SKYE.

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Le rugissement sourd de deux Stérigs qui se battaient dans la vallée en contrebas sortit brutalement Skye de sa léthargie. Elle empoigna l'arc qui gisait à son coté et encocha une flèche avant de se rapprocher de l'ouverture de la grotte où elle avait établi son bivouac.

La couleur plombée du ciel qui noyait le paysage dans une semi pénombre l'empêchait de repérer l'endroit exact où se situait le combat. Prudente et silencieuse, elle attendit que l'un des fauves s'écroule à quelques pas de sa cachette pour dévoiler sa présence .

Un grand mâle au pelage sombre luttait âprement pour sauver sa peau.

Chacun de ses mouvements était plus lent que le précédent et, au vu de ses blessures, il ne lui restait pas plus de trois ou quatre minutes avant de succomber sous les coups de son adversaire.

Pour une fois se dit-elle avec satisfaction, elle n'aurait qu'à laisser faire la nature. Elle allait simplement attendre la fin du combat et ne sortirait que pour achever le survivant.

Elle s'empressa de revenir près de son paquetage et enduisit la pointe de ses flèches avec le venin de crotale qui restait au fond de sa fiole.

Une grimace de dépit déforma sa bouche. Utiliser les ultimes gouttes de ce précieux poison pour un tel usage était un véritable crève-cœur. Mais elle n'avait pas mangé depuis trois jours et tombait de sommeil . Or, ses forces avaient besoin de se reconstituer rapidement avant d'affronter la nuit suivante.

Lorsque son corps allait une fois de plus rester sans défense, terrassé par le processus accompagnant la mutation, il aurait besoin de ces réserves. L'apathie ralentissait déjà ses réflexes. Elle ne pouvait plus se permettre de faire la difficile, cette nourriture providentielle lui était doublement nécessaire.

Avant qu'elle ne glisse irrémédiablement dans le sommeil comateux qui l'attendait, puis à son réveil, lorsque son estomac se tordrait sous les crampes d'un jeûne trop souvent répété...

Comme pour lui rappeler le peu de temps qui lui restait jusqu'à la fin du jour, ses membranes nictitantes s'abaissèrent et elle dût se faire violence pour regagner l'entrée de la grotte. Elle n'aspirait plus qu'à une seule chose : s'enrouler dans son manteau et s'abandonner à l'inconscience.

En bas, le jeune Stérig venait de porter un coup fatal à son rival et lui ouvrait la gorge d'un dernier coup de griffe. Elle vit le flot de sang contaminé jaillir de la jugulaire sectionnée et venir éclabousser la robe rousse du vainqueur.

Plus que quelques instants, et l'infection polluerait aussi son organisme, le rendant impropre à la consommation.

Elle devrait se montrer assez rapide pour en sauver quelque chose...

Les pieds solidement ancrés au sol, la jeune femme arma son arc et décocha la première de ses flèches en visant l'échine du fauve. Lorsque le carreau s'y ficha, le félin fut parcouru d'un long frémissement et chuta lourdement sur ses pattes avant.

La deuxième flèche atteignit la base de sa nuque alors qu'il tentait de se relever.

« Désolée, le poison ne te laissera pas d'autre chance ! » dit-elle à voix haute en s'approchant de la créature agonisante.

Il était vraiment très jeune et bien plus maigre qu'elle ne l'espérait soupira t-elle , en songeant aux efforts qu'elle allait encore devoir déployer pour récupérer le peu de viande qu'elle pourrait sauver.

« Pas fameux, mais mieux que rien ! ».

Résolue à ignorer la sensation grandissante de lassitude qui s'emparait de ses membres raidis, elle enfila ses gants pour protéger ses mains et commença le long travail de dépeçage.

  TERRE MOURANTEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant