Une goutte roula sur ma tempe, des cheveux s'échappaient de ma tresse, mes joues chauffaient et mes phalanges étaient en feu.
Je sentais la sueur collée mon corps
tout entier. Un bruit de fond de hurlements virils et tribaux m'entouraient. Ce bourdonnement cognait dans ma tête comme je cognais sur ce sac. Le combat qui se déroulait a quelques mètres sur le ring était attendu depuis quelques semaines. Encore deux coqs refusant de se partager le même poulailler. C'est suite à une série de provocations que les deux jeunes hommes en étaient arrivés là. J'étais une des rares filles à m'entraîner régulièrement dans cette salle pourrie. C'est un mec de mon quartier que je rejoignais parfois pour courir qui l'avait évoqué un jour. Je ressentais cette envie permanente de me défouler. Petite j'avais été renvoyée de nombreuses fois de l'école pour violence et bagarre. Je ne sais pas réellement d'où ça vient même si l'histoire chaotique de ma famille doit être pour quelque chose dans mon instabilité.
J'y étais passée après mes cours du soir. Un mardi je m'en souviens encore. Il faut dire que cela n'avait pas été très agréable.
*Flash back*
Hésitante, j'étais assise sur le banc face à l'entrée de l'LCFC une salle excentrée de sport club de boxe de Montrouge. Ce n'était pas un endroit luxueux, les garçons qui y trainaient avaient plutôt de sales réputation mais je m'en foutais. J'avais besoin de taper sur quelque chose, d'extérioriser la colère et la frustration qui me rongeaient.
Mon sac de sport sur l'épaule, je me levais finalement et entrais dans le bâtiment. J'eu déjà droit à quelques sifflements lourds en passant les portes mais les regards de travers des gens présents à l'intérieur étaient encore plus désagréables. D'un pas beaucoup moins sur que précédemment je me dirigeais vers le bureau de l'accueil. Un vieil homme était avachi sur sa chaise, emballé dans un ensemble de survêtement de mauvais goût, il lisait son journal. Il ne me vit pas tout de suite et je dû me racler la gorge pour qu'il ne daigne relever la tête. Il me regarda perplexe.
- Il s'appelle comment ? Parce que la salle est bondée de monde tu risques de le chercher longtemps.
Il avait dit ça d'un ton lasse qui m'agaça et je ne comprenais pas où il voulait en venir.
- Je vous demande pardon ? Dis-je sèchement.
- Comment s'appelle ton amoureux, beauté ? Répéta-t-il avec un sourire en coin assez inquiétant. Le mot beauté avait tapé dans mes oreilles et mon sang ne fit qu'un tour. Ce vieux macho dégueulasse ne me prenait déjà pas au sérieux.
- Je cherche personne et je suis la beauté de personne c'est clair. J'avais prononcé ces paroles avec hargne. J'ai été éduquée correctement mais quand quelqu'un effleure ma susceptibilité je mords.
Il sourit de plus belle et me dit :
- Mais quelle rage dis ! Pourquoi t'es là alors ? Rares sont les filles qui ose entrer ici, ça doit être le mélange de sueur et de testostérone qui les éloigne - il ria à sa propre remarque.
- Je veux m'inscrire.
J'avais prononcé c'est mot de la manière la plus neutre possible. Mais il s'étouffa tout de même avec son café. Quand il réussit à respirer il ria de plus belle. Son air me dégoûtait.
Je posais la somme nécessaire à l'inscription sur le bureau en le regardant dans les yeux.
- Maintenant tu me la donnes la carte ou tu continus à te marrer. Tu refuses souvent les nouveaux adhérents ?
Mes paroles étaient agressives, j'avais envie qu'il me prenne au sérieux.
- Très bien, très bien si tu insistes.. - il prit l'argent posé devant lui et activa un badge - c'est quoi ton petit nom ?
- Agathe.
Il hocha la tête et pianotât sur son clavier de dix ans d'âge. Une dizaine de minutes après tout était réglé.
Il me dit de le suivre et qu'il avait quelques trucs à me montrer.
Il m'accompagna jusqu'aux vestiaires des femmes qui en raison de l'absence absolue et durable de la gente féminine étaient occupés par des gars. Des sacs éventrés y trônaient offrant une vue imprenable sur des caleçons et autres objets textiles non identifiés. Une odeur de pieds macérés régnait dans la pièce.
- Ici c'est pas du luxe, les gars ça les dérangent pas alors j'espère que t'es pas une princesse qui veut faire des cours de Zumba pour préparer l'été. Y a plus de vestiaire pour les filles et ils partiront pas pour une nana. Change toi quand y'a personne et laisse pas ton sac ici compris ? -J'acquiesçais et il reprit - tu risques d'avoir des remarques pas très charmantes : tu t'écrases. Pas de provocation, tu t'entraînes et tu parles pas. Tous les gars font de la boxe donc la salle des machines sera tranquille normalement.
- Je veux boxer aussi. Le coupais-je.
Il souffla bruyamment et sorti de la pièce. Je trottinais derrière lui quand quelqu'un l'interpella.
- Hey Dino tu les prends au berceau maintenant !
Je fronçais les sourcils et me retournais vivement pour voir qui venait de parler. Un homme d'un quarantaine d'année approcha.
- C'est pas ça Marc. Elle s'est inscrite au club. Elle veut boxer ici.
Le nouvel arrivant me regarda les yeux écarquillés, je le fixa d'un regard froid et tendis ma main.
- Agathe enchantée. Ne vous inquiétez pas je ferais chier personne.
Il regarda Dino, puis moi et finit pas serrer la main que je lui tendais.
- T'es équipée ? Je peux te prêter des gants si tu veux.
- Je veux bien merci. Je peux commencer maintenant ? Demandais-je le sourire aux lèvres, ravie qu'il soit moins réticent que le papi.
Il me donna donc des gants et une corde à sauter pour le cardio. Je filais aux vestiaires prenant soin de fermer la porte et me changeais en vitesse. Lorsque j'entrais dans la salle des jeunes se retournèrent me regardant de travers. J'étais extrêmement mal à l'aise à cause de ma tenue. Mon jogging large passait mais ma brassière nike ne me couvrait pas assez à mon goût. Certains sifflèrent et ricanèrent, j'entendis des commentaires du genre salope ou elle est bonne elle ou encore jla baise maintenant.
Voyant l'agitation que je provoquais Marc rappela tout le monde à l'ordre.
- Tout le monde au boulot, personne ne s'approche d'elle si c'est pour avoir un comportement de chien. Elle est la pour la même raison que vous, s'entraîner ! Et joli cœur la prochaine fois laisse ton soutien- gorge chez toi.
Les rires fusèrent, ils retournèrent à leurs occupations après avoir crié un oui coach ! général. Moi je commençais à taper dans le sac.
*Fin du flash back*
