- Ces mesures sont exagérées. L'humanité n'a pas besoin d'un tel encadrement.
- Les désastres qu'elle s'est elle-même causés n'ont donc pas été suffisant pour que tu ouvres les yeux ?
Le ton du Père Protecteur était rude. Cet idiot ne comprenait-il donc pas qu'il n'y avait aucun autre moyen d'éviter une nouvelle catastrophe ? Il regardait son rival avec une rage certaine. Ses yeux reflétaient une lueur malsaine.
- Écoute moi bien. Que ça te plaise ou non les mesures décidées seront mises en places.
L'homme, masqué par l'obscurité de la pièce sombre ne répondit pas à ce nouvel affront. Ils avaient déjà discuté longuement et le Père Protecteur semblait ne pas vouloir être raisonné.
- Et bien dans ce cas vous monterez votre projet sans moi.
Le ton était froid. Aucune négociation n'était plus possible. Son choix était fait. Il quitterait les installations dans la soirée et prendrait avec lui ses maigres bagages. Il était hors de question de cautionner un tel acte de barbarie. Tout dans les pensées du Père Protecteur le dégouttait. Tout. Jusqu'à son nom. Un désastre s'annonçait. Le temps d'huiler les roues de l'engrenage, le temps de lancer la machine, et tout serait prêt pour faire à nouveau basculer l'humanité. Cet homme, comme d'autres dans l'histoire avant lui, s'était présenté comme un sauveur. Mais il s'avérait, les années passant, qu'il n'avait rien du type désirant le bonheur et la prospérité d'un peuple. Il était d'un égoïsme rare. Mettant en avant ses intérêts personnels. Le pouvoir faisant perdre la tête, le Père Protecteur avait sombré peu à peu dans une folie dévastatrice. Mais il tenait les rênes de la société actuelle. Et tout se devait d'aller dans son sens. Il avait donné de l'espoir un jour, à un peuple qui n'attendait que ça. Cet espoir avait permis à un bon nombre d'hommes et de femmes d'entrevoir un futur plus ou moins certain. Plus sûr, du moins, que ce qu'ils avaient dû endurer jusqu'à présent. Il suffit d'un peu de détresse pour que n'importe quel homme aux belles paroles puisse se poser comme sauveur de l'humanité. Même s'il se révèle en être le détracteur.
- Et où comptes-tu aller ? J'espère que tu es conscient qu'il n'y a pas de lieu plus sûr que celui-ci ?
Encore un de ces beaux mensonges. Une voix mielleuses et enivrante. Celle qui captive les foules. Mais cette fois ça ne marchait plus. Plus sur lui. Il en avait déjà trop entendu.
- Oh si, au contraire. Rien ne peut être pire que ce projet que vous comptez mettre en œuvre. Ne vous en faites pas pour moi.
Un faible sourire. L'ironie. Le Père Protecteur la décelait dans le regard puissant de son rival. Ils avaient été amis fut un temps. Soudés face à l'improbable. N'ayant comme but ultime que la survie de la population. Mais rapidement des tensions étaient apparues et les deux hommes avaient vite été confrontés à une sinistre vérité. Ils n'envisageaient pas le même futur. S'ils avaient su un jour trouver des compromis, aujourd'hui ce n'était plus possible. La décision qu'avait prise le Père Protecteur quelques jours auparavant avait scellé leur relation. A jamais. Les faisant passer de collègues à rivaux. Ils avaient dépassé le point de non-retour et la situation s'était envenimée de jour en jour. Au final, ce n'était pas plus mal qu'il décide de partir. D'abandonner l'aventure. D'abandonner l'espoir d'un futur meilleur. La décision du Père Protecteur était parfaite. Celle qui irait le mieux au peuple. Il vaut mieux prévenir que guérir. Il n'en doutait pas. Personne n'avait le droit d'en douter. Il fallait à tous prix préserver l'humanité d'un nouveau désastre.
- Et bien dans ce cas je crois que nous n'avons plus rien à nous dire.
Le Père Protecteur tourna le dos. Il préférait faire face aux fenêtres. Il ne voulait plus voir cet homme qui avait trahi sa confiance. Qui avait trahi l'amour qu'il portait au peuple. Son peuple. Cet homme avait osé l'accuser de nombreuses choses. Jugeant l'attitude du Père Protecteur d'inappropriée, de déplacée. Il lui avait dit, quelques jours auparavant : « La seule chose que vous voulez, c'est sentir le peuple ployer sous votre autorité. Il n'y a rien d'autre qui vous intéresse. La survie est le cadet de vos soucis. » Ce à quoi il n'avait rien répondu.
- Adieu Sergeï. Et j'espère qu'Alexsha ne te manque pas trop. Tu risques de te sentir seul dans les années à venir.
A nouveau ce satané sourire qui suintait d'ironie. Mais il y avait autre chose. Il y avait de la provocation. Son rival l'avait tutoyé à nouveau. Prononçant le nom qu'avait été le sien bien des années auparavant. Bien avant ce désastre et cette lueur d'espoir. Et pire que tout. Il avait évoqué celui d'Alexsha. Alexsha... Ce qu'elle pouvait lui manquer. Il serra les poings fermement, fermant les yeux. Ses ongles s'enfoncèrent dans sa peau. Mais il fallait qu'il fasse passer la douleur du passé. Celui qu'il avait tenté d'effacer depuis toutes ces années. Des images défilèrent devant ses yeux. Une multitude de souvenirs affluaient à la surface. Tout revenait si vite. Si brusquement.
Quand il rouvrit les yeux, son rival était déjà parti. Mais il ne chercha pas à le rattraper. De toute façon il n'avait nulle part où aller. Le monde était devenu bien trop hostile pour qu'il survive sans aide. Il essayait de s'en convaincre.
- Adieu Matricule 192. Murmura-t-il
Il esquissa un sourire mesquin. Ils se reverraient, un jour. Il en avait la certitude. Et ce jour là, son rival admirera combien il s'était trompé. Combien le Père Protecteur avait triomphé. Et lui, échoué. Quel imbécile. Cette idée chassa les mauvais souvenirs. Ceux qui dataient des Périodes Obscures.
La Bulle Protectrice allait bientôt voir le jour.
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M 192
Science FictionDis-moi. Dis-moi pourquoi ils ont fait ça ? Raconte-moi seulement. Explique-moi l'horreur. Décris-moi la souffrance. Parle-moi du passé. Je t'en prie. Parle-moi-en, que je comprenne. J'ai besoin de savoir. Qui suis-je ? Elle le regardait de cet air...