Je vais vous conter l'histoire d'un jeune homme. Ce jeune homme s'appelait Pierre, nom assez commun pour les garçons de sa génération. Pierre n'était pas très habile de ses mains étant enfant, et il n'avait pas vraiment confiance en lui. Il aimait beaucoup ses parents, surtout son père pour qui il exprimait une affection profonde. Chaque week-end, après la dure semaine de travail de son père, Pierre allait se promener dans le parc d'attractions non loin de chez lui, au milieu du village. Ce petit parc comprenait deux attractions principales : un manège et une grande roue illuminée. Le petit garçon adorait plus que tout une des montures dans le petit manège, qui était un petit cheval blanc, pas très joli, mais il prenait toujours le même pour faire un tour. Il prétextait que la sculpture de bois sans vie était « son seul ami » et qu'il n'y avait que lui qui le comprenait. Mais malheureusement, un jour, quand Pierre revint sur les lieux avec son père comme chaque week-end, un des yeux de son cheval préféré était tombé à terre ; il le ramassa comme précieux lien entre lui et son ami tant adoré. L'œil de bois coloré fut placé le soir même dans une petite boîte en ivoire tapissée de velours bleu, cadeau d'un des voyages de son père.
Vers ses six ans, son père qui était issu d'un milieu aisé et placé en haut rang dans l'entreprise qui l'embauchait, offrit à Pierre un animal. Pas un chat, ou un chien, comme dans la majorité des foyers de son époque, mais un quadrupède blanc, pas très haut. Les marchands l'auraient sans doute vendu comme vieille carne ou bête à labourer. L'animal n'était qu'une vieille mule. En apparence, bien entendu.
Pour accompagner la bête, son père lui avait offert un licou de corde, et une selle qui devait dater du siècle dernier vu l'état du cuir à certains endroits. Le siège était renforcé en bois en dessous, ce qui n'était pas confortable du tout pour Pierre, mais il n'y portait pas attention.
Pierre aima directement l'animal, qui ressemblait beaucoup à son ami imaginaire d'enfance, celui à qui il disait tout. Il commença donc à prendre des cours de « monte à cheval « (même si sa monture n'était qu'un vulgaire croisement) dans une écurie de la campagne environnante, à deux pas de la ville où il logeait.
Les jours, les semaines, les mois passèrent jusqu'à ce que Pierre arrive à un niveau acceptable pour sortir seul avec sa monture, qui avait désormais un nom : Mirage.
Les années passèrent, et Mirage embellissait. Il avait maintenant des allures de tout petit cheval de sport, avec le pelage blanc qui resplendissait d'une lueur claire au fil du temps. Seules ses longues oreilles et ses crins peu fournis trahissaient ses origines. Pierre avait grandi, et du haut de ses quinze ans, il avait atteint un âge raisonnable pour sortir en concours avec son petit animal. Il remporta plusieurs prix dans des petites compétitions dans les alentours de sa ville, ce qui le qualifia pour une finale entre villages durant l'hiver. Pierre et son père acceptèrent l'invitation et s'engagèrent dans ce défi.
La fameuse finale arrivait à grand pas en ce 15 novembre. Elle aurait lieu un mois plus tard, en plein mois de décembre.
Pierre entraînait Mirage tous les jours, sans relâche. L'animal ressentait de la fatigue, mais ne voulait pas lâcher son petit maître si prêt de son objectif. En grandissant, il avait pris de l'assurance et de la confiance en soi, voir un peu trop. Le garçon avait pris des traits de caractère (pas les meilleurs, mais comme on dit, on ne choisit pas ses parents.) de sa mère. Il était devenu dédaigneux, égoïste, jaloux, vaniteux et il n'avait d'yeux que pour sa personne, et ses rêves de victoire le jour de la finale.
Durant une soirée plutôt froide, Pierre voulu tester les compétences de « sa bête de victoire », comme il l'appelait, et monta les barres d'un obstacle bien plus haut qu'à son habitude. Il installa également un petit bac avec de l'eau en dessous pour habituer Mirage à sauter des obstacles différents. Le cavalier remit pied à l'étrier et demanda le galop à sa monture pour l'échauffer avant le saut. Un des employés de l'écurie l'observait du coin de l'œil durant son travail et remarqua la hauteur bien osée de l'obstacle. Il laissa ses ouvrages et marcha activement vers la barrière. Il toussota nerveusement et prit la parole.