Chapitre 1: Là où tout a commencé

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C'était un matin d'octobre. J'avais 17 ans. Première L, car j'ai toujours voulu être magistrate. Évidemment, j'y suis parvenue. Ce matin-là, j'étais en retard, ce qui ne m'est presque jamais arrivé. Il y avait un autre garçon à l'arrêt de bus, et pas n'importe quel garçon. Matt. Celui pour qui je craquais sérieusement depuis presque 3 ans. Il était en retard lui aussi et le prochain bus n'arrivant qu'une demi-heure après, je me sentis obligée de lui faire la conversation. Il n'était pas très bavard mais tout ce qu'il disait suffisait à me combler, vu qu'en 3 ans, il ne m'avait adressé la parole que pour me demander les devoirs. Tout est parti de là, de deux adolescents en retard qui avaient raté le bus. Pendant près de trois ans, nous nous étions presque ignorés, et voilà qu'en l'espace de quelques mots échangés, tout avait été perturbé. On était à côté à tous les cours, on se chamaillait comme des enfants, très complices. Le vrai cliché américain dans toute sa splendeur.

On a eu notre bac tous les deux avec mention. Je me souviens que pour fêter ça, nos parents, vieux amis, avaient décidés de nous emmener dans un parc d'attraction. Au moment de monter dans un grand huit, les parents avaient disparus. On s'était donc mis à côté. Aujourd'hui encore, je me demande ce qui m'a pris de monter dans cet engin, peureuse comme je suis. Enfin, arrivés en haut, juste avant la descente fatale, je me le suis aussi demandée. Mais il était trop tard pour reculer. J'avais les mains sur la bouche, prête à crier, quand soudain deux mains ont attrapés mon menton et m'ont tourné le visage vers la gauche. Matt. Il s'est penché vers moi et je me souviens encore du contact de ses lèvres douces, presque timides, contre les miennes, juste avant qu'il me chuchote : "on va le faire, ensemble". Puis l'engin s'est penché vers le bas. Dans des circonstances différentes, deux semaines auparavant, j'aurais hurlé de peur. Mais pas là, non, je n'avais plus peur. J'étais agrippée à son bras et c'était tout ce dont j'avais besoin pour me réconforter. Je me rappelle aussi ce moment où, enfin rentrés chacun chez soi, mon père a chuchoté à ma mère, pensant que je ne l'entendais pas tandis que je montais les escaliers : "qu'est-ce-qui lui arrive ?" Et ma mère lui répondant, tout sourire en connaissance de cause : "notre Eléa n'est plus une enfant... Elle grandit, Patrick, et je crois, enfin non, je suis sûr, qu'avec ce sourire qu'elle ne peut plus cacher, elle est amoureuse."

Pourquoi je suis restéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant