégique. C'est là où on expose pour la troisième fois les problématiques qu'on n'a pas su résoudre les deux premières. Je rentre. Tout le monde me regarde. Excusez-moi, j'ai perdu le fil du temps. Et cette jolie nana qui continue de hanter mon esprit. Je m'assois en face de ma responsable. A son regard bienveillant, je sens que la matinée va être longue. Mon directeur reprend son écoute attentive de la présentation faite par l'organisateur de la réunion. Bon, je me plonge à mon tour dans la lecture du PowerPoint qui défile sur le mur. Hormis la date, rien de nouveau. Même les fautes d'orthographes sont encore là. Un petit coup de Ctrl+C par ci. Un petit coup de Ctrl+V par là. Si la vie pouvait être aussi simple. Pourquoi je suis là au faite ? Je demanderai à mon manager quand elle me tancera vertement pour mon retard de cinq minutes. Mon pote Fabrice, Fab pour les intimes, l'expert MOI du service, l'expert tout court, celui sans qui rien ne se passe, se pointe dix minutes après moi. Je l'adore. Derrière son côté un peu bourru et sa cinquantaine bien tassé, c'est un vrai déconneur. Toujours un sourire accroché aux lèvres. Vingt-cinq ans de boite dans une société qui souffle ses vingt-huit bougies cette année. En un mot, balaize. Autant dire qu'il en a vu passé des responsables. Si y a bien une chose qui ne change pas, c'est la valse des directeurs. La réunion se finit, j'accoste mon manager.
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Ma vie en 2.0 (en cours d'écriture)
General FictionC'est quoi la vie d'un trentenaire urbanisé aujourd'hui ? Les réseaux sociaux nous ont rendus insociable. Les sites de rencontres nous promettent l'amour à chaque clic Les employeurs nous tiennent par les couilles depuis l'invention de la crise. Et...