Essolea

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Esseulée dans son étrangeté, et solaire par sa présence, elle avait toujours été mystérieuse, ne s'étendant pas trop sur son passé et ses projets. Quand on discutait, la nuit, elle tournait en dérision tout ce qui avait un rapport avec elle.


- Si tu poses des limites, c'est fini.


Elle était un incendie, passionnée et rieuse, elle ne voulait pas cesser de sourire, quoi qu'il lui en coûte. Quand elle aimait, elle y mettait tout ce qu'elle était, c'est pourquoi elle souffrait d'autant plus qu'on la trahisse.


Sa fidélité n'avait pas de faille. Elle n'avait jamais rejeté l'amour, quels que furent sa source et son sens. Hormis avec Salem, la rupture ne venait jamais d'elle. Elle acceptait chaque parole, chaque acte d'amour, avec une simplicité si noble que sa grâce éblouissait ceux qui se trouvaient autour d'elle. Tout du moins, j'étais éblouie et fascinée chaque fois que j'y assistais.


- C'est quelque chose qui ne se voit pas, je crois. Ce n'est pas donné à tout le monde, c'est vrai, mais il serait inadéquat de prétendre être incapable de l'obtenir.


A première vue, il faut bien l'admettre, elle n'avait rien d'extraordinaire, mais pour peu que vous acceptiez de lui ouvrir votre cœur, elle se dévoilait à son tour, et elle était si belle à l'intérieur que sa magnificence se révélait et nimbait de beau tout son être, la rendant divinement belle et attirante. Ce qui m'avait marquée, c'était sa façon d'accepter sa propre beauté ; en fait, cela ne l'intéressait pas. Ce qu'elle était et paraissait n'avait pour elle aucune importance, elle ne se souciait absolument pas de l'image qu'elle pouvait renvoyer.


Elle nous avait un jour confié, un soir où nous avions tous bu plus que de raison, qu'elle ne pouvait s'empêcher de choisir ses fréquentations en fonction de leur apparence, et qu'elle n'avait que des amis beaux. Nous nous étions regardés, nous, les marginaux qu'elle avait choisis, et avions éclaté de rire. Elle avait eu un sourire adorable de par sa spontanéité et sa franchise, et nous avait tous regardés, tour à tour. Nous avions lu dans ses yeux tout l'amour brûlant qu'elle avait pour nous, et cette soirée est restée dans notre cœur comme un goût sucré sur la langue.


- Ils ne comprennent pas.


- Tu crois ?


Je ne compte plus les gens qui la haïssaient. Ils la haïssent toujours, d'ailleurs, mais je n'en ai plus d'écho. Peut-être parce que je ne m'en soucie plus tellement. Il n'y a que Glenn que je vois encore, je ne sais pas trop pourquoi il m'apprécie toujours. Il a toujours été le plus proche d'elle, je ne vois pas comment il a pu me pardonner. De toute manière, il n'est pas spécialement amical. Il est présent, c'est tout.


Elle l'appréciait beaucoup. Comme nous tous, mais il me semble qu'il y avait quelque chose de différent entre eux. Une sorte d'affection fraternelle, qu'elle ne réservait qu'à lui. Il s'en contentait aisément, ne lui demandait jamais rien de plus que ce qu'elle lui donnait.


Celui qui aurait pu rivaliser avec lui, c'est First. Il a été le premier à lui déclarer sa flamme, après tout. Mais il considérait sans doute lui aussi Glenn comme son petit frère, alors ça ne le dérangeait pas.


- Pourquoi fais-tu ça ?!


- Je ne sais pas. Je le fais, c'est tout.


Elle était très instinctive, elle ne suivait que les injonctions que son cœur lui dictait. Sans réfléchir aux conséquences, elle faisait ce que bon lui semblait. J'ai toujours trouvé cette liberté extrêmement séduisante. Je ne l'aurais jamais empêchée. Elle m'aimait beaucoup pour ça, probablement.


C'est aussi pour ça qu'ils me détestent, à présent. Parce que je ne l'ai pas empêchée. Mais pourquoi pas tous ? Pourquoi certains me donnent-ils une seconde chance, du haut de leur compassion ?

EssoleaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant