premier.

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Je traînais en remontant au bâtiment, mes chevilles écartant l'herbe dans un bruit de tissu froissé. Je m'arrêtais. Quelque chose flottait dans l'air net. Sur la droite. Une odeur. Musquée, fraîche et cuivrée...Je fus tenté de hausser les épaules et rentrer me coucher. J'écartais les longues feuilles du saule, de nouvelles gouttes d'humidité se déposant sur mon bras. Pliant le cou pour ne pas percuter une branche, je remarquais que d'autres herbes avaient été lissées par le passage d'autres pieds. D'autres pieds avant moi. J'étais tellement fatigué de toutes ces conneries et de ces mystères. Pourquoi étais-je alors debout dehors, en pleine nuit, me gelant les pieds et le corps pour scruter les herbes ?

Quelques pas plus loin, la silhouette de Lila est debout devant moi. Elle me fait face.

La légère brise de la nuit caresse ses cheveux de blé, le ciel étoilé brille au-dessus de nos têtes. Curieuse impression que celle de s'y sentir relié si fortement.

Je m'approche d'elle. Dans un geste de relâchement, sa tête tombe sur mon épaule, le désordre de ses cheveux blonds frôlant ma peau. Ses yeux sont déjà emplis d'émotion.

De l'ivresse.

Son cœur se met à battre plus fort, il tambourine contre mon torse, je le sens.

Je suis là et je ne fuis plus.

Ses yeux verts se ferment. Les vibrations traversent son échine, me caressent, m'effleurent.

Dans une onde légère, son corps se déhanche presque de lui-même mais il ne danse pas : il vibre. Les souvenirs s'estompent. La peur de m'avoir définitivement perdu n'est déjà qu'un sentiment vague, qui se dissipe à chaque encollée sonore, à chaque mouvement de mèche blonde sur le visage diaphane, à chaque néon coloré. Elle écarte les bras et sa tête roule sur sa nuque, frôle ses épaules, les paupières à demi fermées. Grisé, elle se repose les yeux sur mon corps, qui n'est maintenant plus qu'à un souffle d'elle.

Oublie. Oublie tout ce qui n'est pas de l'ordre de la joie et ressens. Vis.

Les fumigèrent rampent à nos pieds, l'herbe fraîche nous caresse faiblement. Au dessus de nous, quelques drapeaux signes de l'établissement ondulent en haut de poteaux élevés. Les basses rebondissent dans nos poitrines, l'euphorie partagée ne nous permet plus de réfléchir.

Lila me fixe, d'un regard d'encre dont le trouble n'atténue en rien la profondeur. Ses lèvres entrouvertes sont vides de mots à prononcer - en existe-t-il seulement pour exprimer ce qu'elle ressent ? - Et mon regard est celui d'un homme qui ne veut plus lutter.

Nos têtes tournent.

La distance qui sépare faiblement nos corps est un vaste univers à explorer.

Partout sur nos visage peuvent se lire la même joie, le même plaisir, cette soif de vivre qui n'appartient qu'à cet instant. Le vent tourne, hypnotique, enveloppant nos corps de son halo. En quelques pas, nos peaux deviennent si proches...Ils pourraient presque se toucher.

Lentement, ma main hâlée se lève, frôle, caresse le vent..., se pose sur sa hanche pâle. Un lourd soupir s'échappe de sa poitrine apaisée.

Alors qu'une main blanche monte vers mon visage, je ferme les yeux, se tendant vers la caresse, sentant une de ses mèches indisciplinée se faire repousser de côté dans un effleurement qui a la douceur de la brise nocturne.

Les lèvres entrouvertes de Lila ont l'irrésistible attrait d'un fruit défendu, bordé de mystère.

L'éclat des lobes vertes est celui d'un paradis perdu et envoûtant. Existe-t-il encore un autre monde que celui du trouble qui nous possède ?

trois petits pas sur l'océan.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant